Tunisie Réveille Toi ! http://www.reveiltunisien.org/ Site d'information et d'opinion sur la Tunisie fr SPIP - www.spip.net De la vraie et de la fausse opposition de décor http://www.reveiltunisien.org/spip.php?article1585 http://www.reveiltunisien.org/spip.php?article1585 2004-12-22T21:52:18Z text/html fr Sami Ben Gharbia alias Chamseddine Elections 2004 Opposition tunisienne Anonymat action contre la dictature le 16 décembre 2004 Dans la masse de commentaires et des réactions suscités par les résultats des « élections » du 24 octobre dernier, plusieurs positions se sont dégagées. J'aimerai ici réagir au texte de Sihem Bensedrine vu le ton autoritaire qu'il emprunte et l'idée fantaisiste qu'il œuvre à imposer sur la nature du débat post 24 octobre. Dans la masse de commentaires et des réactions suscités par les résultats des « élections » du 24 octobre dernier, plusieurs positions se sont dégagées. J'aimerai ici (...) - <a href="http://www.reveiltunisien.org/spip.php?rubrique40" rel="directory">Politique</a> / <a href="http://www.reveiltunisien.org/spip.php?mot56" rel="tag">Elections 2004</a>, <a href="http://www.reveiltunisien.org/spip.php?mot59" rel="tag">Opposition tunisienne</a>, <a href="http://www.reveiltunisien.org/spip.php?mot69" rel="tag">Anonymat</a>, <a href="http://www.reveiltunisien.org/spip.php?mot72" rel="tag">action contre la dictature</a> <div class='rss_texte'><p>le 16 décembre 2004</p> <p>Dans la masse de commentaires et des réactions suscités par les résultats des « élections » du 24 octobre dernier, plusieurs positions se sont dégagées. J'aimerai ici réagir au texte de Sihem Bensedrine vu le ton autoritaire qu'il emprunte et l'idée fantaisiste qu'il œuvre à imposer sur la nature du débat post 24 octobre.</p> <p>Dans la masse de commentaires et des réactions suscités par les résultats des « élections » du 24 octobre dernier, plusieurs positions se sont dégagées. J'aimerai ici réagir au texte de Sihem Bensedrine [<a href='#nb1' class='spip_note' rel='footnote' title='Sihem Bensedrine : « L'opposition a gagné la bataille de la délégitimation (...)' id='nh1'>1</a>] vu le ton autoritaire qu'il emprunte et l'idée fantaisiste qu'il œuvre à imposer sur la nature du débat post 24 octobre. Aussi, vu qu'il démontre à quel point on peut transformer des « élections » qualifiées par tous les observateurs de « non événement » et de mascarade en un événement qui se veut historique. On ose même parler de victoire de l'opposition dans la bataille de la délégitimation contre Ben Ali. Et pas n'importe quelle opposition, mais celle qui a participé activement à la même mascarade « électorale ».</p> <p>Sihem Bensedrine a préféré se servir d'un titre-postulat ayant l'allure d'une vérité historiquement irréfutable pour faire passer un non-sens. Ce faisant, elle comptait dissuader les éventuels critiques qui oseraient remettre en question cette prétention extravagante et autosuffisante, qu'est « l'intérêt de l'aventure de l'initiative démocratique » et « la victoire dans la bataille de la délégitimation contre Ben Ali » à ne pas s'hasarder dans ce pré-carré. Lequel devrait être réservé aux seuls portes paroles autoproclamés de la Tunisie opposée à Ben Ali. Sans donner à la critique et au débat l'espace qu'ils méritent dans l'ère post 24 octobre, elle a rejeté d'emblée les sceptiques, avant même qu'ils ne se prononcent, dans le camp de la dictature, et a excellé, tout comme cette dernière, dans le maniement des qualificatifs et des vieilles batteries qui viennent à bout de l'analyse et de l'argumentaire : « guerre psychologique » « collaborateurs actifs », « laboratoires officiels », « services spéciaux » etc. ! Le reste du texte n'est rien d'autre qu'une volonté manifeste de se construire une autorité morale sur la scène politique et médiatique tunisienne, un règlement de compte qui peine à dire son nom, et un manège oeuvrant à légitimer une nouvelle caution donnée au quatrième mandat de Ben Ali par ceux qui se sont appropriés le titre pompeux d'Initiative Démocratique. Comme si l'initiative dans le cirque électoral tunisien avait existé même au sein de la sphère tracée par le régime de Carthage. Que dire alors si la partie concernée prétend se positionner en dehors de cette sphère !</p> <p>Et c'est bien Sihem Ben Sedrine, dans un entretien accordé le 25 octobre 2004 à Radio France Internationale, qui avait reconnu que ces « élections » qui était « pour rien (…) avaient deux demandeurs seulement : Ben Ali et l'Europe et l'Occident en général. » [<a href='#nb2' class='spip_note' rel='footnote' title='Pour écouter la totalité de l'entretien cliquer ICI.' id='nh2'>2</a>] On a le droit quand même de déduire que tous ceux qui ont participé aux dites « élections » répondaient à la demande de Ben Ali, qui reste le maître absolu du jeu. Jouer sous des prétextes aussi fautifs qu'irréalistes comme « la démonstration du verrouillage politique » et « témoigner de cet interdit qui frappe l'exercice des libertés élémentaires », est avant toute autre chose une reconnaissance de la légitimité de la partie qui mène le jeu et qui défini ses règles. Règles, rappelons-le, qui étaient toujours non constitutionnelles. En acceptant de se mettre à table, l'Initiative Démocratique s'est placée d'emblée au cœur du système bénalien malgré sa prétention au contraire. Et on n'a pas à « se torturer l'esprit » -bizarre définition donnée par S. Bensedrine à l'acte de la réflexion- pour saisir cette réalité.</p> <p>Au niveau de la fixation des défis et des objectifs de l'opposition, SBS semble être encore l'otage du passé et d'une certaine idée désuète du militantisme, réduite à sa seule bataille médiatique contre le régime de Carthage : « L'unique défi à relever par l'opposition était de faire, encore une fois, la démonstration du verrouillage politique (…) témoigner de cet interdit qui frappe l'exercice des libertés élémentaires » Rétrécir de la sorte le champ d'action de l'opposition à une simple bataille médiatique, qui de plus a prouvé ses limites, équivaut à sacrifier le premier objectif de la résistance à la dictature : la renverser et mettre fin à son règne de la terreur. Et, ici, il est plus qu'inopportun de parler de radicalité du discours de ceux qui ont appelé au boycott actif étant donnée que la radicalité est au sein même du système politique tunisien. La dictature est radicale dans ses choix répressifs, extrémiste dans son négationnisme des drames subis par les prisonniers politiques, leurs familles et les exilés, fanatique dans son flicage de la société, aveuglée dans sa corruption et son favoritisme. Et il est incohérent de vouloir opposer à un tel système une opposition soft et « un ton et une démarche mesurée, et verbalement modérée » sous prétexte qu'il vaut mieux ne pas effrayer cette « frange de l'élite tunisienne, somme toute attachée à son confort matériel. Et je pense que l'histoire de la Tunisie militante a suffisamment prouvé que le fait de choisir le camp de cette frange de l'élite se traduisait toujours par l'abandon des revendications populaires. Et il ne faut pas être devin pour savoir que tout changement vers la démocratie nécessite une demande populaire suffisamment forte et constante. Vingt ans ne nous ont pas suffi pour comprendre cette loi ni pour rechercher les moyens permettant de mettre en œuvre un tel objectif !</p> <p>S.B Sedrine n'est peut-être pas consciente qu'en définissant de telles missions à l'opposition elle fait un bond de 10 ans en arrière, condamnant, théoriquement, la société civile et l'opposition à tourner en rond, ne sortant que pour faire une « récréation de quinze jour sous haute surveillance » [<a href='#nb3' class='spip_note' rel='footnote' title='Mustapha Benjaâfar : « Mise au point », lundi 13 septembre 2004. (...)' id='nh3'>3</a>] comme l'avait si bien dit Mustapha Ben Jaafar. Car cela fait plus d'une décennie que l'opposition et les personnalités politiques hyper médiatisées qui agissent presque en tant que parti politique à part entière, nous assènent des formules démocratiques et des recettes de lutte contre la dictature avec les mêmes slogans creux : « démasquer le vrai visage de la dictature », « sensibiliser l'opinion publique internationale », « mobiliser la société civile ». Je me rappelle qu'à l'occasion du « référendum » de mai 2002, Taoufik Ben Brik avait définit dans ces termes la mission de ces parti-personnes : « quand on voit un Jacques Chirac ou un Jean-Pierre Chevènement soutenir sans vergogne ce « coup d'Etat constitutionnel », on se dit que c'est une négligence impardonnable de ne pas avoir dépêché en France et ailleurs, des résistants comme Radhia Nassraoui, Sihem Ben sedrine, Moncef Marzouki ou Oumeya Seddik, pour n'évoquer qu'un petit groupe de virtuoses tunisiens de la parole pour décortiquer sur les ondes la face du référendum, restituer le contexte et les éléments de compréhension nécessaires et nous assurer une présence morale, un poids de parole qui nous valorise. » [<a href='#nb4' class='spip_note' rel='footnote' title='Taoufik Ben Brik : « A propos du feraoun el assr », le 23 Mai (...)' id='nh4'>4</a>] Deux ans après ce coup d'Etat constitutionnel, qu'en est-il de cette mission ? Rien !</p> <p>• Ni du côté du peuple, qui reste non réceptif au discours de l'opposition qui a préférer le troqué contre un élitisme systématique et un discours dirigé exclusivement aux médias et ONG occidentales. • Ni du côté de l'opinion publique internationale. Laquelle continue de fournir ses millions de touristes graissant ainsi les rouages d'une économie otage d'un Etat mafieux et policier. • Ni du côté des institutions dites internationale, qui n'ont jamais tari d'éloges le bon élève tunisien. • Et, enfin, ni du côté des chancelleries des soi-disant démocraties occidentales qui nous présentent la Tunisie comme un modèle réussi. On ose même venir chez-nous pour nous lancer en plein visage un « manger et taisez-vous » au moment où des dizaines de prisonniers politiques mènent une grève de la faim.</p> <p>En plus d'être prisonnière d'une stratégie archaïque, S. Bensedrine veut qu'on donne encore du temps à l'opposition pour je ne sais quel but. « Il faut lui laisser le temps » nous conseilla-t-elle à la fin de son article. Mais qu'est-ce que cela veut dire en terme de débat politique et de lutte contre la dictature ? Cela veut peut-être dire s'autocensurer, car la critique de l'opposition ne peut être qu'un produit préparé dans les « laboratoires officiels des services spéciaux » ! Se taire devant tant de non-sens de peur de se voir étiqueté « collaborateurs actifs » ! Sous-traiter la cause de notre liberté à des lobbies politiques, à des ONG et à de personnalités qui préfèrent être les seules à parler en notre nom, à informer et à interpréter l'information. Et pis encore, qui se permettent de glorifier le rôle joué par une partie de l'opposition de décor ?</p> <p>L'opposition qui sert de décor au système de Ben Ali -et contrairement à tout le baratin politique construit de toute pièce- est constituée de deux ailes. Une vraie et une fausse opposition de décor. La fausse est celle que représentent Bouchiha, Béji et des pseudo partis comme PUP et le MDS. La vraie est celle qui se présente en tant qu'alternative au pouvoir, qui se nomme Initiative et qui « fait bouger la rue » alors qu'elle s'inscrit dans la logique même du système : elle le cautionne de façon habile ! Et c'est sa « force ». Cette vraie opposition de décor est celle de l'Initiative démocratique. Et le dénominateur commun d'un Mohamed Bouchiha qui, à l'annonce des résultats, s'est déclaré « satisfait » de son score et s'est réjouit d'avoir « contribué à briser le tabou des scores à plus 99 %» et d'un Halouani ou d'une Sihem Bensedrine qui ose prétendre que l'ID « a marqué des points (..) et a dégagé un consensus sur le niveau de rupture avec ce pouvoir illégitime jamais atteint auparavant » c'est que les deux ont joué le jeux de Ben Ali. Nous appelons les premiers une opposition de décors et les seconds une vraie opposition du décor. Car même si « personne ne se faisait d'illusions sur l'issue de ce scrutin sans enjeu » ; comme le rappelle justement Sihem Ben Seddrine, personne, à part les participants, ne peut prétendre que la participation à ce scrutin était sans enjeu. L'enjeu s'est avéré bel et bien énorme. La participation de l'Initiative Démocratique qui a joué le rôle du vrai décor, puis la tentative de légitimer cette participation dans des « élections » constitutionnellement illégitimes sont plus nuisibles que les 130.000 policiers et le bataillon des Rcdéistes. Etant donnée qu'une entreprise pareille discrédite davantage l'action politique déjà souffrante d'un discrédit auprès du peuple, la transforme en Bolitique et nous condamne à nous leurrer des décennies et des décennies dans le labyrinthe des communiqués, des protestations occasionnelles et des « repositionnements » [<a href='#nb5' class='spip_note' rel='footnote' title='« Désormais sur la touche, le FDTL de Mustapha Ben Jaafar, le PDP de Nejib (...)' id='nh5'>5</a>] plus que chroniques où la fidélité aux principes et où le discours clair n'ont plus de place. Même les mots n'ont plus de sens : Initiative, démocratie, résistance. La consommation démesurée de ces termes a fini par les ridiculiser. Et Halouani contrairement à se qu'avait avancé Sihem Bensedrine sur les ondes de RFI n'a pas « permit de remobiliser la société civile qui était un peu léthargique, un peu défaite et désespérée ! ». Ce qu'il a fait c'est saboter un rassemblement efficace de la résistance autour du boycott de la mascarade électorale car l'enjeu n'était pas de participer à un crime en le dénonçant mais de boycotter tout en se démarquant.</p> <p>Peut-on prétendre gagner la bataille de la de la délégitimation contre Ben Ali quand on avoue dans le même texte que la dictature a fraudé alors qu'elle « sait que tout le monde sait » ? La dictature s'en fout carrément ; elle n'a pas de pudeur. La délégitimer c'est refuser de jouer son jeu. Or ce que l'Initiative Démocratique a fait c'est de se présenter en tant qu'acteur dans cette mascarade. Et quelles que soient les bonnes intentions, qui d'ailleurs restent à vérifier, cela ne change rien à la nature du service rendu à la dictature. Maintenant, Ben Ali, tout en sachant que tout le monde sait qu'il a triché et qu'il a manipulé la Constitution pour se maintenir au pouvoir, peut prétendre qu'il a été élu démocratiquement ; et pour preuve : la participation de cette Initiative démocratique qui aurait « l'avantage de s'inscrire politiquement dans la ligne de rupture de l'opposition radicale. » comme veut la peindre S. Ben Sedrine. Pleurnicher ensuite sur le score réservé aux candidats, sur les 70% du temps de la campagne médiatique accaparé par le candidat Ben Ali..etc. est un fait qui ne sert à rien sinon à cimenter l'idée du « progrès enregistré dans le processus de démocratisation » comme l'a souligné l'Europe dans son message de félicitation à Ben Ali. Contrôler le déroulement des élections par des ONG qui auraient du s'inscrire dans la logique du boycott actif des « élections » et dans la bataille de la sauvegarde de notre Constitution fruit de notre indépendance équivaut, selon l'adage à « faire un acte juste pour une cause injuste ». A quoi ça sert d'assister à un double crime de vol et de viol, de laisser faire puis d'écrire un témoignage pour condamner après coup le forfait.</p> <p>L'autre point que j'aimerai bien discuter ici concerne la Toile et les anonymes. Sans vouloir revenir à l'affaire de « la note de bas de page », ni aux diverses remarques émises par nombre d'acteurs politiques (Rached Ghannouchi, Moncef marzouki, Om Ziad, S. Ben Sedrine, Omar Mistiri..etc.) contre les anonymes, la Toile et les forums de discussion j'aimerai bien clarifier une chose qui me semble importante.</p> <p>L'anonymat, chère madame, qui vous irrite tant, au point de consacrer aux alias et aux anonymes un paragraphe ou une note de bas de page dans chacune de vos interventions bruissantes est un phénomène qui a accompagné la naissance du cyberactivisme ou si vous voulez de la cybversion, selon notre terme tunisianisé. Du pays le plus libre jusqu'au pays le plus autoritaire de la planète, les jeunes et les moins jeunes ont eu l'habitude d'intervenir sur les sites, les blogs et les forums de discussions en utilisant des pseudonymes ; même lorsqu'ils traitent des sujets aussi banals que le foot et les relations. Que dire alors si le sujet est un tabou aussi effrayant que la dictature bénalienne. Le net tunisien, et retenez ceci comme une règle, est loin d'être l'unique espace de la toile où les jeunes se cachent derrière un pseudonyme pour s'exprimer. Négliger, voire ignorer, cette caractéristique de la cybversion et s'acharner comme certains « protégé(e)s » de notre opposition le font sur les anonymes est un signe de courte vue et d'incapacité à réaliser la profondeur de l'évolution qui touche le monde de l'information. Contrairement aux rides de la sagesse, ces traits qui caractérisent les visages de notre si fine et si autosuffisante élite, sont des traits de la bassesse. S'acharner sur l'anonymat, ce n'est rien piger de la Toile. Citation : « le développement du Web indépendant fonctionne véritablement sur une logique spontanée permise par la gratuité, l'anonymat et la liberté qui sont les grands principes, les trois grandes valeurs de l'espace communicationnel d'Internet. » [<a href='#nb6' class='spip_note' rel='footnote' title='« Le Web independent », ETIC (Eduquer aux Technologie de l'Information et de (...)' id='nh6'>6</a>] disait l'un des textes intéressants traitant le sujet du web indépendant qui j'espère, contrairement à votre souhait [[« Après de longues années de traversée de désert, la Tunisie connaît - à travers Internet- une explosion d'une liberté d'expression. Ce nouveau champ de liberté appelle lui aussi une autorégulation, au risque de se muer en aliénation et en un espace de désinformation. Ce champ est aujourd'hui pollué par une intervention régulière d'agents du pouvoir qui laissent leurs empreintes sur les modes et les mœurs. La vigilance est de rigueur. Ne dit-on pas que la liberté s'arrête là où commence la liberté de l'autre. » Sihem Bensedrine, [<a href="http://www.kalimatunisie.com/num14/index14.htm" class='spip_out' rel='external'>Kalima n؛14</a>] exprimé un jour sur le n؛14 de kalima ne sera jamais auto-régulé. Même si on a droit à avoir peur surtout avec le prochain rendez-vous du SMSI à Tunis où on il y a une sérieuse menace de « réguler » le Web.</p> <p>Internet qui a apporté avec lui le phénomène de l'anonymat est un monde en perpétuelle évolution. Plus rapide que la réalité, il la transgresse en terme de liberté, d'autonomie, et de flexibilité. Le cyberactiviste écrit, dessine, prend des photos et met tout ce travail en ligne, dans un temps record, à la disposition de milliers de « preneurs » sans passer par des filtres, ni des hiérarchies, ni une autorité à part celle de son libre arbitre. Dans le domaine de la liberté d'expression, il n'y a pas plus libre que le cyberactiviste. Et l'anonymat ne fait que lui procurer une liberté supplémentaire qui le protége, lui et sa famille, et l'introduit doucement et sainement dans l'arène de l'action politique. C'est le passage idéal le plus sécurisé pour tous ceux qui veulent s'initier à l'action politique et exercer leur citoyenneté bafouée par le règne de la dictature. Œuvrer à présenter une vision fragmentaire en le dénigrant et en discréditant ses acteurs c'est oublier que ceux qui créent et maintiennent les sites dissidents tunisiens sont pour la plupart anonymes. C'est eux qui relatent l'information, qui soutiennent les victimes de l'oppression, qui se mobilisent derrière des campagnes qui les touchent comme celle du boycott des « élections ». C'est eux aussi qui ont apporté une touche artistique à l'activité militante mélangeant clip vidéo, image, caricature, satires au discours politique. Les critiquer est plus que légitime. Mais je crois qu'il ne faut pas faire ce que l'on reproche aux autres !</p> <p>Vouloir priver les anonymes de cette protection, de cette liberté et de ce refuge ultime dans ce monde qui écrase les individus comme on écrase des insectes, c'est oublier que personne au monde, qu'aucune ONG de droits de l'Homme, ni en Tunisie ni ailleurs, n'est capable d'arracher une vraie victime des griffes du régime tunisien, qui a une carte verte de la « communauté internationale ». Avant d'appeler les anonymes à troquer leur anonymat contre une visibilité, il vaut mieux défendre, comme il se doit, les victimes qui crèvent depuis des décennies dans les geôles d'une dictature. La même dictature que l'on n'hésite pas à légitimer en jouant son jeu « électoral » ou à honorer ceux qui le font. A quoi ça sert alors d'enrichir les rangs des prisonniers politiques par le bataillon d'anonymes et d'ajouter aux drames des familles déjà suppliciées d'autres drames ! Cela pourrait servir le business « droit-de-l'hommiste » de ceux et de celles qui ont des passeports et des moyens financiers, administratifs et « logistiques » pour se permettre d'organiser des voyages et des séjours d'affaires très militants entre Hamburg, Paris et Montréal. Reste que les vraies victimes de la tyrannie tunisienne n'ont ni passeport à savourer ni dinars à dépenser.</p> <p>Ceux qui interviennent sur le net, le font en tant que simples citoyens réagissant à l'égard de ceux qui parlent en leurs noms. Ces mêmes anonymes ne sont des anonymes que parce qu'ils n'aspirent nullement à remplacer les professionnels de la politique. Il faut cesser de voir les anonymes comme des gens qui veulent prendre la place des personnalités de l'opposition ou de la société civile. Il ne faut pas croire que tous les anonymes sont à l'image de certains de vos amis ou « braves élèves » ; lesquels un jour sont anonymes et d'autres, à l'appui de ce même anonymat, font de l'autopromotion en reproduisant des « documents » signés par leur vrai nom. L'écrasante majorité des anonymes n'intervient pas sur le net pour faire de l'autopromotion ou pour se préparer à une carrière politique (ou journalistique).</p> <p>Participer à la vie politique est un droit citoyen. Critiquer les personnalités qui se proposent à la sphère publique est plus qu'un droit, c'est un devoir. Et pour le faire on ne va pas attendre le feu vert des non anonymes ni l'autorisation de Sihem Bensedrine qui, comme une placeuse du cinéma le Colisée, nous promet « des places » ... sûrement des strapontins dans un théâtre macabre. Détrompez-vous madame, l'information n'est plus la même. Elle n'est plus traitée de la même manière ni par les mêmes acteurs qu'il y cinq ou dix ans. Le Net tunisien nous promet heureusement une citoyenneté active. Cet exercice de la citoyenneté qu'offre la toile est, à défaut de mieux, un rempart contre la posture passive.</p> <p>Si le style de certains anonymes se nourrit d'un regard vigilant sur les paradoxes et absurdités à la fois du pouvoir et de l'opposition, fallait-il pour autant accuser tous les anonymes de collaboration avec les services de sécurité et transformer toute critique de l'opposition si maladroite soit-elle en un blasphème ?</p> <p>Pour finir, je tiens à préciser que je ne suis pas en train de nier l'existence, parmi les anonymes, de gens qui pèchent dans les eaux troubles, qui sèment la zizanie, qui diffament et qui font un travail de sape systématique. Les perturbateurs, comme dans tout milieu ou corporation ont toujours existé et existeront toujours. On les compte d'ailleurs parmi les non anonymes.</p> <p>Dans ces conditions que faut-il choisir : bâillonner les anonymes au risque de rendre un service inestimable à la dictature ou bien les laisser agir en acceptant de recevoir de temps en temps quelques coups d'ailleurs inévitables dans l'arène politique ?</p> <p>notes :</p></div> <hr /> <div class='rss_notes'><p>[<a href='#nh1' id='nb1' class='spip_note' title='Notes 1' rev='footnote'>1</a>] Sihem Bensedrine : « L'opposition a gagné la bataille de la délégitimation contre Ben Ali », Kalima n؛30 <a href="http://www.kalimatunisie.com/num30/desenchantement.htm" class='spip_url spip_out' rel='nofollow external'>http://www.kalimatunisie.com/num30/...</a></p> <p>[<a href='#nh2' id='nb2' class='spip_note' title='Notes 2' rev='footnote'>2</a>] Pour écouter la totalité de l'entretien cliquer ICI.</p> <p>[<a href='#nh3' id='nb3' class='spip_note' title='Notes 3' rev='footnote'>3</a>] Mustapha Benjaâfar : « Mise au point », lundi 13 septembre 2004. <a href="http://www.fdtl.org/article.php3?id_article=74" class='spip_url spip_out' rel='nofollow external'>http://www.fdtl.org/article.php3?id...</a></p> <p>[<a href='#nh4' id='nb4' class='spip_note' title='Notes 4' rev='footnote'>4</a>] Taoufik Ben Brik : « A propos du feraoun el assr », le 23 Mai 2002.</p> <p>[<a href='#nh5' id='nb5' class='spip_note' title='Notes 5' rev='footnote'>5</a>] « Désormais sur la touche, le FDTL de Mustapha Ben Jaafar, le PDP de Nejib Chebbi et même le CPR de Moncef Marzouki, qui viennent apparemment de comprendre les nouveaux mécanismes, veulent rentrer dans le jeu, pris de vitesse par la coordinatrice du CNLT, Sihem Ben Sedrine, qui est un parti à elle toute seule et manifeste un vif talent dans le repositionnement. » Nadia Omrane, Artifices et sacrifices d'une mobilisation démocratique. Va-t-on vers un centre mou libéral (de gauche ?) ? Alternatives Citoyennes n؛12 du 27 novembre 2004 <a href="http://www.alternatives-citoyennes.sgdg.org/num12/dos-omrane-w.html" class='spip_url spip_out' rel='nofollow external'>http://www.alternatives-citoyennes....</a></p> <p>[<a href='#nh6' id='nb6' class='spip_note' title='Notes 6' rev='footnote'>6</a>] « Le Web independent », ETIC (Eduquer aux Technologie de l'Information et de la Communication - avec le soutien de l'EU et du projet INTERREG ) <a href="http://www.funoc.be/etic/doss005/art001.html" class='spip_url spip_out' rel='nofollow external'>http://www.funoc.be/etic/doss005/ar...</a></p></div> 24 octobre, l'avant et l'après. https://www.reveiltunisien.org/spip.php?article1462 https://www.reveiltunisien.org/spip.php?article1462 2004-10-21T15:27:12Z text/html fr Sami Ben Gharbia alias Chamseddine Elections 2004 boycott Ce texte est également consultable sur nawaat Première partie : L'avant. Ce qui fait la singularité de l'actuelle mascarade électorale en Tunisie, hormis le fait qu'on connaît d'avance son issue ainsi que…le score qui va permettre pour la quatrième fois consécutive au Président sortant/entrant Ben Ali de se maintenir confortablement au pouvoir, c'est qu'elle est animée par plusieurs acteurs originaux dans leur besogne. A côté des acteurs tunisiens, « intellectuels », « artistes », « ONG » et même « (...) - <a href="https://www.reveiltunisien.org/spip.php?rubrique40" rel="directory">Politique</a> / <a href="https://www.reveiltunisien.org/spip.php?mot56" rel="tag">Elections 2004</a>, <a href="https://www.reveiltunisien.org/spip.php?mot98" rel="tag">boycott</a> <div class='rss_chapo'><p><a href="http://www.nawaat.org/front/index.php?module=article&view=266" class='spip_out' rel='external'>Ce texte est également consultable sur nawaat</a></p></div> <div class='rss_texte'><p><strong>Première partie : L'avant.</strong></p> <p>Ce qui fait la singularité de l'actuelle mascarade électorale en Tunisie, hormis le fait qu'on connaît d'avance son issue ainsi que…le score qui va permettre pour la quatrième fois consécutive au Président sortant/entrant Ben Ali de se maintenir confortablement au pouvoir, c'est qu'elle est animée par plusieurs acteurs originaux dans leur besogne. A côté des acteurs tunisiens, « intellectuels », « artistes », « ONG » et même « opposants », se sont ajoutés des acteurs étrangers. Des Arabes, des Africains et des Occidentaux, qui généralement ne tarissent pas d'éloges sur « la Tunisie de Ben Ali », ont profité de cette occasion pour vanter notre dictateur, devenu en ce temps de mensonge globalisé un réformateur perspicace et un dirigeant hors pair.</p> <p>Ainsi, sur les pages des journaux tunisiens, mais aussi étrangers, et sur les sites en ligne de plusieurs organes de presse, on trouve de façon quasi quotidienne des articles, des brèves, des entretiens et des déclarations qui chantent la réussite du modèle tunisien et voire qui exhortent le Président Ben Ali à rester au pouvoir pour un autre mandat de cinq ans afin de diriger la Tunisie vers plus de progrès, de démocratie et de liberté.</p> <p>Je me permets d'énumérer ici quelques exemples qui illustrent ce que le Secrétaire Général de la Fédération Internationale des Journalistes (FIJ), dans son intervention lors du 22ème Congrès de l'Association des journalistes tunisiens (AJT), appelle « un monde de l'information rempli de "malhonnêteté, de duperie et de mensonge » que les dirigeants politiques en Tunisie sont en train de créer [<a href='#nb1' class='spip_note' rel='footnote' title='« La FIJ demande aux journalistes tunisiens de remettre en question le (...)' id='nh1'>1</a>] « à coup de documentaires, de Racines, d'Ailes, de grand bleu, de tagines et autres invitations luxuriantes lancées aux plus prestigieuses plumes du journalisme européen, trop heureuses de troquer l'enquête contre le dossier de presse Présidentiel. » [<a href='#nb2' class='spip_note' rel='footnote' title='« De la Democracy en Arabie. », Driss Chraïbi, La Nouvelle Tribune (Maroc), (...)' id='nh2'>2</a>] :</p> <p><strong>1- Journal d'une mascarade.</strong></p> <p>Intervenant lors du septième Forum international du magazine "Réalités" tenu le 24 septembre dernier à Tunis, le Président du Conseil économique et social ivoirien, M. Laurent Dona Fologo, après s'être acharné avec son vocabulaire altermondialiste sur ce qu'il appelle « la démocratisation à outrance » qu'il a diagnostiquée comme étant Le Mal menaçant l'Afrique, déclare que : « C'est faute d'avoir eu après Houphouet-Boigny [premier Président de la Côte d'Ivoire (1960 - 1993)] un chef comme Ben Ali en Tunisie, que nous [Ivoiriens] sommes descendus aux enfers. » [<a href='#nb3' class='spip_note' rel='footnote' title='Dona-Fologo : « L'ordre mondial actuel dessert l'Afrique », Fraternité Matin, (...)' id='nh3'>3</a>]</p> <p>Lors d'une conférence organisée le 23/09/2004 à Tunis, l'Organisation arabe pour l'éducation, la culture et les sciences (Alecso), dont le directeur général n'est autre que M. Mongi Bousnina, ancien ambassadeur de Tunisie en France [<a href='#nb4' class='spip_note' rel='footnote' title='Il avait pourtant déclaré vouloir prendre du recul et occuper un poste dans (...)' id='nh4'>4</a>], a « mis en exergue l'attachement aux valeurs de liberté, de pluralisme et de démocratie qui sont des choix irréversibles dans la Tunisie de l'ère nouvelle. » [<a href='#nb5' class='spip_note' rel='footnote' title='« Conférence sur "Le dispositif de réformes : la Tunisie du Changement, un (...)' id='nh5'>5</a>]</p> <p>De Amman, où s'est tenue la session ordinaire de l'Organisation de la famille arabe, le Président Ben Ali a reçu un message des membres du conseil d'administration exprimant le soutien de l'Organisation à sa candidature à l'élection présidentielle du 24 octobre prochain. [<a href='#nb6' class='spip_note' rel='footnote' title='« Présidentielle du 24 octobre : l'Organisation de la famille arabe soutient (...)' id='nh6'>6</a>]</p> <p>Monsieur Constant R. Sabang, correspondant à Tunis du quotidien camerounais « Mutations », nous fait découvrir la « démocratie consensuelle » tunisienne, résultante dit-il, d'un « pacte, espèce de gentlemen agreement, conclu entre les partis [de l'opposition] et l'Etat » [<a href='#nb7' class='spip_note' rel='footnote' title='« Tunisie : Pour une démocratie consensuelle. » Constant R. Sabang (...)' id='nh7'>7</a>]. Pacte qui consiste particulièrement à barrer la route aux islamistes. Lesquels menaceraient la liberté de culte, qui se traduit par « la magnifique cathédrale de style gothique sur l'avenue Bourguiba » et menaceraient aussi les juifs tunisiens qui « n'auraient certainement plus de place dans une société qui semble avoir enfin trouvé ses repères » sous la sage direction du Président Ben Ali. Et pour conclure, il nous assure que le scrutin présidentiel du 24 octobre prochain est le deuxième à caractère pluraliste de l'histoire moderne de notre pays.</p> <p>Lors d'un gala de soutien au Président Ben Ali organisé le 2 octobre 2004 par le journal Akhbar Al Joumhourya, la chanteuse égyptienne Chirine Wajdi, l'actrice égyptienne Ilhem Chahine, les chanteuses libanaises Houyem Younes et Pascale Mechaâlani, le chanteur marocain Abdelwahab Doukali et le chanteur algérien Rabah Deriassa ont exprimé leur soutien à la candidature du Président Ben Ali. On apprendra par la suite que le chanteur libanais Ragheb Alama a exprimé deux joies : celle de retrouver le public tunisien et celle de soutenir Ben Ali.</p> <p>A l'intérieur, la mascarade a pris une tournure surréaliste lorsque Mohamed Bouchiha, le secrétaire général du Parti de l'Union Populaire (PUP), lui-même candidat à l'élection présidentielle, a estimé que le discours-programme de son rival Ben Ali, candidat du parti au pouvoir, le RCD, est « un programme électoral exhaustif » et « une plateforme pour l'avenir » [<a href='#nb8' class='spip_note' rel='footnote' title='M. Mohamed Bouchiha, secrétaire général du Parti de l'unité populaire (PUP) :« (...)' id='nh8'>8</a>]. Son cirque ne s'est pas arrêté là, cinq jours avant les échéances, Bouchiha déclare qu'il ne se « présente pas en concurrence du Président Ben Ali » [<a href='#nb9' class='spip_note' rel='footnote' title='(AFP 19/10/2004) Mohamed Bouchiha, candidat à la présidentielle sans viser la (...)' id='nh9'>9</a>].</p> <p>Dans un « article » paru sur le journal Al houriyya du 16 septembre 2004 et intitulé pompeusement « je voterai B. Ali puisqu'en tant que femme ma situation dépasse le rêve », madame Jamila Mejri qui se présente en tant que femme d'art et de création, affirme sans aucun scrupule que Ben Ali a réalisé plus que ce que Tahar Hadded et tous les réformateurs avaient réclamé. Et pour conclure, elle nous confie, avec cette même naïveté qu'on retrouve dans cette famille d'artistes, qu'elle aimerait donner à Ben Ali plus d'une voix lors des élections du 24 octobre prochain. [<a href='#nb10' class='spip_note' rel='footnote' title='Lire l'article mis en ligne sur le site non à Ben Ali : http://www.tunisie2004.net' id='nh10'>10</a>] En des termes électoraux notre concitoyenne fait l'apologie du bourrage d'urnes [<a href='#nb11' class='spip_note' rel='footnote' title='Quelques informations utiles sur le sujet de La Fraude électorale : (...)' id='nh11'>11</a>] qui consiste à y introduire une quantité de bulletins favorables ! On se demande quand même si cela ne démontre pas à quel point le penchant à la fraude électorale est ancré dans les mentalités des partisans de « la démocratie consensuelle ».</p> <p>M. Noureddine Boutar, le directeur de Radio Mosaïque, la première radio privée en Tunisie créée en novembre 2003, nous apprend dans des termes fidèles à la langue de bois tunisienne que la Tunisie est un modèle qui suscite la considération de tous les observateurs et experts et toutes les instances et organisations internationales. [<a href='#nb12' class='spip_note' rel='footnote' title='Noureddine Boutar, « L'homme de l'étape et de l'avenir », La Presse du 6 (...)' id='nh12'>12</a>]</p> <p><strong>2- Dictature amie et dictature ennemie.</strong></p> <p>Avant passer à d'autres exemples, je m'arrêterai sur les propos de Monsieur Noureddine Boutar car :</p> <p>a) d'un côté, il est loin d'être le seul à voir dans la Tunisie un modèle. M. S. Grنnzer de l'université de Cambridge [<a href='#nb13' class='spip_note' rel='footnote' title='Sieglinde Grنnzer, "Changing discourse : transnational advocacy networks in (...)' id='nh13'>13</a>] affirme que les pays occidentaux ont longtemps considéré la Tunisie comme un modèle pour le monde arabe. Et ce malgré « son régime, le plus répressif de la région » [<a href='#nb14' class='spip_note' rel='footnote' title='"This is actually the Tunisian model. According to S. Grنnzer, the Western (...)' id='nh14'>14</a>] s'indigne le Dr. Ali Resul Usul de Beykent University (Turquie). La raison d'une telle considération réside dans l'attitude pro-occidentale du régime tunisien ainsi que dans son système extrêmement séculier. Mélange qui lui confère un label de progressisme très prisé dans le « monde libre ».</p> <p>b) De l'autre, il reflète cette fausse mais bien solide image que le régime tunisien, les médias de caniveau, locaux et étrangers, et ses puissances protectrices ont réussi à forger contre les affirmations de l'opposition tunisienne, qui prétend souvent avoir réussi à dévoiler à coups de communiqués, de grèves de la faim et de sorties télévisées, la face sombre du régime tunisien.</p> <p>Pour comprendre cette estime que vouent le « monde libre », ses Etats et ses institutions dites internationales à la dictature tunisienne, il faut peut-être fouiller cet arsenal conceptuel et sémantique de classifications des dictatures et d'échelles dans la tyrannie qu'ils ont inventé pour justifier le deux poids, deux mesures qu'ils appliquent ouvertement dans leurs relations avec les autres nations du monde. On retrouve là des concepts comme les « dictatures amie », les « dictatures ennemies », les « dictatures tolérées » et les « dictatures honnies ». On tombe aussi sur des concepts comme les « dictatures brutales », les « dictatures douces » et les « dictatures barbares et moyenâgeuses ».</p> <p>Ces classifications ne s'appliquent pas aux seules dictatures mais aussi aux démocraties, soumises à leur tour aux deux poids deux mesures : il y a des « démocraties ennemies » à l'image de la démocratie vénézuélienne de Chavez, qu'on veut déboulonner en soutenant l'opposition des putschistes, des hommes d'affaires et des hauts gradés de l'armée. Et des « démocraties amies » comme cette démocratie militaire de l'entité sioniste assurée de l'appui indéfectible et inconditionnel de l'Occident officiel malgré les conséquences désastreuses que cela entraîne.</p> <p>C'est en fonction de ces classifications que se dessine donc la politique à suivre vis-à-vis de telle ou telle dictature et de telle ou telle démocratie : la soutenir, la tolérer, l'endiguer, la soumettre à un embargo ou simplement la combattre, fut-ce en revenant à une logique de guerre coloniale ! Et on a vu qu'il y a toujours des Bush, des Blair et des Berlusconi pour faire passer la Libye d'une « dictature ennemie » en une « dictature amie ».</p> <p>Tout récemment, on a découvert l'existence d'élections dans un environnement « assez démocratique », en référence à celles que vient de vivre…l'Afghanistan de Hamid Karzai. C'est ainsi que les observateurs internationaux ont qualifié le scrutin, bien qu'il fût contesté par 14 des 18 candidats à la présidentielle. L'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) a estimé que « la demande des candidats d'une annulation de l'élection est injustifiée. » La Fondation pour des élections libres et justes en Afghanistan (FEFA) a pourtant relevé la légitimité d'une des plaintes les plus répandues. [<a href='#nb15' class='spip_note' rel='footnote' title='« La première présidentielle afghane ouvre une crise politique majeure », Le (...)' id='nh15'>15</a>] Contrairement à cette expérience afghane de la démocratie impériale, qu'il fallait soutenir fut-ce en forgeant une tyrannie, l'expérience du voisin iranien en matière d'alternance au pouvoir et d'élections, plus démocratiques et plus transparentes, est souvent incriminée puisque ses conséquences politiques sur la désignation de ceux qui gouvernent sont souvent en deçà des attentes des puissances mondiales.</p> <p>L'exemple de l'amendement de la Constitution en Tunisie en mai 2003 et au Liban en 2004, ainsi que les réactions qu'ils ont suscitées, peuvent nous aider à mieux percevoir le fonctionnement de cette logique de classification : alors que le Liban s'est retrouvé confronté à la résolution 1599 adoptée le 2 septembre 2004 par le Conseil de Sécurité de l'ONU, et destinée à l'amener à abandonner un projet d'amendement de sa constitution permettant au Président en exercice, Emile Lahhoud, de se maintenir au pouvoir, la Tunisie a pu passer sous un silence complice son propre amendement sans que cela ne suscite la moindre réaction des pays soucieux de la démocratisation du monde. Et il serait inutile ici de rappeler que c'est bien à cause de son soutien à la résistance contre l'occupation israélienne et son alliance avec Damas que le régime libanais s'est vu épinglé par une résolution sans précédent.</p> <p>Et alors que j'écris cet article, j'apprends qu'Alexandre Loukachenko, Président de Bélarus, qui a déjà manipulé la Constitution une première fois en 1996 pour prolonger son mandat de deux ans, vient de remporter un référendum lui ouvrant la voie à un troisième mandat. Il est évident que le Bélarus n'est pas le Liban, et que la France et les Etats-Unis qui étaient à l'origine de la résolution 1559 contre l'amendement de la constitution libanaise n'ont aucun intérêt, ni régional ni mondial, à appliquer les mêmes principes démocratiques avec ce pays. L'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), qui a jugé l'environnement des élections en Afghanistan « assez démocratique », a estimé les élections parlementaires du 17 octobre au Bélarus « loin des exigences de l'OSCE pour des élections démocratiques. » [<a href='#nb16' class='spip_note' rel='footnote' title='« L'opposition et l'OSCE dénoncent la « farce électorale » biélorusse », (...)' id='nh16'>16</a>]</p> <p> <strong>3- Dictature amie, peuple ennemi.</strong></p> <p>La Tunisie est donc une « dictature amie » ou, pour emprunter le terme de Taoufik Ben Brik, une « si douce dictature ». Ce qui veut dire que « selon les normes de son voisinage, la Tunisie peut être considérée comme le régime le plus démocratique de la région » [<a href='#nb17' class='spip_note' rel='footnote' title='« Looking West », By Janine Zacharia, The Jerusalem Post, 7 avril 2004 (...)' id='nh17'>17</a>], explique un journaliste du Jerusalem Post qui reconnaît pourtant que notre pays, avec ses 300.000 policiers en uniforme et ses 1.8 million d'informateurs payés, est le pays le plus fliqué de la planète. Fliquée ou non, notre dictature mérite d'être tolérée, protégée et même désignée comme base de l'initiative américaine oeuvrant à encourager les gouvernements arabes à amorcer des réformes politiques : la fameuse MEPI (Middle East Partnership Initiative <br /><img src="https://www.reveiltunisien.org/local/cache-vignettes/L8xH11/puce-32883.gif" width='8' height='11' class='puce' alt="-" style='height:11px;width:8px;' /> Initiative de Partenariat avec le Moyen-Orient) dont le bureau régional a été installé dans les locaux de l'ambassade américaine à Tunis. Il n'est pas du tout étrange que l'argument avancé par Ben Ali pour justifier l'annulation du sommet de la ligue arabe ait été : « le manque de sérieux dans la poursuite de la réforme démocratique chez les dirigeants arabes. » [<a href='#nb18' class='spip_note' rel='footnote' title='« Tunisian President Zine el-Abidine Ben Ali called off the Arab League (...)' id='nh18'>18</a>] C'est le sens même de la mascarade : transformer une faillite fracassante en succès et duper continuellement le peuple.</p> <p>Duper le peuple est devenu en effet la préoccupation principale des régimes arabes, surtout en ces périodes électorales où l'art du mensonge atteint des summums inimaginables. Qui, à part les dupes, peut avaler les propos du ministre tunisien de l'Intérieur, Hédi Mhenni, lorsqu'il prétend dans sa conférence de presse consacrée aux préparatifs des élections du 24 octobre que « la récente révision de la Constitution tunisienne ne vise pas à instaurer la présidence à vie. » [<a href='#nb19' class='spip_note' rel='footnote' title='« Pas question de présidence à vie, selon le ministre tunisien de l'Intérieur (...)' id='nh19'>19</a>] ?! Personne ne peut croire que les dispositions actuelles de la constitution, limitant à 75 ans l'âge maximal pour se présenter à la présidence, peuvent vraiment contraindre Ben Ali à quitter le pouvoir. Faire mine de respecter la Constitution c'est oublier que cette même Constitution a été violée pour permettre au même Ben Ali de briguer un autre mandat. Violée pour lui offrir une immunité constitutionnelle à vie. Et sera violée une autre fois pour l'accompagner jusqu'à sa tombe, au cas où il ne serait pas destitué pour "sénilité" par un autre. Même si elle n'est pas à vie, sa présidence est sûrement « à espérance de vie », comme le rappelle M. Ben Jaafar [<a href='#nb20' class='spip_note' rel='footnote' title='« La « non-élection » tunisienne dénoncée à Genève », par Yvan Schulz / Benito (...)' id='nh20'>20</a>]. Et d'ici 2014, le statut de « dictature amie » octroyé par les « démocraties occidentales » à la Tunisie de Ben Ali couvrira tous ses crimes commis contre le peuple tunisien.</p> <p>Ce dernier, à en croire certains commentateurs [<a href='#nb21' class='spip_note' rel='footnote' title='Lire sur ce sujet : Hsouna Mesbahi : « Les Tunisiens ne s'intéressent pas aux (...)' id='nh21'>21</a>], est plus intéressé par son quotidien au Ramadan et par les élections américaines que par les élections du 24 octobre. Les conséquences des élections américaines seront plus ressenties qu'une reconduite certaine du dictateur Ben Ali. « Ces conséquences sont telles, qu'on se demande si les habitants de la terre ne devraient pas finalement réclamer un droit de vote à l'élection présidentielle américaine puisqu'on élit en fin de compte le patron du monde. » [<a href='#nb22' class='spip_note' rel='footnote' title='« Quitte ou double », Ignacio Ramonet, Manière de Voir n؛77, octobre- (...)' id='nh22'>22</a>] Quant au patron tunisien, et comme le démontre l'histoire de la Tunisie depuis son indépendance en 1956, le candidat du parti au pouvoir a toujours recueilli plus de 99 % des voix. Bourguiba, après quatre suffrages universels (1959, 1964, 1969 et 1974) est devenu Président à vie par un amendement de la Constitution en 1975. Son successeur semble bien emprunter ses pas avec quatre suffrages universels (1989, 1994, 1999 et 2004) et une « présidence à espérance de vie ».</p> <p>N'est-il pas normal dans ces conditions que le peuple tunisien se trouve conforté dans son rôle de spectateur, tournant le dos à l'Etat et à l'opposition, et s'enfonçant davantage dans le marasme de son fatalisme et de son indifférence, comme si ce n'était pas son destin qui est en jeu, ni sa patrie qui est en déroute ni ses enfants qui parsèment par leurs jeunes cadavres les côtes du miracle tunisien ? Observant comment nos plages nourrissent le tourisme en même temps qu'elles dévorent la jeunesse, le peuple tunisien parait incapable de requestionner le « modèle tunisien », de demander des comptes, de juger les coupables, d'arrêter cette hémorragie, de restaurer sa dignité et de rendre l'espoir à sa jeunesse. Et qui peut faire ça à part le peuple. Or, par son mutisme et sa peur, le peuple tunisien a appris à être lâche et, malheureusement, il se complait dans cet état. Or, une démocratie ne peut être installée dans un pays qu'à la condition d'être revendiquée et exigée par le peuple. Tant qu'il n'y a pas en Tunisie une demande populaire suffisamment forte et constante en faveur de la démocratie, de la dignité et de la justice, il ne peut y avoir d'autre priorité que de « travailler » le peuple, et réviser toute la stratégie de communication et de conscientisation adoptée jusqu'à ce jour par l'opposition et la société civile.</p> <p>Car tant qu'elle restera amie, qu'elle soit dictature ou qu'elle se transforme sous le choc néoconservateur en démocratie impériale, tant qu'elle œuvrera dans le sens des intérêts des puissances protectrices, (la lutte contre le terrorisme et l'immigration « clandestine » sont loin de constituer les vrais intérêts de l'occident, lesquels sont avant tout d'ordre stratégique et économique), ce que la dictature tunisienne fait en matière d'oppression et d'injustice restera tolérable quels que soient le degré et la nature de la répression. Et quels que soient les « succès » enregistrés par l'opposition dans le domaine de la sensibilisation de l'opinion publique internationale. Car, pour faire taire les critiques, on trouvera toujours une excuse à vendre. Et il y aura toujours un Chirac pour qualifier Ben Ali d' « exemplaire » et défendre le principe du pain d'abord, la liberté ensuite. [<a href='#nb23' class='spip_note' rel='footnote' title='« Chirac, avocat inconstant des droits de l'homme », LE MONDE du 13.10.04 (...)' id='nh23'>23</a>] Adeptes qu'ils sont de la doctrine du progrès économique avant la démocratie, de nature insensible aux ravages socio-économiques quotidiens que provoque la gestion catastrophique de leur élève studieux tunisien, la plupart des leaders du « monde libre », et à leur tête les institutions économiques et financières, feront tout pour ménager et défendre, quand il le faut, le tyran de Carthage. Comment en serait-il autrement alors que leurs principes « penchent plus du côté de la balance commerciale que de la balance de la justice. »</p> <p>Pourtant, l'argument que le développement économique va engendrer un progrès démocratique, souvent entendu dans la bouche des spécialistes de la déroute du monde, est tout sauf juste. Il suffit d'observer l'Inde où le taux d'analphabétisme est supérieur et où les problèmes socio-économiques sont plus graves qu'en Tunisie pour se convaincre de la légèreté d'un tel argument. Pauvres et analphabètes, les Indiens votent, s'expriment librement, connaissent une réelle alternance du pouvoir et possèdent une énergique société civile. L'Inde n'est pas seule dans ce cas. L'Indonésie et la Malaisie, après de longues décennies de dictature et la grave crise économique, financière et sociale des années 90, sont en train d'engendrer leur propre expérience démocratique. Les pays de l'Amérique latine et de l'Europe de l'Est, certains pays de l'Afrique ont eux aussi rattrapé le retard dans ce domaine sans que le processus de démocratisation soit hypothéqué par le progrès économique. Evidement, à côté de cet argument au profit de la survie du régime autoritaire, d'autres arguments plus médiocres et plus lamentables sont constamment invoqués, non seulement par nos gouvernants, mais aussi par leurs protecteurs : la pauvreté, le spectre de l'islamisme, l'absence de culture politique du peuple, la lutte contre le terrorisme. De grotesques manœuvres visant à maintenir le statu quo et soutenir les despotes dans leur guerre contre les peuples sont quotidiennement inventées, expérimentées, révisées, ajustées et justifiées à coup de propagande, de désinformation de masse, d'hyper mensonges et de matraquage médiatique. Prendre une dictature pour amie c'est prendre son peuple pour ennemi. Et la manière dont le monde se comporte avec les peuples soumis à la dictature en témoigne : humiliation dans l'octroi des visas, fermeture des frontières, projet de camps de rétention pour candidats à l'immigration désormais criminalisés, outils de torture mis aux services des tortionnaires - Au cours de la seule année 2002, les Etats-Unis ont exporté 20 millions de dollars de matériel destiné à être utilisé par des tortionnaires [<a href='#nb24' class='spip_note' rel='footnote' title='Amnesty International Report : US Exports $20 million of Shackles, (...)' id='nh24'>24</a>]. Et l'Europe est loin d'être innocente dans ce domaine. [<a href='#nb25' class='spip_note' rel='footnote' title='« Décharges électriques pour réprimer les corps. Armes nouvelles au service des (...)' id='nh25'>25</a>]</p> <p>De la « démocratie à outrance » de monsieur Laurent Dona Fologo à « la démocratie consensuelle » de monsieur Constant R. Sabang, en passant par la démocratie « selon les normes du voisinage » du journaliste du Jerusalem Post et l'« environnement assez démocratique » des observateurs étrangers en Afghanistan, on peut se faire une idée de la nature de la recette démocratique proposée aux « pays émergents ».</p> <p>Il faut donc avoir une vue d'ensemble de cette mascarade globale. Comparer le comportement des puissants de ce monde envers les autres pays. Questionner tout ce qui se fait, se défait, se dit, se tait. S'arrêter sur le sacro-saint principe de la soumission aux intérêts des puissants, qu'ils soient globaux ou locaux. Toujours retourner à l'histoire à la recherche d'explications plus profondes. Des explications qui doivent déranger nos paresses intellectuelles, notre crédulité facile et notre raison de spectateur, cible privilégiée des chasseurs d'opinion et des tailleurs de masse. Puis œuvrer pour que ce savoir accumulé débouche sur une prise de conscience, sur un éveil et puis sur une action.</p></div> <hr /> <div class='rss_notes'><p>[<a href='#nh1' id='nb1' class='spip_note' title='Notes 1' rev='footnote'>1</a>] « La FIJ demande aux journalistes tunisiens de remettre en question le contrôle politique des médias. »,</p> <p>27/09/2004, <a href="http://www.ifj.org/default.asp?Index=2715&Language=FR" class='spip_url spip_out' rel='nofollow external'>http://www.ifj.org/default.asp?Inde...</a></p> <p>[<a href='#nh2' id='nb2' class='spip_note' title='Notes 2' rev='footnote'>2</a>] « De la Democracy en Arabie. », Driss Chraïbi, La Nouvelle Tribune (Maroc), 29/4/2004, <a href="http://www.lanouvelletribune.com/actualite.asp?idg=22&idn=1&ver=1" class='spip_url spip_out' rel='nofollow external'>http://www.lanouvelletribune.com/ac...</a></p> <p>[<a href='#nh3' id='nb3' class='spip_note' title='Notes 3' rev='footnote'>3</a>] Dona-Fologo : « L'ordre mondial actuel dessert l'Afrique », Fraternité Matin, (Abidjan), 27 /09/2004 <a href="http://www.fratmat.net/content/detail.php?cid=94QORV519B2" class='spip_url spip_out' rel='nofollow external'>http://www.fratmat.net/content/deta...</a></p> <p>[<a href='#nh4' id='nb4' class='spip_note' title='Notes 4' rev='footnote'>4</a>] Il avait pourtant déclaré vouloir prendre du recul et occuper un poste dans un organisme culturel car « la politique est un terrain miné. » Lire L'Audace n؛ 67, septembre 2000 <a href="http://audace.free.fr/n67.htm" class='spip_url spip_out' rel='nofollow external'>http://audace.free.fr/n67.htm</a></p> <p>[<a href='#nh5' id='nb5' class='spip_note' title='Notes 5' rev='footnote'>5</a>] « Conférence sur "Le dispositif de réformes : la Tunisie du Changement, un modèle" », Tunisia Online (Tunis) 23 septembre 2004 <a href="http://fr.allafrica.com/stories/200409240487.html" class='spip_url spip_out' rel='nofollow external'>http://fr.allafrica.com/stories/200...</a></p> <p>[<a href='#nh6' id='nb6' class='spip_note' title='Notes 6' rev='footnote'>6</a>] « Présidentielle du 24 octobre : l'Organisation de la famille arabe soutient la candidature de Ben Ali. », La Presse (Tunis), 8 octobre 2004. <a href="http://fr.allafrica.com/stories/200410080886.html" class='spip_url spip_out' rel='nofollow external'>http://fr.allafrica.com/stories/200...</a></p> <p>[<a href='#nh7' id='nb7' class='spip_note' title='Notes 7' rev='footnote'>7</a>] « Tunisie : Pour une démocratie consensuelle. » Constant R. Sabang Quotidienmutations.net, (Yaounde), <a href="http://www.quotidienmutations.net/cgi-in/alpha/j/25/2.cgi?category=all&id=1096495798" class='spip_url spip_out' rel='nofollow external'>http://www.quotidienmutations.net/c...</a></p> <p>[<a href='#nh8' id='nb8' class='spip_note' title='Notes 8' rev='footnote'>8</a>] M. Mohamed Bouchiha, secrétaire général du Parti de l'unité populaire (PUP) :« Une plateforme pour l'avenir » La Presse du 12 octobre 2004.</p> <p>[<a href='#nh9' id='nb9' class='spip_note' title='Notes 9' rev='footnote'>9</a>] (AFP 19/10/2004) Mohamed Bouchiha, candidat à la présidentielle sans viser la présidence.</p> <p>[<a href='#nh10' id='nb10' class='spip_note' title='Notes 10' rev='footnote'>10</a>] Lire l'article mis en ligne sur le site non à Ben Ali : <a href="http://www.tunisie2004.net/boycott/article.php3?id_article=118" class='spip_url spip_out' rel='nofollow external'>http://www.tunisie2004.net/boycott/...</a></p> <p>[<a href='#nh11' id='nb11' class='spip_note' title='Notes 11' rev='footnote'>11</a>] Quelques informations utiles sur le sujet de La Fraude électorale : <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Fraude_électorale" class='spip_url spip_out' rel='nofollow external'>http://fr.wikipedia.org/wiki/Fraude...</a></p> <p>[<a href='#nh12' id='nb12' class='spip_note' title='Notes 12' rev='footnote'>12</a>] Noureddine Boutar, « L'homme de l'étape et de l'avenir », La Presse du 6 Octobre 2004, <a href="http://fr.allafrica.com/stories/200410060673.html" class='spip_url spip_out' rel='nofollow external'>http://fr.allafrica.com/stories/200...</a></p> <p>[<a href='#nh13' id='nb13' class='spip_note' title='Notes 13' rev='footnote'>13</a>] Sieglinde Grنnzer, "Changing discourse : transnational advocacy networks in Tunisia and Morocco", in Thomas Risse, Stephen C. Ropp, and Kathryn Sikkink (eds.) The Power of Human Rights (Cambridge : Cambridge University Press, 1999), p.133.</p> <p>[<a href='#nh14' id='nb14' class='spip_note' title='Notes 14' rev='footnote'>14</a>] "This is actually the Tunisian model. According to S. Grنnzer, the Western countries "have long viewed Tunisia as a model for the Arab states" although it is one of the most repressive regimes in the region, this is because it is pro-Western and extremely secularist, that is, progressive" "Rethinking democracy and democratization in the middle east", Dr. Ali Resul Usul, Op.Cit.</p> <p>[<a href='#nh15' id='nb15' class='spip_note' title='Notes 15' rev='footnote'>15</a>] « La première présidentielle afghane ouvre une crise politique majeure », Le Monde du 09 octobre 2004 <a href="http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3216,36-382448,0.html" class='spip_url spip_out' rel='nofollow external'>http://www.lemonde.fr/web/article/0...</a></p> <p>[<a href='#nh16' id='nb16' class='spip_note' title='Notes 16' rev='footnote'>16</a>] « L'opposition et l'OSCE dénoncent la « farce électorale » biélorusse », Libération, 18 octobre 2004.</p> <p><a href="http://www.liberation.fr/page.php?Article=247007" class='spip_url spip_out' rel='nofollow external'>http://www.liberation.fr/page.php?A...</a></p> <p>[<a href='#nh17' id='nb17' class='spip_note' title='Notes 17' rev='footnote'>17</a>] « Looking West », By Janine Zacharia, The Jerusalem Post, 7 avril 2004 <a href="http://www.jpost.com/servlet/Satellite?pagename=JPost/JPArticle/ShowFull&cid=1081052086074" class='spip_url spip_out' rel='nofollow external'>http://www.jpost.com/servlet/Satell...</a></p> <p>[<a href='#nh18' id='nb18' class='spip_note' title='Notes 18' rev='footnote'>18</a>] « Tunisian President Zine el-Abidine Ben Ali called off the Arab League summit (…) arguing that Arab leaders were "not serious enough about pursuing democratic reform. » Ibid.</p> <p>[<a href='#nh19' id='nb19' class='spip_note' title='Notes 19' rev='footnote'>19</a>] « Pas question de présidence à vie, selon le ministre tunisien de l'Intérieur », 9 octobre 2004, <a href="http://fr.news.yahoo.com/041008/5/43c2q.html" class='spip_url spip_out' rel='nofollow external'>http://fr.news.yahoo.com/041008/5/4...</a></p> <p>[<a href='#nh20' id='nb20' class='spip_note' title='Notes 20' rev='footnote'>20</a>] « La « non-élection » tunisienne dénoncée à Genève », par Yvan Schulz / Benito Perez, Le Courrier (Genève), 15 Octobre 2004 <a href="http://www.lecourrier.ch/modules.php?op=modload&name=NewsPaper&file=article&sid=38473&mode=thread&order=0&thold=0" class='spip_url spip_out' rel='nofollow external'>http://www.lecourrier.ch/modules.ph...</a></p> <p>[<a href='#nh21' id='nb21' class='spip_note' title='Notes 21' rev='footnote'>21</a>] Lire sur ce sujet : Hsouna Mesbahi : « Les Tunisiens ne s'intéressent pas aux élections » <a href="http://www.elaph.com/elaphweb/Politics/2004/9/11800.htm" class='spip_url spip_out' rel='nofollow external'>http://www.elaph.com/elaphweb/Polit...</a> , Dominique Lagarde, « Tunisie : une opposition pluraliste » <a href="http://www.lobservateur.ma/detail_article.asp?ref=3126" class='spip_url spip_out' rel='nofollow external'>http://www.lobservateur.ma/detail_a...</a> , La « non-élection » tunisienne dénoncée à Genève, par YVAN SCHULZ/BENITO PEREZ op. cit. Electoral indifference in Tunisia, Aysha Ramadan , Al Ahram Weekly <a href="http://weekly.ahram.org.eg/2004/712/re2.htm" class='spip_url spip_out' rel='nofollow external'>http://weekly.ahram.org.eg/2004/712...</a></p> <p>[<a href='#nh22' id='nb22' class='spip_note' title='Notes 22' rev='footnote'>22</a>] « Quitte ou double », Ignacio Ramonet, Manière de Voir n؛77, octobre- septembre.</p> <p>[<a href='#nh23' id='nb23' class='spip_note' title='Notes 23' rev='footnote'>23</a>] « Chirac, avocat inconstant des droits de l'homme », LE MONDE du 13.10.04 <a href="http://www.lemonde.fr/web/recherche_articleweb/1,13-0,36-382829,0.html" class='spip_url spip_out' rel='nofollow external'>http://www.lemonde.fr/web/recherche...</a></p> <p>[<a href='#nh24' id='nb24' class='spip_note' title='Notes 24' rev='footnote'>24</a>] Amnesty International Report : US Exports $20 million of Shackles, Electro-Shock Technology. Expanding Global Trade Supplies States US Condemned for Torture. <a href="http://www.amnestyusa.org/countries/usa/document.do?id=F7CE0B13E65E100085256DF00050B882" class='spip_url spip_out' rel='nofollow external'>http://www.amnestyusa.org/countries...</a></p> <p>[<a href='#nh25' id='nb25' class='spip_note' title='Notes 25' rev='footnote'>25</a>] « Décharges électriques pour réprimer les corps. Armes nouvelles au service des tortionnaires », Le Monde diplomatique, avril 1997, <a href="http://www.souverains.qc.ca/laprison/36.htm" class='spip_url spip_out' rel='nofollow external'>http://www.souverains.qc.ca/lapriso...</a></p></div> Borj Erroumi XL / S. Ben Gharbi https://www.reveiltunisien.org/spip.php?article818 https://www.reveiltunisien.org/spip.php?article818 2003-11-12T20:58:22Z text/html fr Sami Ben Gharbia alias Chamseddine - <a href="https://www.reveiltunisien.org/spip.php?rubrique22" rel="directory">Nous n'oublierons pas</a> <div class='rss_texte'><dl class='spip_document_148 spip_documents spip_documents_center'> <dt><a href="http://www.kitab.nl/" class="spip_out" title='JPEG - 93 ko'><img src='https://www.reveiltunisien.org/local/cache-vignettes/L500xH365/doc-148-1eba3.jpg' width='500' height='365' alt='JPEG - 93 ko' style='height:365px;width:500px;' /></a></dt> </dl></div> Confidentiel. https://www.reveiltunisien.org/spip.php?article698 https://www.reveiltunisien.org/spip.php?article698 2003-06-25T15:45:43Z text/html fr Sami Ben Gharbia alias Chamseddine Introduction. En réalité, mon intention était d'écrire un tout autre article. Un article se rapportant à un sujet qui a retenu mon attention depuis une semaine, « l'Indépendance ou la liberté, vrai ou faux dilemme ? » J'ai changé d'avis. Ajournant cet intéressant sujet à la semaine prochaine, je veux, cette fois, exploser une partie de cette colère qui est entrain d'altérer mes facultés intellectuelles et d'épuiser mes forces. Pour le faire, je suis, malencontreusement, contraint de parler de choses privées (...) - <a href="https://www.reveiltunisien.org/spip.php?rubrique2" rel="directory">Agora</a> <div class='rss_texte'><p><strong>Introduction.</strong></p> <p>En réalité, mon intention était d'écrire un tout autre article. Un article se rapportant à un sujet qui a retenu mon attention depuis une semaine, « <i>l'Indépendance ou la liberté, vrai ou faux dilemme ? </i> » J'ai changé d'avis. Ajournant cet intéressant sujet à la semaine prochaine, je veux, cette fois, exploser une partie de cette colère qui est entrain d'altérer mes facultés intellectuelles et d'épuiser mes forces. Pour le faire, je suis, malencontreusement, contraint de parler de choses privées qui, normalement, ne concernent que ma personne. J'ai décidé de parler pour deux simples raisons. La première est que je ne veux plus me taire ; étant convaincu que l'une de causes de notre malheur vient du fait que nous avons longtemps garder silence. L'autre, est que l'histoire des mésaventures des exilés, des ex prisonniers et des victimes de la répression en général n'ont que rarement été enregistrées. Ce présent texte est une timide contribution, en attendant la grande qui sera en forme de livre, pour divulguer certains aspect cachés du quotidien de l'asile que je suis en train de vivre avec mes « deux amis dans l'infortune » comme nous appelle Luiza Toscane, Issam Zaoui et Chaker Hadri, tout trois demandeurs d'asile aux Pays-Bas. Je suis conscient que mes paroles auront des conséquences, évidemment néfastes, autant sur l'avenir de ma demande d'asile que sur mon <i>cher</i> dossier à la <i>dakhiliyya</i>. [<a href='#nb2-1' class='spip_note' rel='footnote' title='Ministère de l'Intérieur.' id='nh2-1'>1</a>] D'autres témoignages suivront, dans lesquels je donnerais la parole à des demandeurs d'asile tunisiens, vivant aux Pays-Bas et ailleurs dont certains ont été carrément trahis par Annahdha (j' ai entre autres un faxe signé de la main de R. Ghannouchi), et dont d'autres risquent sérieusement d'être la victime d'une extradition vers la Tunisie.</p> <p><strong>Monsieur X et la menace X-Ray.</strong></p> <p>Lorsque j'ai quitté la république islamique d'Iran pour la deuxième fois, (oui, ce même Iran des mollahs), c'était pour demander l'asile aux Pays-Bas. Je ne mens pas si je vous dis que mon choix pour ce pays, qui m'était inconnu, était entièrement basé sur les informations, positives, que j'ai recueillies auprès de certains de mes amis irakiens et autres, réfugiés de longue date dans ce pays nordique. Il n'est pas caché à personne que le simple fait de débarquer de Téhéran, déjà dans le monde d'avant le 11/9, était, aux yeux des polices de la planète, un crime politique sinon une raison légitime de paranoïa. Pour ne pas trop anticiper sur l'histoire, je dirais qu'il s'était avéré, ultérieurement, que depuis mon arrivée aux Pays-Bas, le 31 décembre 1998, j'ai été contrôlé, mon téléphone mis sur écoutes, mes correspondances interceptés, etc. J'ai même perdu l'original de mon baccalauréat, la preuve de mon bref passage par la faculté de droit de Tunis et une attestation de travail dans une entreprise publique, envoyés par un ami, mais jamais parvenus au destinataire, qui était par hasard votre serviteur. Au bout de deux ans, je me suis retrouvé, sur le plan des paperasses, dans la situation de celui qui n'a jamais fait d'études ou de carrière professionnelle. Et cette mésaventure m'était survenue dans une période où je comptais m'inscrire à l'université de Leiden et faire des études d'islamologie sous l'égide d'éminentes chaires, telles celle de l'Egyptien Nasser Abou Zayd. Après avoir eu une certaine maîtrise du néerlandais me permettant de suivre les cours et démontré qu'à côté de l'arabe, du français et de l'anglais, je parlais le persan, ce qui était sollicité dans ce genres d'études spécialisées sur l'Orient, l'organe qui finançait les études des réfugiés et des demandeurs d'asiles a refusé de soutenir administrativement et financièrement mon inscription, jugeant que mon dossier d'asile ne tenait pas et que je ne courais aucun risque en cas de retour en Tunisie ; cela en dépit de la lettre de soutien d'Amnesty International et d'autres organisations tunisiennes de défense de droit de l'homme, mettant en garde les autorité néerlandaise contre toute mesure d'extradition vers la Tunisie. En fin de compte j'ai décidé d'abandonner le rêve éphémère des études académiques pour se consacrer à mon occupation de toujours, la lecture et une autre nouvelle, l'écriture et la participation sur le forum de TUNeZINE.</p> <p>Fin 2002, le IND (le service de l'immigration et de la naturalisation) m'a envoyé la deuxième réponse négative à ma demande d'asile. Je devais désormais faire appel et attendre de comparaître devant le juge. Depuis plus d'un an et demi, je ne fais qu'attendre qu'on me fixe la date du tribunal, ma dernière chance. Entre temps, et, sans s'en apercevoir, j'étais, selon le terme des services secrets, « environnementé », c'est à dire bien surveillé, mon téléphone portable et même le téléphone de mon domicile où j'ai habité avec ma femme hollandaise auraient été sur écoutes, nos conversations, parfois tendres et amoureuses, ainsi que notre intimité intime auraient diverti plus d'un ! C'est le monde post 11/9.</p> <p>Avant que je ne fasse la connaissance de ma femme, qui m'a sauvé de la misère monotone et abrutissante des centres des demandeurs d'asile, on m'avait claustré, avec mes deux amis, sur un bateau, converti lui aussi en centre, dans le coin le plus isolé du Nederland, à Delfzijl, une localité à l'extrême nord ; <i>In the middel of nowhere !</i> Là, le vent du Nord et l'humidité glaciale de son allié, la mer du Nord, en plus de l'handicap financier propre à tout demandeur d'asile, obligent quiconque à choisir volontairement de s'emprisonner entre les quatre murs, de contreplaqué, de sa minuscule chambre à regarder la télévision et à voir passer le temps. Les centres de demandeurs d'asile sont une très grande salle d'attente, une attente qui dure des années. C'est le fruit de la politique dite de « lutte contre l'immigration illégale ». Puisque l'asile est classé sous cette catégorie indésirable et incriminée, les demandeurs d'asile sont par conséquent traités comme des ennemis qu'ils faut débarrasser le pays d'eux et ce par n'importe quel moyen. Souvent c'est par l'arme de l'humiliation, des tracas bureaucratiques et de la propagation du désespoir que la force psychique des demandeurs d'asile est minée. C'est la guerre psychologique d'un autre temps. Autre temps, autres mœurs !</p> <p>Comme chaque demandeur d'asile qui n'habite pas dans les centres, je dois me rendre au pointage hebdomadaire auprès de la police des étrangers et du COA ( Organe Central d'accueil des demandeurs d'asile) au risque de ne plus recevoir la somme d'argent qui nous tient en vie, 39 euro par semaine. Si on tombe malade, si on rate le train, si on arrive cinq minutes en retard, si on se retrouve en face de n'importe quel empêchement étranger au système et à son administration fasciste, on nous coupe sans aucun souci ni pitié cette somme ; et à nous de nous emmerder pour survivre. C'est le prix à payer pour avoir était une victime d'une dictature ou d'une situation de guerre ou de conflit. Aux yeux du système, la victime des situations qui poussent à l'asile est toujours supposée pouvoir supporter plus de malheur que quiconque. Chaque victime de cette classe a l'habitude des épreuves, elle est donc insensible ! C'est pourquoi on est enclin à être plus solidaire avec les victimes du 11/9 ou ceux d'Israël que les habituelles victimes des massacres quotidiens en Palestine, en Tchéchénie ou en Afrique. C'est la philosophe du nouveau monde, comme lui, elle est myope !</p> <p>Pour arriver au centre, qu'on place souvent dans un coin écarté, dans lequel je dois attester ma présence après des autorités, je suis obligé, puisque j'habite chez ma femme, de faire un trajet de trois heures allée trois heures retour et faire la file pendant une demi-heure, souvent sous cette pluie incessante des pays du Nord, pour qu'un agent dans un geste machinal qui ne dure que quelques secondes me met un cachet sur cette carte collée à la destinée de tout demandeur d'asile. Puis rebelote, à la semaine prochaine, et ainsi de suite. Cela continu depuis déjà quatre an et demi. Pour ne pas s'étaler sur les situations humiliantes, le manque de respect à l'égard des demandeurs d'asile et une culture de haine qui a été véhiculée par une bonne partie de la classe politique néerlandaise et leur médias de caniveau, je vous dis simplement que les Pays-Bas sont les fervents défenseurs, à côté de l'Italie, de l'Espagne et du Danemark, de l'idée de l'« accueil régional ». Une politique visant à ne plus accueillir les demandeurs d'asile en Europe, mais près de chez-eux, dans des campements de fortunes en attendant la résolution des crises, des conflits et des situations qui les ont contraints à l'exil. A l'image des camps des réfugiés palestiniens, ceux des Afghans en Iran et au Pakistan, des Congolais dans les grands Lacs…etc. La coalition de droite, menée par le parti chrétien-démocrate, qui dirige actuellement le pays est l'héritière d'une politique d'asile qui a réussi à faire chuter drastiquement le nombre des requérants. Depuis la formation de cette coalition des mesures de plus en plus sévères ont été prises pour durcire la législation, diminuer encore le nombre des demandeurs d'asile et se débarrasser le plus rapidement et de la manière la plus inhumaine de ceux qui ont été mis hors procédure. Des familles entières de demandeurs, avec des enfants, sont jetées à la rue. Des vols charters, organisés parfois par des avions militaires, assurent, dans le plus grand secret, le rapatriement des non-aboutis. Les demandeurs d'asile mineurs, en nombres croissant dans toute l'Europe, sont littéralement enfermés dans des centres clos destinés à une « formation professionnelle accélérée » qui se couronne par un diplôme et un ticket de retour ; <i>One way ! </i></p> <p>Revenant maintenant à notre histoire.</p> <p>Deux moi auparavant quelqu'un m'avait appelé à la maison. <<->> Allô, bonjours… Je veux parler à monsieur Sami Ben Gharbia s.v.p ! <<->> Oui, C'est bien moi. Que puis-je pour vous ? <br /><img src="https://www.reveiltunisien.org/local/cache-vignettes/L8xH11/puce-32883.gif" width='8' height='11' class='puce' alt="-" style='height:11px;width:8px;' /> Je suis <i>X-man</i> de l'AIVD, je suis entrain de faire une enquête et je veux parler avec vous à propos de votre séjour en Iran. <<->> AIVD, c'est quoi ça ? <<->> C'est les services des renseignements et de sécurité des Pays-Bas ! <<->> Waooouh ! C'est dangereux ça !</p> <p>Au bout de téléphone, un éclat de rire, à la fois, fier, courtois et surpris par ma réaction qui était très, très spontanée. Un court silence, puis, la voix reprit son sérieux.</p> <p><<->> Non pas du tout c'est n'est pas dangereux, C'est une enquête de routine.</p> <p>Puis, sans me donner le temps de reprendre mon souffle qui était coupé ni d'apaiser l'irritation de mon ouïe alergique à l'écoute du mot « enquête de routine », que j'ai entendu dans plusieurs pays arabes, il s'invitât chez-moi, le lendemain.</p> <p><<->> Puis-je vous voir chez-vous le lendemain. <<->> Ici, mais je ne suis pas seul, je vis avec ma femme et je ne vous cache pas que le fait d'avoir l'AIVD chez-moi, n'est pas trop confortable aux yeux de ma sensible femme. <<->> C'est rien, elle peut assister à l'entretien si elle veut. <<->> Ok, vous êtes le bien venu.</p> <p>Apres avoir fixé avec mon interlocuteur l'heure du rendez-vous, j'ai réalisé que mon voyage en Iran n'était pas seulement cause de mon malheur en Tunisie, mais ailleurs aussi et peut être pour le reste de ma vie. Pourtant, je n'ai jamais regretté ce voyage que je considère comme mon pèlerinage intellectuel et mystique qui m'a donné la chance de côtoyé le réformisme post révolutionnaire iranien, de sentir les limites et les lacunes de l'idéologie islamiste et de vivre la splendeur du mysticisme musulman qui trouve en Iran son terreau le plus fertile.</p> <p>Ayant peur d'être surpris par une éventuelle mésaventure, j'ai alerté, le soir même Amnesty Internationale et certains de mes amis en France et ailleurs. Dans de telles situations, surtout lorsqu'on est demandeur d'asile et qu'on vie dans un <i>no man's land</i> juridique, il est impératif d'être toujours aux aguets. Une action a été lancée sur Internet grâce au travail de Mourad, de Luiza et d'autres.</p> <p> Le lendemain, monsieur X, tout en me posant plusieurs questions sur mes voyages en Iran, mes relations, m'assura que je ne risquais rien. Ses tentatives d'apaiser ma peur étaient simplement vaines, car ma crainte s'éveillait à chaque question ou remarque vagues que prononça sa bouche, celle d'un professionnel de la sécurité. Ayant appris que moi et ma femme étions entrain de préparer notre aménagement vers une grande ville des Pays-Bas, quittant le petit village où nous avions vécu plus de trois ans, monsieur X m'avait paru ne pas apprécier cela. C'était comme s'il voulait que je reste dans ce même village isolé. Tout en prenant congé de moi, il m'a pressé de lui contacter en me laissant ses coordonnées.</p> <p>J'ai appris par la suite que mes beaux-parents, néerlandais, avaient été interrogés par le même service deux ou trois fois ; bien sûr sur mon sujet. Eux aussi m'ont assuré que je ne courais aucun danger et que le résultat de l'enquête m'était favorable, puisqu'ils n'ont rien trouvé ce qui pourrait me compromettre aux yeux des autorités hollandaises.</p> <p>Or, depuis mon déménagement, et surtout depuis l'action qui a été lancée par RT, les problèmes avec la centrale d'accueil des réfugier n'ont pas cessé de se multiplier. Ainsi, on n'a pas voulu accepter le fait que j'habite avec ma femme là où on venait de déménager. On m'a prié de changer d'adresse et de trouver une autre hors de cette ville ou de revenir loger au centre des demandeurs d'asile. La dernière option était et est pour moi inacceptable. Je préfère quitter ce pays que de revenir loger dans un centre de demandeurs d'asile. J'en ai fait l'expérience et je ne vous cache pas que le nombre de cas de folie au sein des centres est en pleine hausse. Certains de mes amis, dont un journaliste irakien, ont subit un traitement psychiatrique. A cause du stress, de l'attente, de l'oisiveté et d'un désespoir rampant, ils étaient au bord de la folie. J'ai donc choisi de calmer le jeu et de trouver une autre adresse. Ce qui aurait pu résoudre le problème bureaucratique. Mais, au lieu de cela on a arrêté de me verser l'argent qui me servait à payer le loyer et le prix de mon ticket de transport pour le pointage hebdomadaire. Je ne reçois actuellement que 39 euro par semaine au lieu et place de 92 euro. Et j'utilise plus de la moitié de la somme pour acquérir un ticket de train afin de me rendre au pointage hebdomadaire. Le comble est que la police des étrangers m'a convoqué pour le pointage hebdomadaire le mardi à 13 heure dans le Sud du pays alors que l'organe d'accueil des demandeur d'asile me convoque le même jour et à la même heure de pointer au nord du pays, à trois heure d'intervalle. Ce qui est impossible à réaliser ; à moins que je ne procure un jet ou un tapis volant.</p> <p>Lorsque je me suis rendu à l'administration de la centrale d'accueil des demandeurs d'asile pour régler ce problème et pour acquérir une autorisation de travail, [<a href='#nb2-2' class='spip_note' rel='footnote' title='Les demandeurs d'asile sont autorisés à travailler trois mois par ans (...)' id='nh2-2'>2</a>] comme main d'œuvre agricole, on m'a informé, à ma grande surprise, que mon nom n'est plus enregistré dans leur fichier, c'est à dire que je n'existe plus aux yeux de cet organe en tant que demandeur d'asile. La fonctionnaire m'a carrément dis que quelqu'un a effacé mon nom du système depuis le 14 février 2003 ! L'Aide aux réfugiés, un organe indépendant offrant gratuitement un soutien juridique aux demandeurs d'asile, a lui aussi perdu toute trace de mon dossier et est dans l'incapacité de me fournir une aide. Et, mon avocate que je n'ai pas vue depuis un an et demi et que j'ai tenté de contacter sans succès, et ce depuis deux mois, est, selon la même palette de phrases martelée chaque fois par sa secrétaire : très occupée, pas à son bureau, en plein entretien, en vacance, dans le tribunal, etc. Selon un autre malheureux tunisien qui l'a sollicitée de prendre sa défense après qu'on lui a refusé définitivement, après 9 années d'attente, la demande d'asile, l'avocate serait entrain d'écrire un livre sur la situation des droits de l'homme en Tunisie ! Et les droits de ses clients tunisiens bafoués sur cette terre démocratique qui risque de devenir une démocratie bananière !</p> <p>N'ayant trouvé aucun interlocuteur, j'ai choisi d'écrire les périples que contient normalement la vie de tout demandeur d'asile. Je ne sais pas si j'arrive à écrire le prochain article. Je ne sais pas si tout ce qui est en train de se produire n'est qu'une façon de faire pression sur moi, de me faire taire. Je n'ai aucune preuve pour soutenir une telle présomption. Mais j'ai la foi en ma juste cause et en l'utilité de l'écriture. Tant que j'aurais la chance de démystifier quoi qu'une petite facette de l'injustice qui veut nous atomiser, je continuerais à informer, à penser et à déranger. Et si, cette page serait mon dernier article, j'ai heureusement laissé une surprise : 330 pages qui dérangeront mille fois plus que tout ce que j'ai écris jusqu'à aujourd'hui. Au cas où je serais menacé sérieusement par une mesure d'extradition, quelqu'un mettra la totalité de cette oeuvre en ligne sur les sites qui en seront intéressés. Ainsi ma voix ne s'éteigne pas même si je me trouve un jour au Camp X-Ray !</p></div> <hr /> <div class='rss_notes'><p>[<a href='#nh2-1' id='nb2-1' class='spip_note' title='Notes 2-1' rev='footnote'>1</a>] Ministère de l'Intérieur.</p> <p>[<a href='#nh2-2' id='nb2-2' class='spip_note' title='Notes 2-2' rev='footnote'>2</a>] Les demandeurs d'asile sont autorisés à travailler trois mois par ans spécialement dans le domaine agricole.</p></div> L'arche de Noé. https://www.reveiltunisien.org/spip.php?article680 https://www.reveiltunisien.org/spip.php?article680 2003-06-18T17:23:44Z text/html fr Sami Ben Gharbia alias Chamseddine « Qui a fondé quelque grande oeuvre dans un esprit désintéressé veille à former des héritiers. C'est la marque d'une nature tyrannique et basse que de voir des adversaires dans tous les héritiers possibles de son œuvre et de vivre en position de défense contre eux. » « L'esprit supérieur, chaque fois que des jeunes gens ambitieux font preuve à son égard de manque de tact, d'arrogance, voire d'hostilité, y trouve son plaisir ; ce sont les mauvaises manières des chevaux fougueux qui n'ont pas encore porté de (...) - <a href="https://www.reveiltunisien.org/spip.php?rubrique2" rel="directory">Agora</a> <div class='rss_texte'><p>« <i>Qui a fondé quelque grande oeuvre dans un esprit désintéressé veille à former des héritiers. C'est la marque d'une nature tyrannique et basse que de voir des adversaires dans tous les héritiers possibles de son œuvre et de vivre en position de défense contre eux.</i> » [<a href='#nb3-1' class='spip_note' rel='footnote' title='Friedrich Nietzsche, Humain, trop humain, ةditions Gallimard, tome I, p. (...)' id='nh3-1'>1</a>]</p> <p>« <i>L'esprit supérieur, chaque fois que des jeunes gens ambitieux font preuve à son égard de manque de tact, d'arrogance, voire d'hostilité, y trouve son plaisir ; ce sont les mauvaises manières des chevaux fougueux qui n'ont pas encore porté de cavalier, et ne tarderont guère pourtant à être bien fiers de le porter, lui.</i> » [<a href='#nb3-2' class='spip_note' rel='footnote' title='Friedrich Nietzsche, op. Cit, tome I, p.271.' id='nh3-2'>2</a>]</p> <p>Je me démarque par avance de ceux qui ont eu l'habitude de prostituer les secrets et les bévues politiques des autres, de ceux, pitoyables, qui usent de l'accusation gratuite comme arme, et de ceux qui chatouillent, avec des propos flatteurs, farcis d'hypocrisie et de mensonges, les personnalités de l'opposition ou ceux de la société civile. Bien que j'éprouve de l'humiliation devant les luttes et les sacrifices énormes des victimes de la répression en général et ceux d'Annahdha en particulier ainsi que de l'estime pour la lignée modérée, sage et honnête du CPR et surtout de son leader M. Marzouki qui, à mes humbles yeux, est le mieux placé pour amorcer un travail fédérateur, je me démarque de l'ensemble de la désormais dénommée deuxième opposition qui ne m'a jamais interpellé ni inspiré. De la même radicalité et franchise qui risque d'indisposer certains de mes amis sur TUNeZINE et RT, je me démarque de la troisième opposition, si (je dis bien si), des voix, ici et là, tentent de la contenir, de l'accaparer ou de la détourner de ses objectifs principaux que sont la construction d'un débat entreprenant, l'éclosion d'une action (auto)critique de tout ce qui touche de près ou de loin notre condition de dominé et la lutte non seulement contre la dictature de Zaba mais contre toute forme de domination, même celle provenant des partis, des personnalités ou des organisations appartenant à l'opposition ou à la société civile ; car notre combat n'est pas uniquement dirigé contre la tyrannie du présent, mais, et surtout, contre celle qui s'annonce à l'horizon.</p> <p>La troisième opposition, à mes humbles yeux, n'est contre ni <i>Foulan</i> ni <i>Filtan</i>. Pour survivre, affranchie de tout cantonnement partisan, clanique et même idéologique, et pour mener à bien sa mission qui est celle de tous ceux qui ne s'identifient pas avec les partis présents sur la scène réelle et virtuelle, elle doit éviter de personnifier la lutte et le débat pour ne pas s'abaisser à ce même bas niveau, malheureusement marécageux et désolent, de certaines figures tunisiennes et s'emprisonner de la sorte dans une <i>partie de ping-pong</i> inutile qui ne ferait que satisfaire la dictature tunisienne. La troisième opposition, à l'image des moyens dont elle dispose, est une communication. Une information. Un discours, avec ces deux pôles habituels. Le discoureur/auteur et l'interlocuteur /auditeur. Portant le mal tunisien, luttant pour la vulgarisation des prérogatives de la citoyenneté, contre l'abêtissement de l'être tunisien, la troisième opposition, par le biais de son discours, donc d'elle-même, tend à faire de chaque interlocuteur un acteur à part entière. Elle travaille à relaxer la part étouffée de la liberté, de la raison et des rêves du peuple tunisien. C'est un mouvement de libération national dans le vrai sens du mot. Elle s'exerce à faire libérer le Tunisien de sa peur, de son mutisme et de son atomisation pour le préparer à briser les chaînes de cette dictature qui a fait de lui « un citoyen en sursis ». La troisième opposition n'est pas en quête du pouvoir ni en quête d'occuper une place, en tant que parti ou organisation, sur l'échiquier politique ou associatif tunisien, comme le veut certains de bonne foi dont S.Karker, mais, elle vise la construction d'un nouvel être tunisien. C'est l'embryon de ce qui pourrait un jour être la fabrique des citoyens-opposants, selon la notion joliment formulée par Astrubal.</p> <p>En tant que discours infiniment tunisien, produit de toutes pièces par les Tunisiens, avec le soutien de leur ami(e)s non-tunisien(e)s, elle s'adresse principalement et en premier lieu à une jeunesse tunisienne ayant accès à Internet afin de la faire associer dans le débat et l'inviter, par l'art, la bonne parole, l'originalité des thèmes et la fougue de la critique, à assumer le rôle indispensable de relais qui manque tant à la deuxième qu'à la troisième opposition. Ce sont les Tunisiens de l'intérieur, privés de leur droit à l'exercice de la parole qui doivent être la cible principale de la troisième opposition. Si au bout d'un an, de deux ans, on arrive à jeter les ponts d'avec la jeunesse de l'intérieur en l'encourageant à l'acte de la lecture, puis à la propagation de la littérature rebelle et authentique dans les collèges, les universités, à les photocopier, à amorcer puis à maintenir un contact organique avec la jeunesse scolaire, estudiantine et sans-emploi afin de lui rendre l'espoir et la convaincre de l'utilité et de l'urgence de l'action politique ou/et intellectuelle, ça sera franchir un pas géant dans l'objectif de la libération de notre peuple.</p> <p>Convaincre la jeunesse que les problèmes politiques, sociaux ou économiques dont ils font face ont des racines et des solutions, et que la toute première des solutions consiste à croire que <strong>nous sommes capables</strong>. Nous sommes le mal, le médicament et le médecin. Sans attendre l'aide de quiconque, sans espérer l'intervention aléatoire de cette opinion publique internationale faite de deux-quarts de mirage et d'un quart de touristes graissant les caisses de la dictature, sans solliciter le soutien des ces chancelleries occidentales qui nous ont démontré à maintes reprises qu'elles sont à l'écoute et à la rescousse des régimes dictatoriaux, dont celui de Zaba, plus qu'ils ne le sont aux peuples et aux victimes de la répression, la troisième opposition se propose de s'adresser directement à la jeunesse tunisienne pour l'engager à prendre son destin en main sans le sous-traiter à l'ةtat, ni au RCD, ni aux « Etat-amis », ni même au partis de l'opposition. Le vrai enjeu est en Tunisie, l'acteur principal de tout changement positif est le peuple tunisien et il est improductif de vouloir résumer l'action politique ou « droit-de l'hommiste » (toutes mes excuses pour l'utilisation de ce terme) dans la seule information de l'opinion publique internationale et dans la formulation de communiqués et de pétition. Tous les chemins de l'opposition et de la société civile doivent mener en Tunisie et c'est, seulement là, que les attentions doivent se concentrer. La Tunisie est notre adresse.</p> <p><strong>L'ancien et le nouveau</strong>.</p> <p> La troisième opposition n'use pas de la communication en tant qu'une de ses outils ; elle est, comme en venait de dire, elle-même communication. Une communication menée quasiment par des Tunisiens indépendants, et, orientée essentiellement vers les Tunisiens. En ce sens elle est un mouvement au vrai sens du terme puisqu'elle est en permanente gesticulation. Questionnant le quotidien tunisien, arabe et mondial, consciente des dangers qui guettent le Sud en général et le monde arabo-musulman en particulier, elle se veut la voix des sans voix, des va-nu-pieds, des jeunes des bas-fonds de la Tunisie profonde qui n'ont jamais entendu parler ni de Mestiri, ni de Charfi ni de Ben Sedrine. Car, soyons franc et questionnons nos concitoyens. Qui parmi les quelque dix millions de Tunisiens, pour ne pas limiter la question à la jeunesse, connaît Marzouki, ou Ben Sedrine ou Hosni ou Chabi, etc. ?</p> <p>Donc, parce qu'elle est en permanente gesticulation elle n'attire de la part des anciens esprits, que du mépris puisqu'ils ont l'habitude d'aimer tout ce qui est fini, complet, arrondi, ancien ; bref, tout ce qui paraît avoir de la « légitimité historique ». On a souvent de l'estime pour tout ce qui est achevé, établi, fait, même s'il est laid, même s'il n'a couronné que défaite après l'autre. A l'inverse, on sous-estime ce qui est en train de se faire, car imparfait, inachevé, non abouti. Le nouveau a « le-défaut-de-la-nouveauté ». Le non-acomplissement forme son principal inconvénient. Pourtant, l'achevé n'a aucune ambition que de se conserver ou de conserver les ingrédients qui lui assurent longue vie et non ceux qui le renouvellent. Car, Dans sa logique faite dans un temps qui n'est plus à l'heure, le renouvellement est synonyme de disparition, de perte. Seule la vanité est capable d'aduler un passé fait de fiasco et de voir dans tout futur différent une promesse de sa propre extinction. Toute mouvance nouvelle produit des oppositions qui s'attachent à un <i>statut quo</i> même sous couvert de lutte révolutionnaire. Il est donc naturel qu'au cour de son cheminement, la nouvelle mouvance rencontre une opposition farouche. Cependant, lorsque cette opposition prend l'abjecte forme des accusations et des rancunes, la négation se radicalise car l'enjeu n'est plus dans l'opposition au nouveau mais dans la volonté de le diffamer pour l'éradiquer.</p> <p>La troisième opposition au lieu de courir toujours derrière les faits accomplis est entrain de créer l'évènement politique. Dans ce contexte, l'idée de l'union de l'opposition n'est-elle pas issue de la troisième opposition ? Cette singularité est l'une des garanties de sa réussite présente et future. Elle doit avoir le dessus dans le domaine de l'information, de l'analyse, de l'innovation et d'une utilisation pragmatique harmonisant les moyens techniques mises à sa disposition, la beauté de la présentation et la profondeur et la simplicité de son discours pour « séduire et résister ». Ainsi les jeunes peuvent discuter des maux de la société et s'atteler à en trouver des solutions plutôt que d'attendre le Godot de la deuxième opposition, qu'on espère venir de tous nos cœurs, mais, qui peut aussi ne pas venir. Au lieu d'attendre à l'infini, elle prend l'initiative en bâtissant des rêves qui se transforment en projets puis en esquisses puis en œuvres palpables qui redonnent de l'espoir et renforcent la confiance en soi. <strong>Nous-sommes capables</strong> est la devise de cette nouvelle génération. Le propre de cette troisième opposition est la rage de vaincre qui caractérise ses agissants, une rage qui manque à la traditionnelle opposition. L'épuisée par le poids de ses échecs et par son inadaptation aux outils et à la logique de la nouvelle ère. Le succès n'accompagne pas toujours la victoire, mais souvent la volonté de vaincre. Ce qui caractérise aussi la troisième opposition c'est que ses critiques envers la deuxième s'accompagne souvent avec une recherche des moyens de dépasser les handicaps de cette dernière, de se frayer de nouveaux chemins dans l'action politique et de maintenir un rythme de production, d'analyse et de réflexion accompagnant les événements, et souvent les dépassant dans le temps.</p> <p> Ce qui en découle est le fait que cette troisième opposition n'est pas constituée de gens qui sont venu à la politique « par hasard ». <i>Par hasard</i> ! quel mot vulgaire ! Elle est un augure de santé du peuple tunisien car elle est une prise de conscience. Un réveil. Un cri de détresse. Une vibration positive. Une colère et une rébellion qui ont choisi la plume comme arme et le verbe comme monture. Une volonté, délibérée et consciente, d'éviter et de faire éviter le basculement dans la violence et l'émigration, toute deux suicidaires, qui hantent l'esprit de notre pauvre jeunesse prise entre l'enclume de la dictature et le marteau d'un système mondial des plus injustes. La trosième opposition est, si on se permet l'utilisation d'une parabole religieuse, à l'image de l'arche de Noé. Un nouveau phénomène dans un univers menacé par un déluge. Visionnaire, la troisième opposition, veut, tel Noé, sauver les autres de leur propre drame. Mais, prisonniers dans les moules rassurantes de l'ancien, on se moqua d'elle, de cette esquisse d'arche qui n'était pas encore achevée. Pourtant c'était le seul moyen sur terre pour échapper du déluge. « On n'est pas ici pour vous chasser, mais pour vous sauver ! » Tel était la sagesse de l'histoire de l'arche.</p> <p><strong>Le néocolonialisme : notre nouvelle ère</strong>.</p> <p> Il faut se rendre à l'évidence que notre situation, et celle du monde arabo-musulman, est explosive et elle risque de s'aggraver d'avantage si on n'arrive pas à saper les fiefs de l'exclusion qui marginalise nos peuples et en particulier notre jeunesse. Ceux qui ne le savent pas encore, ceux qui feignent de l'oublier et ceux qui le cachent par des propos naïfs et irresponsables, doivent réaliser qu'on est entrain de reproduire le colonialisme dans notre région. Il faut cesser les rêves « progressistes »des années soixante, soixante-dix, et même ceux « islamistes » des années quatre-vingt et quatre-vingt-dix. Le moment historique auquel nous faisons face est déterminé par la volonté stratégique de l'Occident officiel et ses suppôts régionaux, dont une partie de notre élite pro-occidentale, de détruire les poches de résistances dont nous disposons afin de préparer le terrain au néocolonialisme. Comme au début du XX siècle, avec son Sykes-Picot, ce siècle encore tend à remodeler, principalement, la carte du monde arabo-musulman, à la recoloniser et à confisquer notre avenir. « <i>En 1920, le triomphe de l'Europe sur l'Islam paraissait total et définitif. Les vastes territoires des peuples musulmans d'Asie et d'Afrique, avec leurs innombrables millions d'habitants, se trouvaient fermement soumis aux empires de européens- quelque fois par l'intermédiaire des divers types de princes autochtones, le plus souvent par administration coloniale directe.</i> » [<a href='#nb3-3' class='spip_note' rel='footnote' title='Europe-Islam. Actionss et réactions, Bernard Lewis, Gallimard, 1992, p. (...)' id='nh3-3'>3</a>] constatait Bernard Lewis. Aujourd'hui encore, et grâce à la disparition du pôle soviétique, les architectes de la politique étrangère américaine et même européen rêvent de reconstruire un monde globalisé, unipolaire, soumis au plus fort. Comme l'a bien dit Mohamed Talbi, « les gouvernants d'Occident, leur leaders en têtes, sont nostalgiques du merveilleux monde de 1920. » [<a href='#nb3-4' class='spip_note' rel='footnote' title='Ben Laden par lui-même, il n'est rien, Mohamed Talbi, l'Intelligent n؛2136, du (...)' id='nh3-4'>4</a>] Un monde <i>Un</i> ; gouverné par une seule puissance qui s'arroge le droit d'ingérence planétaire tantôt au nom de la démocratie, tantôt au nom de la guerre contre le terrorisme et d'autre encore pour dépouiller des Etats souverains de leur armes et de leur droit à la possession des armes, selon sa nouvelle stratégie : <i>c'est la mission qui défini la coalition et non le contraire</i>. On le constate aujourd'hui, l'Europe fait plus de pression sur les forces de résistances palestiniennes et sur l'Iran que l'Amérique. Le rôle de la France et de l'Allemagne dans le premier acte, qui est le refus de la guerre contre l'Irak et d'éviter ainsi un vrai conflit de civilisation, est terminé ; le rideau s'est levé sur une nouvelle scène du même théâtre qu'estla domination mondiale.</p> <p><strong>Déception </strong></p> <p>La dangerosité de cette situation nous appelle, d'urgence, à réunir toutes nos forces actives et sincères pour relever ce défi qui nous promet guerres, ravages économiques, chaos et davantage de tyrannie. La société civile doit accueillir à bras ouvert ceux qui, parmi les jeunes, ont opté pour la réflexion, la critique et l'exercice de la parole et non les accuser d'être les flicailles au solde de la dictature. La Tunisie, messieurs et madame est le quatrième pays répressif de la planète devançant même la Chine (voir tableau publié par Le Monde diplomatique du moi de juin 2003). Vous voulez encore de prisonniers, de censurés, de lèvres coudées et d'esprits hébétés ! Vers où va-t-elle diriger ses pas, cette jeunesse, si tout le monde l'accuse, ici de terrorisme, là d'immigration clandestine, là encore de flicaille ! Le Chômage et la répression à l'intérieur, les visa impossibles et l'émigration humiliante à l'étranger, la culture dégradante, vide de sens et de spiritualité, le mépris et l'insensibilité de notre élite, la tentation de l'action violente suicidaire semble être le seul issu possible à une jeunesse sans avenir. Tous ces phénomènes et bien d'autres encore nous obligent à donner plus d'air et plus de lumière à cette nouvelle plante qui se définie comme pacifique, modérée et concernée par le sort de la Tunisie. Et ce n'est pas les pouvoirs tyranniques, comme celui de la Tunisie, qui vont donner à la jeunesse l'exemple de la tolérance, de l'ouverture d'esprit et de cette modestie exemplaire mais c'est aux représentants de la société civile et de l'opposition de démonter leur vrai esprit démocratique et bienveillant.</p> <p>Malheureusement, ce que nous constatons, surtout ces dernières semaines, c'est que des gens comme S.B Sedrine et O. Mestir appellent de tout leur vœu à « une autorégulation » du champ de liberté et « une immunisation de l'espace public » qui serait, selon eux « préalable à l'édification démocratique ». C'est la philosophie qu'on peut tirer du n؛ 14 de kalima. Une volonté intentionnelle et systématique de vouloir étouffer les nouvelles voix qui commence à parler.</p> <p>Ecoutons S.B.S : « <i>Après de longues années de traversée de désert, la Tunisie connaît - à travers Internet- une explosion d'une liberté d'expression. Ce nouveau champ de liberté appelle lui aussi une autorégulation, au risque de se muer en aliénation et en un espace de désinformation. » </i> » [<a href='#nb3-5' class='spip_note' rel='footnote' title='Sihem Bensedrine, La critique des autres est toujours aisée, Kalima, n؛ 14, (...)' id='nh3-5'>5</a>] Or, dans sa lettre, envoyée de la prison de Manouba, à la jeunesse tunisienne [<a href='#nb3-6' class='spip_note' rel='footnote' title='Sihem Ben Sedrine, Lettre de prison de Sihem à la jeunesse de Tunisie, n؛ 5, (...)' id='nh3-6'>6</a>], Sihem Ben Sedrine, appelle les jeunes à l'exercice de leur droit de citoyenneté en insistant sur celui de l'expression. Etrangement, et dès que certaines voix avaient osé critiqué la méthode d'action de l'opposition traditionnelle, les représentants de la société civile, dont S.B.S, voici qu'elle revient à la case de la censure appelant à l'autorégulation, en d'autre terme à une autre sorte de museler la contestation. <i>Autorégulation</i>, autre façon de dire bouclage. Allons messiers et mesdames, « soyons sincère ! Vous croyez à la nécessité de la police ! » [<a href='#nb3-7' class='spip_note' rel='footnote' title='Nietzsche, Œuvres posthumes, gallimard.' id='nh3-7'>7</a>] Qu'allez-vous faire si un jour vous accédiez au pouvoir, nous accuser de terrorisme et nous jeter en prison ! Sachez que notre droit ne se limite pas à la seule critique du régime dictatorial de Zaba, il englobe, aussi, la critique de notre mentalité, de nos méthodes d'action, de notre éloignement de la réalité. Et en cela les leaders de l'opposition ne sont pas à l'abris de nos critiques. Reste que notre critique à l'égards de l'opposition ou de la société civile découle de notre souci de réformer ce corps, de notre amour pour ses composantes alors que celle dirigée contre l'oligarchie tunisienne découle de notre haine d'un tel système.</p> <p>Idiot est celui qui, égaré par le mirage de son importance et par la réparation de son lésé amour-propre, se dresse contre l'herbe de la jeunesse ; car, en réalité, c'est contre son propre avenir qu'il s'est dressé. Les personnes infatuées d'elles-mêmes, auxquelles ont ne témoigne pas autant de marques d'estimes qu'elles attendent s'adonnent facilement à l'accusation au point de perdre d'un coup toute la pudeur et le prestige propres à leur âge et/ou à leur occupation.</p> <p>Voici M.O. Mestiri, il nous apprend que « Les agents infiltrés qui opèrent dans le milieu démocratique (…) consacrent l'essentiel de leurs efforts à attaquer les vrais adversaires du pouvoir. » [<a href='#nb3-8' class='spip_note' rel='footnote' title='Omar Mestiri, L'immunisation de l'espace public préalable à l'édification (...)' id='nh3-8'>8</a>] M. Omar Mestiri avait peut être oublié que les vrais adversaires du régime, et pour reprendre ses mots, « <i> les détracteurs les plus coriaces, ceux qui ont symbolisé la résistance au plus fort des années de plomb, (...) au prix de lourds sacrifices. » ne sont pas ceux et celles qui se posent sous les projecteurs recevant des galons, prix et honneurs bourgeois ; les vrais adversaires se trouvent, et depuis plus de dix ans dans les prisons tunisiennes, sous la torture, dans les cellules d'isolements et même dans des tombes creusées à l'obscurité. Les vrais adversaires du régime sont ces anonymes que l'opinion publique et nationale avait jetés dans l'oubliette, ce sont ces familles affamées et résistantes et ces milliers de femmes qui, pour pendre les termes de Luiza Toscane « se sont battues, et se battent pour améliorer le sort d'un conjoint détenu ou exiger sa libération. » [<a href='#nb3-9' class='spip_note' rel='footnote' title='Femmes tunisiennes : du « devoir familial », au combat politique, Luiza (...)' id='nh3-9'>9</a>]</p> <p> Les vrais adversaires du régime, pour prendre encore la parole de Luiza, sont ceux de « <i>la résistance sourde et silencieuse et toujours de mise </i> », celle « <i>des milliers de proches de prisonniers d'opinions, qui au jour le jour et dans la clandestinité, continuent de soutenir les détenus et de faire parvenir au monde les nouvelles de ces bannis. L'essentiel de l'information en provenance des prisons repose sur les femmes, sur leur ingéniosité et leur ténacité pour déjouer la surveillance policière. </i> » [<a href='#nb3-10' class='spip_note' rel='footnote' title='Ibid.' id='nh3-10'>10</a>]</p> <p>Les héros de notre peuple sont ces quelque trois mille individus sans passeport éparpillés à travers le monde, dans des camps de réfugiés, sans ressources aucune, ni travail et menacés, eux et leur famille, contrairement aux officiers et aux sous-officiers de l'opposition et de la société civile, d'être expulsés vers la Tunisie. Ce sont ces grévistes de la fin qui au prix de leur santé allument la bougie de la résistance en nous redonnent de l'espoir. Ce sont aussi nos amis non Tunisiens qui quotidiennement investissent leur temps et leur effort comme Sophie et surtout cette très oubliée Luiza Tscane qui grâce à son travail une bonne partie de l'histoire de la lutte et des sacrifices des opprimés et sans parole Tunisiens et Tunisiennes, est inscrite.</p> <p> Mai, les vrais serviteurs de la Tunisie resteront ceux qu'on oublie souvent, ceux qui vraiment « <i>ont acquis un capital crédit indéniable</i> » auprès du peuple et non comme le veut O. Mestiri auprès des instances internationales : Fayçal Barakat, Sahnoun Jouhri, Mabrouk Zran, Ali Mzoughi, Ismaïl Khmira, Amar El Béji, Lotfi Glaa, Rachid Chammakhi, Fathi Khiari, Abdelaziz Mahwachi, Mohamed Ali Feday, Abderrazek Barbria, Lakhdhar Sdiri, Abdelwaha Boussaa,…,…,…,…,…</p> <p>C'est seulement devant ceux-là qu'on s'incline.</p> <p><strong>Question </strong></p> <p>Avant de finir je me permets de poser aux gradés et galonnés de l'opposition et de la société civile, une seule question qui ne se rapporte ni à la politique, ni à l'idéologie ni même à la culture. Avez-vous un jour songé à « brûler », c'est à dire à quitter clandestinement la Tunisie sur un bateau de fortune sans se soucier des dangers d'une telle aventure ? Moi et presque tous mes amis et une bonne partie de la jeunesse tunisienne oui ! Alors. Ne pensez-vous pas qu'un océan d'incompréhension nous sépare de vous ? En attendant que vous répondiez à cette question, je vous laisse méditer cette prose de ce même magnifique Nietzsche, elle parle beaucoup de la crise actuelle entre la deuxième et la troisième opposition. Lisez-le ce philosophe posthume, ou plutôt relisez-le, il a le don de diagnostiquer les maux les plus occultés :</p> <p>« On distingue parmi les esprits rêvant d'un bouleversement de la société, ceux qui veulent obtenir quelque chose pour eux-mêmes et ceux qui le veulent pour leurs enfants et petits enfants. Ce sont ces derniers qui sont dangereux ; car ils ont la foi et la bonne conscience du désintéressement. Les autres, on peut leur donner un os à ronger : la société dominante est toujours assez riche et avisée pour ce faire. Le danger commence dès que les buts se font impersonnels (... ) » [<a href='#nb3-11' class='spip_note' rel='footnote' title='Op. Cit.,Tome I, p. 322' id='nh3-11'>11</a>]</p></div> <hr /> <div class='rss_notes'><p>[<a href='#nh3-1' id='nb3-1' class='spip_note' title='Notes 3-1' rev='footnote'>1</a>] Friedrich Nietzsche, Humain, trop humain, ةditions Gallimard, tome I, p. 366-367.</p> <p>[<a href='#nh3-2' id='nb3-2' class='spip_note' title='Notes 3-2' rev='footnote'>2</a>] Friedrich Nietzsche, <i>op. Cit</i>, tome I, p.271.</p> <p>[<a href='#nh3-3' id='nb3-3' class='spip_note' title='Notes 3-3' rev='footnote'>3</a>] <i>Europe-Islam</i>. Actionss et réactions, Bernard Lewis, Gallimard, 1992, p. 62.</p> <p>[<a href='#nh3-4' id='nb3-4' class='spip_note' title='Notes 3-4' rev='footnote'>4</a>] Ben Laden par lui-même, il n'est rien, Mohamed Talbi, l'Intelligent n؛2136, du 18 décembre 2001.</p> <p>[<a href='#nh3-5' id='nb3-5' class='spip_note' title='Notes 3-5' rev='footnote'>5</a>] Sihem Bensedrine, La critique des autres est toujours aisée, Kalima, n؛ 14, mai 2003</p> <p>[<a href='#nh3-6' id='nb3-6' class='spip_note' title='Notes 3-6' rev='footnote'>6</a>] Sihem Ben Sedrine, Lettre de prison de Sihem à la jeunesse de Tunisie, n؛ 5, juillet 2001</p> <p>[<a href='#nh3-7' id='nb3-7' class='spip_note' title='Notes 3-7' rev='footnote'>7</a>] Nietzsche, Œuvres posthumes, gallimard.</p> <p>[<a href='#nh3-8' id='nb3-8' class='spip_note' title='Notes 3-8' rev='footnote'>8</a>] Omar Mestiri, L'immunisation de l'espace public préalable à l'édification démocratique, n؛ Numéro 14 - mai 2003.</p> <p>[<a href='#nh3-9' id='nb3-9' class='spip_note' title='Notes 3-9' rev='footnote'>9</a>] Femmes tunisiennes : du « devoir familial », au combat politique, Luiza Toscane France Libertés, 21 octobre 2002. <a href="http://www.France-libertes.fr/refl/refldl/femmes_tunisie.htm" class='spip_url spip_out' rel='nofollow external'>www.France-libertes.fr/refl/...</a></p> <p>[<a href='#nh3-10' id='nb3-10' class='spip_note' title='Notes 3-10' rev='footnote'>10</a>] <i>Ibid.</i></p> <p>[<a href='#nh3-11' id='nb3-11' class='spip_note' title='Notes 3-11' rev='footnote'>11</a>] <i>Op. Cit.</i>,Tome I, p. 322</p></div> Des démocraties futures sans peuples. https://www.reveiltunisien.org/spip.php?article653 https://www.reveiltunisien.org/spip.php?article653 2003-06-04T17:59:40Z text/html fr Sami Ben Gharbia alias Chamseddine De la démocratie et des « démocrates. » « Penses-tu qu'il soit possible de savoir ce qu'est la démocratie sans savoir ce qu'est le peuple. » (Socrate). Dieu, que la démocratie serait imminente, s'il n y avait pas les méchants islamistes, ses ennemis qui la guettent et sont prêts à la démolir, une fois parvenus au pouvoir ! Il y a ceux qui, au monde arabe comme ailleurs, croient à cette formule. Ont-ils raison, ou alors, mal informés sur la réalité et la diversité de la mouvance islamiste ainsi que (...) - <a href="https://www.reveiltunisien.org/spip.php?rubrique2" rel="directory">Agora</a> <div class='rss_texte'><p><strong>De la démocratie et des « démocrates. »</strong></p> <p> « <i> Penses-tu qu'il soit possible de savoir ce qu'est la démocratie sans savoir ce qu'est le peuple.</i> » (Socrate).</p> <p>Dieu, que la démocratie serait imminente, s'il n y avait pas les méchants islamistes, ses ennemis qui la guettent et sont prêts à la démolir, une fois parvenus au pouvoir ! Il y a ceux qui, au monde arabe comme ailleurs, croient à cette formule. Ont-ils raison, ou alors, mal informés sur la réalité et la diversité de la mouvance islamiste ainsi que sur l'indispensable « autre version locale de la démocratie » qu'il faut créer et qui doit être adaptable avec nos sociétés arabo-musulmanes, ont-ils tort ?</p> <p>Avant de répondre à cette question, il est impératif de poser une autre, plus profonde. Ladite question, comme sa réponse, ont été formulées par Amos Perlmutter, l'un des anciens concepteurs de la politique étrangère américaine, sur les pages du Washington Post : « <i>L'Islam, qu'il soit intégriste ou pas, est-il compatible avec la démocratie de type occidental, orientée vers les droits de l'homme et libérale ? La réponse est clairement nom.</i> » [<a href='#nb4-1' class='spip_note' rel='footnote' title='Amos Perlmutter, « Islam et démocratie ne sont tout simplement pas (...)' id='nh4-1'>1</a>] Même si la démocratie est imaginée pour le monde arabo-musulman elle est tout à fait différente de celle des des urnes, c'est une « démocratie sous tutelles ». Sous la tutelle de l'occident ou de ses suppôts que sont ou bien une élite dite « éclairée », « démocrate » et bien évidemment laïque ou bien un régime autoritaire mais ami. Donald Rumsfeld n'avait-il pas précisé que « <i>Washington refusera de reconnaître un régime islamique en Irak même si c'était le désir de la majorité de Irakiens et s'il reflétait le résultat des urnes. </i> » [<a href='#nb4-2' class='spip_note' rel='footnote' title='El Pais, Madrid, 22 avril 2003, cité in : Néo-impérialisme, Ignacio Ramonet, (...)' id='nh4-2'>2</a>]</p> <p>Pourquoi refuser de donner le temps au développement d'une démocratie-musulmane. La démocratie occidentale a eu des siècles, le temps pour se développer, pour corriger ses pas, pour réformer sa marche, ses institutions et ses lois, et, pour atteindre enfin son stade actuel. Même en Europe, il a fallu mettre d'abord en place des Constitutions et des institutions démocratiques avant de voir se développer des partis démocratiques chrétiens. Le plus vieux concept de démocratie chrétienne apparu au milieu du 19e siècle alors que seulement au milieu du 20e siècle que l'église a fait la paix avec la démocratie. Et-st-il innocent, dans ce contexte, de vouloir voir naître une démocratie qui n'est pas compatible avec les mœurs, les valeurs et les croyances locales ? pourquoi y a t-il une éclatante contradiction entre les déclarations, en faveurs de la démocratie, des politiciens occidentaux et arabes et entre la pratique ? Le vrai enjeu consiste-il à promouvoir la démocratie dans des contrées qui n'ont pas eu ni la chance ni le temps de produire une culture démocratique ou bien à défendre les intérêts occidentaux ? Nous laissons le soin de la réponse à Samuel P. Huntington : « <i>L'Occident s'est senti soulagé lorsque l'armée algérienne est intervenue en 1992 et a annulé les élections que les fondamentalistes du FIS allaient gagner(…) d'un côté, dans le contexte révolutionnaire qui est le sien, l'Iran a dans une certaine mesure l'un des régimes les plus démocratiques du monde islamique, et des élections libres dans de nombreux pays arabes, comme l'Egypte et L'Arabie Saoudite, donneraient sans doute des gouvernements bien moins ouverts vis-à-vis des intérêts occidentaux que leurs prédécesseurs non démocratiques. (…) Comme les dirigeants occidentaux ont compris que le processus démocratique dans les sociétés non occidentales suscite des gouvernements hostiles à l'Occident, ils s'efforcent d'influencer ces élections et mettent moins d'ardeur que naguère à défendre la démocratie dans ces sociétés.</i> » [<a href='#nb4-3' class='spip_note' rel='footnote' title='Le Choc des civilisations, Samuel P. Huntington, Editions Odile Jacob, (...)' id='nh4-3'>3</a>]</p> <p>Il est peut être normal, mais pas humain, que les leaders occidentaux soutiennent un dictateur qui leur assure leurs intérêts que de patienter pour soutenir un processus démocratique naissant, et l'accompagner dans son long acheminement que nécessite toute action de démocratisation. Mais, ce qui n'est pas normal c'est que des citoyens arabes ou musulmans voient une opposition intrinsèque dans l'équation démocratie et islam au point qu'ils sont prêt à collaborer avec des despotes sanguinaires contre les islamistes de leur propres pays. Au nom de la laïcité, des intellectuels, des juristes et même des défenseurs de droits de l'hommes ont soutenu, parfois manifestement, la persécution de leur propres concitoyens, de leur propres voisins et amis car islamistes.</p> <p>Même aujourd'hui il existe encore, après les amères années de désunions et d'animosité entre les citoyens du même pays, qu'est la Tunisie, des personnes qui voient les islamistes comme ennemis à combattre. Certains, comme Mezri Haddad, nous présentent, une vision faussée de la société tunisienne, comme si au sein de cette société la mouvance islamisme n'appartient pas au peuple tunisien. Attaché comme est le cas de notre élite à la pensée de Tocqueville- qui n'a pas hésité à appeler au massacre des Arabes- <a href="https://www.reveiltunisien.org/spip.php?article585" class='spip_in'>l'article</a>, ce pseudo intellectuel nous informe qu'« <i>Il y a plus d'un siècle et demi, Tocqueville conjecturait l'inexorable marche des sociétés vers la démocratie. Parce qu'il est mature, le peuple tunisien, gouvernants comme gouvernés, est bel et bien mûr pour la démocratie. Mais il n'est pas suffisamment immunisé contre ce virus mortel : le fanatisme religieux. (…) J'ai toutes les raisons de croire qu'en 2004, et peut-être même avant, la démocratie comme forme de gouvernement sera en Tunisie une réalité concrète. Et si je me trompe, je préfère encore me tromper avec Ben Ali (et Bouteflika) qu'avoir raison avec Ghannouchi (et son alter ego Abbassi Madani).</i> » [<a href='#nb4-4' class='spip_note' rel='footnote' title='La Tunisie ne vit pas un cauchemar, par Mezri Haddad, Le Monde du 06 (...)' id='nh4-4'>4</a>]</p> <p>Suivant la même technique analytique que celle adoptée par notre compatriote Mezri Haddad, l'éditorialiste au Corriere della Sera nous apprend que « <i>Les élections peuvent tout aussi tuer une démocratie ( comme ce fut le cas en Allemagne, en 1933), et il est certain que jamais dans aucun pays musulman, les élections n'ont fait naître une démocratie. Quand les Etats-Unis abandonnèrent le chah à son destin, la république islamique d'Iran fut triomphalement légitimée par un vote populaire. L'occident hypocrite reproche aux militaires algériens de ne pas avoir accepté, en 1991, la victoire électorale du Front Islamique du Salut, une victoire qui aurait instauré à Alger un fac-similé du régime khomeyniste. Aujourd'hui même, en Irak, une élection ne pourrait porter au pouvoir qu'une théocratie islamique, et certes pas une démocratie.</i> » [<a href='#nb4-5' class='spip_note' rel='footnote' title='Irak : sous la tyrannie, la théocratie, par Giovanni Sartori, Courrier (...)' id='nh4-5'>5</a>] Après ce simulacre d'analyse, l'auteur, qui n'est rien d'autre qu'un professeur de sciences politique à l'université Colombia de New York et de Florence, prône « la démocratie sous tutelle » et il nous donne un exemple à l'appui, la Turquie : une démocratie sous la tutelle des militaires qui n'osent pas à enter en scène, par les divers coups d'Etat, à chaque foi que le sacro-sainte culture laïque « à la française » de leur semi-Dieu, père de la nation, Atatürk, soit menacée par des « sujets » influencés par les centenaires valeurs islamiques. Est-ce que le sacré ne peut être qu'une émanation du religieux personnellement j'y crois pas. Les plus sacrés des idées, surtout dans le domaine politique, sont des produits séculiers ; et elles se sont avérées les plus dangereuses.</p> <p>Prisonniers des nos a priori, nous sommes incapables de bâtir un avenir commun sur la base du respect mutuel et de la reconnaissance que chacun de nous a le droit indéniable d'avoir sa propre vision politique, son propre projet de société et sa propre approche de l'action politique. Il est enrichissant le fait d'être différents les uns des autres, d'appliquer une lecture critique sur nos actions politiques ou sur nos visions des choses, mais de là à se combattre, à se considérer comme ennemis et à se déclarer la guerre ! Les uns se voient les garants de la religion et de la morale, les autres les gardiens du temple démocratique, les autres encore des laïcs qui n'ont aucun mal à afficher leur penchant à l'éradication de l'islam-politique voire leur animosité à l'égard de la religion en général et de l'islam en particulier. Si on demande aux Tunisiens d'accepter une vision politique fondée sur l'athéisme ou le matérialisme, théorie étrangère aux normes des sociétés arabo-musulmanes, pourquoi dénigrer alors le droit politique et idéologique de ceux qui se revendiquent des valeurs religieuses issues de ces même sociétés ?</p> <p>Prenons l'exemple de notre cher ami Lecteurs Assidu, un forumier de TUNeZINE. Après avoir reconnu qu' « <i>Annahdha est une force politique tunisienne </i> » et que « <i>l'amnistie générale doit représenter le mot d'ordre de tous les opposants de différentes obédiences </i> », il nous rappelle qu'Annahdha est « <i>une tendance politique qu' [il] estime obscurantiste et qui est au mieux une autre facette de la dictature. Il ne faut pas perdre de vue qu'Annahda (et les autres islamistes qui n'appartiennent pas à ce mouvement) sont des adversaires politiques que les démocrates doivent combattre. Ce combat n'a pas à être différé sous le prétexte fallacieux de la lutte contre la dictature.</i> » [<a href='#nb4-6' class='spip_note' rel='footnote' title='Opinion concernant la réunion d'Aix-Marseille, Lecteur Assidu, (...)' id='nh4-6'>6</a>] Le terme « combattre » employé par Lecteur Assidu est tellement vague qu'il laisse planer même l'idée de l'éradication. N'est-il pas alors intrinsèquement contradictoire d'appeler d'un côté à l'amnistie générale, qui toucherait particulièrement les islamistes puisqu'ils forment la majorité des prisonniers politiques, et de l'autre appeler le camp des « démocrates », c'est à dire tous ceux qui ne sont pas empreints de valeurs religieuses, à combattre ceux qui ont fait de l'islam la source de leurs valeurs morales et éthiques.</p> <p>Je me suis toujours pausé la question suivante, qui m'a souvent embarrassé : comment peut-on reconnaître un progressiste ou un démocrate ? Lorsque quelqu'un nous dit : « nous les progressistes » ou « nous les démocrates », est ce suffisant pour prendre ses paroles à la lettre et admettre naïvement son appartenance au progressisme ou à la démocratie ? Que faut-il faire pour tester la véracité de son progressisme ou son esprit démocratique ? Le procédé le plus simple, inventé par ces même autoproclamés « progressistes-démocrates », est de voir si la personne à étudier est influencée par les valeurs religieuses, surtout musulmanes. Si oui, il ne peut être ni démocrate ni progressiste ! C'est simple comme bonjour. Les islamistes sont les ennemis de la démocratie déclarait notre Lecteur Assidu. Pire encore, il y a même ceux qui ont nié l'humanisme des islamiste. Béchir Ben Yahmed, dans son « Ce que je crois » hebdomadaire, n'a pas hésité à marteler de la façon la plus prétentieuse, qui est la tienne, qu'il ne croit pas à « l'islamisme à visage humain » ! [<a href='#nb4-7' class='spip_note' rel='footnote' title='ہ qui le tour, Béchir Ben Yahmed, L'Intelligent n؛ 2133, du 27 novembre (...)' id='nh4-7'>7</a>] C'était comme si les autoproclamés progressistes ou démocrates ou laïques avaient un facteur « démocratiquo-biologique » incorporé dans leurs DNA. C'est risible, mais c'est comme ça. C'est l'imaginaire progressiste qui accable l'esprit d'une partie de notre élite obsédée par la laïcité « à la française ».</p> <p>Questionné par Nadia Omrane sur le consensus entre le mouvement islamiste et une frange du mouvement démocratique, qui articule le projet démocratique à la laïcité, Hichem Jaït avait répondu : « <i>Je ne vois pas en quoi le mouvement démocratique demande à être laïque. Il faut faire très attention. Si on entend par « laïque » la séparation de l'état et de la religion, pour l'instant on n'en est pas là et c'est un problème vaste. S'il s'agit d'une sécularisation de la législation, nous y sommes depuis bien longtemps, depuis le XIXe siècle. Mais si on considère la laïcité sur le modèle français avec un fond d'hostilité à l'église, personnellement, je dis « non ». Je ne suis pas hostile aux mœurs islamiques de ce pays, chacun est libre de toutes manières. Et, cela va de soi, chacun est libre dans le respect de la loi.</i> » [<a href='#nb4-8' class='spip_note' rel='footnote' title='Propos de la responsabilité de l'intellectuel, Interview exclusive de Hichem (...)' id='nh4-8'>8</a>]</p> <p>Mais pour ne pas sombrer dans l'angélisme, l'islamisme, en tant que course au pouvoir, c'est à dire une tentative d'islamisation de la société par le haut, et non pas en tant qu'islamisation de la société par le bas, a ses propres démons. Pour les plus durs des islamistes, les gauchistes sont aussi à combattre puisqu'ils sont des « apostats », « importateurs » d'idéologies élaborées à l'étranger et oeuvrant à « corrompre » les sociétés musulmanes ! L'idée légendaire que le Coran serait la solution aux maux des sociétés musulmanes a fait des ravages partout dans la terre d'Islam. Mais, heureusement que ce slogan est de plus en plus mis sous lumières par les islamistes même qui ont été amené à faire évoluer leur approche du sacré.Comme l'avait bien formulé le philosophe Abdel Karim Souroush, visage emblématique du réformisme post-révolutionnaire iranien, qui a eu le privilège d'accompagner l'évolution de la très singulière expérience iranienne de révolution islamique/régime islamique, disait qu' : « <i>Il faut cesser de se leurrer en prétendant que l'islam comporte des enseignements conformes à tous les besoins d'une société moderne, comme la démocratie ou les droits humains. La religion du Prophète détermine surtout les obligations des croyants, tandis que la démocratie garantie les droits des citoyens. Il nous revient à nous, les intellectuels du tiers-monde, de les rendre compatibles.</i> » [<a href='#nb4-9' class='spip_note' rel='footnote' title='Cité in : En Iran, Islam contre islam, , Eric Rouleau, Le Monde (...)' id='nh4-9'>9</a>]</p> <p>Maintenir dan la même lignée des stéréotypes, des préjugées, des idées vagues et aléatoires, et des a priori équivaut à maintenir l'état de panne qui caractérise notre pensée et notre action. Dire que les islamistes, en vrac, sont les ennemis de la démocratie c'est comme si on disait que les démocrates avaient mis la main dans la main avec Ben Ali alors qu'on sait qu'une partie des démocrates l'avait fait alors qu'une autre avait résisté au « consensus national »construit alors pour contrer inhumainement et sauvagement l'islamisme tunisien. C'est comme on dit que les communistes étaient à la solde de Zaba parce que Harmel l'était. Ces généralisations qui se veulent savantes, ne sont pourtant pas exhaustives et véhiculent une stigmatisation de toute une mouvance. Elle n'aide pas à saisir la complexité de la situation ni en Tunisie ni ailleurs.</p> <p>Si on affirme que la croyance religieuse et les partis politiques religieux sont incompatibles avec la démocratie. Il faudrait alors se demander si la guerre contre la religion a aidé la démocratie en ex-URSS, en Chine -Tebet- et en Albanie. « <i>Les espoirs démocratiques des peuples musulmans se portent aujourd'hui plutôt vers les partis islamistes que vers les représentants nationalistes agressifs de la laïcité et le naufrage de leur concept de modernisation. C'est une réalité qu'il faut prendre sérieusement en compte. Quoi qu'il advienne, on ne fera qu'aggraver le conflit en voulant juguler la religion.</i> » [<a href='#nb4-10' class='spip_note' rel='footnote' title='Concilier démocratie et conviction religieuse ? Par Gustav Seibt, Süddeutsche (...)' id='nh4-10'>10</a>] Rappelons ici que l'idée d'une démocratie chrétienne ne fut réalisée que par une lutte à la fois contre la caste religieuse et l' Etat « progressiste », répressif et éradicateur.</p> <p>Mettre hors de la scène politique les opposants, ce n'est pas l'art de mener la politique, mais cet art consiste à appeler tous les intéressés à agir dans le cadre de l'esprit démocratique. Malheureusement, c'est bien le propre des sociétés arabes : luttes de factions, exclusions, favoritisme et combats idéologiques inutiles en lieu et place d'un but commun, d'une union nationale et d'un esprit d'appartenance commune. Comme l'avait noté un journaliste libanais Jihad el-Zein sur les pages d'Annahar : « <i>Alors que la Turquie et l'Iran de Khatami se sont lancés dans d'ambitieux projets pour réconcilier islam et démocratie, les Arabes semblent être en panne de vision politique.</i> » [<a href='#nb4-11' class='spip_note' rel='footnote' title='Pour une laïcité à l'américaine ! Jihad el-Zein, Annahar, Beyrouth, cité in : (...)' id='nh4-11'>11</a>]</p> <p>Terminons la présente partie de l'article par une réflexion de l'ancien vice-président de la CIA et l'auteur de : A Sense of Siege : The Geopolities of Islam and the West : « <i>Les islamistes font partie, dans le monde musulman, des forces qui réclament le plus activement tant la démocratie que les droits humains. Pourquoi ? Parce qu'ils sont souvent les premières victimes de leurs absences. Ils sont devenus plus profondément conscients de ce que ces principes signifient pour eux et pour la société. Mais, si les islamistes accédaient eux-mêmes au pouvoir, mettraient-ils nécessairement ces idéaux en pratique ? Ce n'est pas évident, non parce que l'islam y serait, par principe, hostile, ainsi en raison de l'absence ou de la faiblesse des traditions démocratiques. C'est cette tradition qui détermine la façon dont les acteurs et les partis agiront à l'avenir. De ce point de vue, il n'existe pas une grande différence entre les forces islamistes et les autres.</i> » [<a href='#nb4-12' class='spip_note' rel='footnote' title='Des puissantes forces modernisatrices, Graham Fuller, manière de voir n؛64 (...)' id='nh4-12'>12</a>]</p> <p><strong>De « l'Autre qui ne nous aime pas ! »</strong></p> <p>Pour les teneurs de l'ordre mondial, la démocratie en dehors des frontières occidentales doit être amicale, c'est à dire soumise aux intérêts occidentaux sous peine d'être sabotée quitte de bafouer les traités bilatéraux, signés entre les chancelleries occidentales et les régimes dictatoriaux du Sud, en matière de respects des droits de l'homme. C'est la logique même des rapports Nord-Sud que nos intellectuels doivent saisir la logique, puis dévoiler et dénoncer. Vouloir blanchir l'Occident officiel, celui des Etats et des institutions financières et économiques, de sa responsabilité comme soutien des dictateurs asphyxiant notre quotidien n'est qu'une hypocrisie déguisée. L'intégrité intellectuelle nous impose d'appeler les choses par leur nom. Si c'est parce qu'on profite des largesses occidentales, de ses salons merveilleux, de ses apéritifs, ses p'tits-fours et autres gourmandises accompagnant les soirées luxueuses durant lesquelles on s'adonne au « strip-tease humanitaire », qu'on s'efforce alors de dissimuler la responsabilité des Etats occidentaux dans leur soutien logistiques et autre à Zaba, dans la formation de ses tortionnaires qui torturent nos frères et sœurs et affament des milliers de familles tunisiennes, on devient alors les complices du crime et des simples gardiens du temple de la désinformation. Si c'est parce qu'on veut passer pour un(e) tolérant(e), ouvert(e), modéré(e) et dépouillé(e) de ce complexe qui honte l'esprit de notre élite, qu'est le repli « anti-occidentale », qu'on se permet de falsifier l'histoire et de dire n'importe quoi afin de plaire aux fines oreilles bourgeoises, il valait mieux déclarer notre faillite auprès du peuple et de la jeunesse qui attendent une élite courageuse, désintéressée, pertinente et perspicace dans son traitement avec ce monde injuste qu'on veut nous imposer par la force des armes, de l'argent et de l'acculturation.</p> <p>Et si cet « Autre » travaille vraiment contre la volonté de libération de notre peuple et contribue activement, par le biais de ses moyens financiers et politiques, à faire perdurer la tyrannie qui assiège nos aspirations à la liberté et à la démocratie, ne faudrait-il pas le dire, le crier et le redire et non se taire sous le faux prétexte de vouloir assumer notre propre responsabilité en innocentant l'un des principaux complices qu'est le système mondial.</p> <p>L'Occident officiel avec ses Etats, ses banques dites de développement, ses dettes envenimées et ses « boites à pensée » est l'un des pôles de la domination ; la dictature tunisienne et celle des autres pays arabes ou africains ne sont que des maillons, des comptoirs locaux affiliés au despotisme global qui marginalise et exclue des centaines de millions d'être humains. Que l'en déplaise aux « maîtres du monde », à leurs idéologues et à notre élite qui caresse l'injustice mondiale dans le sens du poil : L'Occident officiel, à l'inverse de ses sociétés civiles, ses intellectuels intègres et ses défenseurs des droits de l'Homme engagés aux côtés des peuples non-occidentaux, est le « boss » de la dictature tunisienne.</p> <p>Le mythe de l'éternel complot, le fait de se sentir constamment la victime de l'impérialisme, du sionisme, ou de l'Occident en général cet Autre de toujours a, certes, contribué à paralyser l'effort intellectuel des Arabes et surtout l'engagement politique des populations. Mais de là à nier toute responsabilité, d'ailleurs flagrante, de l'Occident -responsabilité que même les intellectuels occidentaux intègres reconnaissent- est aussi une tromperie qui veut nous faire avaler cette perpétuelle innocence de l'Occident. Les bonnes intentions d'un monde qui lui-même bénit la sacro-sainte loi du gain et du profit, du consumérisme déréglé et de l'individualisme destructeur ne peuvent pas être vendues chez-nous par la culture de notre élite qui, pour emprunter le terme de Jacques Brel, a « mal aux dents ». Il est bien de modérer les excès, de les combattre, mais cela ne doit pas être envelopper par la création d'autre excès, d'autres mythes encore plus néfastes : faire confiance aux « bonnes intentions » de l'occident officiel au risque de bâtir des démocraties sans peuples.</p></div> <hr /> <div class='rss_notes'><p>[<a href='#nh4-1' id='nb4-1' class='spip_note' title='Notes 4-1' rev='footnote'>1</a>] Amos Perlmutter, « Islam et démocratie ne sont tout simplement pas compatibles », International Herald Tribune, Paris, 21 janvier 1992, cité dans : « le monde arabe orphelin de la démocratie », Gilbert Achcar, Le Monde diplomatique, juin 1997.</p> <p>[<a href='#nh4-2' id='nb4-2' class='spip_note' title='Notes 4-2' rev='footnote'>2</a>] El Pais, Madrid, 22 avril 2003, cité in : Néo-impérialisme, Ignacio Ramonet, Le Monde diplomatique, mai 2003.</p> <p>[<a href='#nh4-3' id='nb4-3' class='spip_note' title='Notes 4-3' rev='footnote'>3</a>] Le Choc des civilisations, Samuel P. Huntington, Editions Odile Jacob, 1997, Paris, p. 216.</p> <p>[<a href='#nh4-4' id='nb4-4' class='spip_note' title='Notes 4-4' rev='footnote'>4</a>] La Tunisie ne vit pas un cauchemar, par Mezri Haddad, Le Monde du 06 février 2001.</p> <p>[<a href='#nh4-5' id='nb4-5' class='spip_note' title='Notes 4-5' rev='footnote'>5</a>] Irak : sous la tyrannie, la théocratie, par Giovanni Sartori, Courrier International n؛653 du 7 mai 2003.</p> <p>[<a href='#nh4-6' id='nb4-6' class='spip_note' title='Notes 4-6' rev='footnote'>6</a>] Opinion concernant la réunion d'Aix-Marseille, Lecteur Assidu, <a href="http://www.tunezine.com/" class='spip_url spip_out' rel='nofollow external'>www.tunezine.com</a>, le 21 mai 2003</p> <p>[<a href='#nh4-7' id='nb4-7' class='spip_note' title='Notes 4-7' rev='footnote'>7</a>] ہ qui le tour, Béchir Ben Yahmed, L'Intelligent n؛ 2133, du 27 novembre 2001.</p> <p>[<a href='#nh4-8' id='nb4-8' class='spip_note' title='Notes 4-8' rev='footnote'>8</a>] Propos de la responsabilité de l'intellectuel, Interview exclusive de Hichem Jaït, Alternatives citoyennes, n؛1, du 28 avril 2001.</p> <p>[<a href='#nh4-9' id='nb4-9' class='spip_note' title='Notes 4-9' rev='footnote'>9</a>] Cité in : En Iran, Islam contre islam, , Eric Rouleau, Le Monde diplomatique, juin 1999.</p> <p>[<a href='#nh4-10' id='nb4-10' class='spip_note' title='Notes 4-10' rev='footnote'>10</a>] Concilier démocratie et conviction religieuse ? Par Gustav Seibt, Süddeutsche Zeitung, Munich, cité in : Courrier International n؛ 628 du 14 novembre 2002.</p> <p>[<a href='#nh4-11' id='nb4-11' class='spip_note' title='Notes 4-11' rev='footnote'>11</a>] Pour une laïcité à l'américaine ! Jihad el-Zein, Annahar, Beyrouth, cité in : Courrier International n؛ 628 du 14 novembre 2002.</p> <p>[<a href='#nh4-12' id='nb4-12' class='spip_note' title='Notes 4-12' rev='footnote'>12</a>] Des puissantes forces modernisatrices, Graham Fuller, manière de voir n؛64 (Islam contre Islam).</p></div> « McMonde » https://www.reveiltunisien.org/spip.php?article635 https://www.reveiltunisien.org/spip.php?article635 2003-05-28T16:32:38Z text/html fr Sami Ben Gharbia alias Chamseddine « McMonde » « Où finit la culture et où commence le commerce ? - Je dois plaider l'incompétence en la matière. » « L'entrée dans l'ère post-coloniale inverse dans l'ensemble du système des Nations unies le rapport de forces entre les pays du Sud et ceux du Nord. L'Unesco devient l'épicentre des débats sur l'échange inégal et l'« impérialisme culturel ». » Les mythes ne sont pas l'apanage des seules sociétés archaïques, là où la raison cartésienne avait échoué à se frayer un chemin dans l'imaginaire collectif et là (...) - <a href="https://www.reveiltunisien.org/spip.php?rubrique2" rel="directory">Agora</a> <div class='rss_texte'><p>« McMonde » [<a href='#nb5-1' class='spip_note' rel='footnote' title='Le terme est tiré d'un article de Benjamin Barber « Djihad vs. McWorld : (...)' id='nh5-1'>1</a>]</p> <p>« Où finit la culture et où commence le commerce ? - Je dois plaider l'incompétence en la matière. » [<a href='#nb5-2' class='spip_note' rel='footnote' title='propos du négociateur en chef de la Zone de libre-échange des Amériques à la (...)' id='nh5-2'>2</a>]</p> <p>« L'entrée dans l'ère post-coloniale inverse dans l'ensemble du système des Nations unies le rapport de forces entre les pays du Sud et ceux du Nord. L'Unesco devient l'épicentre des débats sur l'échange inégal et l'« impérialisme culturel ». » [<a href='#nb5-3' class='spip_note' rel='footnote' title='Art et argent, histoire d'une soumission, par Armand Mattelart, Le Monde (...)' id='nh5-3'>3</a>]</p> <p>Les mythes ne sont pas l'apanage des seules sociétés archaïques, là où la raison cartésienne avait échoué à se frayer un chemin dans l'imaginaire collectif et là où le positivisme a perdu sa bataille contre les fiefs de la superstition, des croyances religieuses ou même des divagations des fous et du fétichisme des marabouts et des grigri man. Les sociétés même les plus « avancées » constituent, elles aussi, une proie facile à un autre genre de mythes, plus sophistiqués et plus difficiles à vaincre que les mythes anciens faits de racontars, de contes, de croyances non fondées et d'amulettes. Les sociétés post-modernes ont fabriqué leurs grigri men, ces professionnels de la communication, cet art de façonnage et de manipulation de l'esprit humain.</p> <p>Le développement, les valeurs universelles, la culture universelle, la mode, le chauvinisme scientifique, la modernité, la liberté, l'égalité, la fraternité et presque tous les « …ités » sont les mythes qui accablent l'homme dit moderne, surtout celui qui a été dénommé « non-développé » ou « en-voie-de-développement » puisque avec ces deux derniers le mythe s'est transformé en un fantasme obsédant, puis en une hantise maladive presque incurable. Dans sa présentation d'un livre qui trace la formation de l'un de ces mythes modernes les plus nuisibles, celui qui a saccagé tout le continent africain et le monde arabe, qu'est le développement, [<a href='#nb5-4' class='spip_note' rel='footnote' title='« Développement. Histoire d'une croyance occidentale de Gilbert Rist Press de (...)' id='nh5-4'>4</a>], Silvia Perez-Vitoria nous apprend que : « De la déclaration des institutions internationales de développement à l'émergence des ONG, les doctrines se sont succédé comme autant de métamorphoses d'un même mythe. Les fidèles n'ont cessé de s'accrocher à une espérance collective, celle du bien-être matériel généralisé, refusant de voir une réalité faite de destructions, de croissance des inégalités et d'extension de la misère.(…) Le développement est devenu une réalité virtuelle à laquelle on feint de croire pour donner un sens aux pratiques sociales. » [<a href='#nb5-5' class='spip_note' rel='footnote' title='manière de Voir n؛58 p.76.' id='nh5-5'>5</a>] La mission première des mythes modernes comme ceux anciens est de perpétuer le statu quo, de prévenir la rébellion contre l'ordre dominant, de maintenir une croyance collective en des principes, des enseignements, des recettes trompeuses et des valeurs irréels et inexistants dans le temps et l'espace réellement vécu. Comme les drogue, ils sont : « des paradis artificiels » selon le terme de Baudelaire, faites d'illusions, et d'une consommation destructrice du quotidien. « nous ne sommes pas devenus modernes ; nous sommes devenus des consommateurs de produits modernes »avait un jour averti l'intellectuel iranien Ali Chariati dans son brillante étude « Civilisation et modernisation ».</p> <p>Y a-t-il de différence entre un cheikh rétrograde dans les montagnes afghanes et un scientifique ou économiste ou professionnel de marketing ou de communication dans les plus hautes universités ou entreprise américaine si l'un comme l'autre ne font que consolider son système respectif, son vérité spécifique, ses enseignements « véridiques et vérifiés » et sa propre « Voie de la Raison » ? L'un domine au nom de la charia, l'autre au nom de la raison et l'autre au nom du capital. Tous visent à faire perdurer leur système de pensée, leur façon de vivre, leur puritanisme crispé ou leur american way of life déréglé par le truchement d'une armada de mythes forgeant le sentiment d'appartenance et de supériorité. « Le mythe n'a alors aucune pertinence objective ; il continue à exister seulement à travers l'effort de la communauté des croyants et de leurs guides, qu'ils soient prêtres ou prix Nobel. » [<a href='#nb5-6' class='spip_note' rel='footnote' title='Contre la méthode, Paul Feyerabend, ةditions du Seuil, 1979, p. (...)' id='nh5-6'>6</a>]</p> <p>Une seule chose différencie le cheikh afghan de l'universitaire américain et fait qu'ils s'affrontent : la logique de la domination ; l'un est dominant, l'autre dominé. L'un menace le système mondial, ce McMonde, par sa résistance religieuse « barbare » à l'invasion de la « modernité », par la volonté mortifière de survie de son identité qu'on nomme communément Jihad. L'autre menace par son ingérence morale et idéologique, par sa machine militaire écrasante, par ces capitaux fluides et sa recherche « barbare » de gains et de profits. « Le McMonde reste certainement le plus formidable rival du Jihad (…) et Même si le McMonde parvient finalement à intégrer le monde commercialement, rien ne garanti qu'il le rendra plus démocratique ou respectueux des droits. » [<a href='#nb5-7' class='spip_note' rel='footnote' title='Benjamin Barber, « Face à la retribalisation du monde », Esprit, juin (...)' id='nh5-7'>7</a>]</p> <p>L'unité de mesure du temps pour le musulman est l'instant, avait dit un jour l'un des piliers oubliés de la culture universelle : l'Imam Ali « Chaque époque a des circonstances si propres à elle-même, elle est un état si individuel qu'elle doit nécessairement décider en elle-même et à partir d'elle-même et que c'est seulement ainsi qu'on peut décider » disait Hegel de sa part dans sa philosopihe de l'histoire. [<a href='#nb5-8' class='spip_note' rel='footnote' title='Hegel, Philosophie der Geschichte, in Werk, Berlin, ةditions Edward Gans, (...)' id='nh5-8'>8</a>] L'époque dans laquelle nous nous trouvons, actuellement, cet instant, est ce qui compte vraiment. Et c'est elle qui devrait être le critère de notre vision du monde contemporain et non pas les valeurs dites universelles issues de la révolutions française ou des l'ère des lumières dont la conséquence directe, qu'on oubli toujours, était le colonialisme ou la destruction de l'être non européen. Nous sommes les fils et les filles de l'instant et cet instant, cet « état si individuel » qui caractérise notre monde d'aujourd'hui est régi par le principe de la domination et non par celui du droit, de la liberté et de la démocratie. Les relations internationales sont une arène proprement dite où le plus fort mange le plus faible et où le plus riche use du mensonge comme arme de dissuasion intellectuelle contre tout ce qui a un penchant à la résistance. L'empire des médias, ce temple qui entretien le mythe de la liberté de l'information, nous voile les ravages que provoque l'empire du capital dans le monde. Les brèves de l'information, dans cette ère où les moyens de communications sont les secteurs qui profitent le mieux des avancées de la science, ne nous rapportent des quatre coins du monde que des faits explosifs alors que le principe même de la science qu'est la causalité nous est délibérément soustrait.</p> <p>Revenons maintenant à l'un des mythes qui m'a poussé à écrire cet article et qui est « la culture universelle ». Que voulons-nous dire par culture universelle ? Est-ce le fait d'aller dîner dans restaurant chinois, d'entendre une fois par an un rythme africain, de mangé un couscous maghrébin ou un sandwich felefil égyptien peuvent-être considérés comme des exercices de la culture universelle ? Quel est notre part, nous autres arabo-musulmans, dans cette culture universelle à part des êtres mythiques consacrant la même image de cet Orient du fantastique à l'instar de Shéhérazade et ses créatures comme Aladin, Ali Baba et Sindbad, le Simorgh… ? Qu'elle place occupe notre culture, à côtés de la culture africaine, asiatique, latino-américain, amérindienne, russe ou même est-européenne dans la culture universelle, celle du simple consommateur, comme nous le sommes dans le domaine de la science, de la technique, et de l'économie et de l'art ou au contraire des pourvoyeurs d'une portion universelle de la culture, renouvelée, entreprenante et réellement présente dans l'esprit du citoyen du monde, cet être qui aspire occuper le rôle du dépositaire de cette culture universelle ? La culture universelle n'est-elle pas en fait la culture occidentale globalisée avec une retouche d'occidentalisation des quelques apport non-occidentaux des autres cultures ? Hollywood n'a-t-il pas parvenu à réinventer Aladin et Sindabad, et le conte Hay Ibn Yaqdhan ( Le Vivant Fils du Vigilant) du philosophe Ibn Toufayl(Aboubacer) devenu Robinson Crusoe et son ami Vendredi ? Ibn Sina (Avicenne), Ibn Rochd (Averroès), Ibn Toufayl (Aboubacer), Ibn Badjdja (Avempace), Ibn al-Haythem (Alhazen) et d'autres philosophes, médecins, atronologues, mathématiciens et musulmans n'ont-ils pas perdu l'originalité arabe de leur nom au point que rares sont les personnes qui réalisent leur vrai apport dans la construction de la civilisation humaine et surtout dans le domaine du rationalisme réformateur de la raison religieuse qu'on veut rendre une trouvaille de la raison gréco-latine ? Pourquoi a-t-on modifié leurs noms arabes, occulter et rejeter leur contribution dans la formation de la culture universelle ? « Les deux moments mythiques de la première construction européenne, disons de sas fondation culturelle - la Renaissance et les Lumières-, ont un point commun : la haine de l'Orient et l'arabophobie. » [<a href='#nb5-9' class='spip_note' rel='footnote' title='Fractures en méditerranée, Alain de Libera, manière de voir n؛64, (...)' id='nh5-9'>9</a>]</p> <p> Sans la reconnaissance de l'égale dignité et de l'égale valeur des différentes cultures humaines aucune culture universelle ne peut éclore dans l'esprit de l'Homme moderne. Tant que l'un impose aux autres la règle du jeu culturel, la circulation de l'information, et défini pour tout un chacun et de la façon la plus totalitaire la bonne et la mauvaise culture on ne peut pas parler de culture universelle ni de valeurs universels mais de domination culturelle, d'acculturation, d'aliénation. « Nous sommes tous assis chacun dans son passé /Le comptant sur les doigts par crainte de l'oubli/Et lorsque l'un dit Je l'autre Que veux-tu dire ? » [<a href='#nb5-10' class='spip_note' rel='footnote' title='Aragon, Le fou d'Elsa, ةditions Gallimard, 1963, p. 276' id='nh5-10'>10</a>] Il n'y a pas de culture universelle proprement dite si un inter échange équilibré n'est pas assuré entre les diverses cultures humaines. S'ouvrir uniquement sur la culture occidentale sous prétexte que c'est le meilleur exemple de l'ouverture culturelle n'est que la continuation de cette même aliénation, fille adoptive de la colonisation qu'est l'acculturation.</p> <p>Revenons à nous, pour ne pas être accusé de repli anti « occidental » ou de crispation identitaire. Nous Tunisiens, tant que nous ne réintégrons pas notre identité arabo-musulmano-afro-méditérranéenne nous serions la victime de nous-même, de notre propre ostracisme. Tant que nous continuons à inscrire notre histoire selon le calendrier chrétien, tant qu'on chôme selon les fêtes judéo-chrétiennes, qu'on célèbre Noël et le nouvel an chrétien- mais jamais l'an chinois ou musulman ou le Neyrouz kure et persan-, et qu'on fête le saint valentin et la sainte Sophie, qu'on se réfugie dans une langue étrangère, bref qu'on se noie dans la culture occidentale pouvait-on prétendre appartenir à une culture universelle ? Pourquoi écrivons-nous en français et persistons à vouloir toucher le peuple, à l'appeler à assumer sa citoyenneté, alors que nous savons que la majorité de notre peuple préfère lire en arabe ? « Se résigner à écrire dans une autre langue que celle de la majorité de la nation, c'est perpétuer le fossé entre [l'écrivain] et la rue, entre le menu peuple et les privilégiés de l'argent ou de la culture. Les conséquences ne sont pas seulement d'ordre moral : la mise à l'écart culturelle de la majorité d'un peuple a, très probablement, des résultats socialement et économiquement néfastes. » [<a href='#nb5-11' class='spip_note' rel='footnote' title='Fractures en méditerranée. Op.cit.' id='nh5-11'>11</a>]</p> <p>Qui est bête en fait, l'élite ou le peuple ? Sommes-nous des citoyens ou un perpétuel indigénat fidèles prisonniers de l'état de la « négritude » ? Qui est le vrai acculturé, l'ensorcelé par les « lumières de Paris », par le mythe de la métropole, l'élite ou le peuple ? « Paris [ pour ne citer que cet exemple] continu à exercer sa despotique fascination sur quiconque parle français, et même sur ceux qui ne le parlent pas. » [<a href='#nb5-12' class='spip_note' rel='footnote' title='La patrie littéraire du colonisé, par Albert Memmi, Le Monde diplomatique (...)' id='nh5-12'>12</a>]</p> <p> Peut-on aujourd'hui en Tunisie revendiquer le week-end islamique du jeudi/vendredi ou le calendrier musulman sans être taxer d'intégristes ou d'obscurantistes ? N'est-il pas en notre droit et devoir de récupérer les éléments symboliques de notre identité, ceux-même qui forment les fondements de notre appartenance à une spécificité culturelle en extinction, même si cela paraît outrancier aux yeux de notre trop progressiste élite toujours en décalage par rapport à la réalité ? « Nous voici devant ce troublant problème de l'identité collective (trop important pour l'évoquer longuement) et qui obsède tant de jeunes nations : pour réussir l'unification d'un peuple, sa constitution en nation moderne, ne faut-il pas postuler quelque profonde identité commune. » [<a href='#nb5-13' class='spip_note' rel='footnote' title='Ibid.' id='nh5-13'>13</a>] Peut-on aujourd'hui appeler à la relecture d'Ibn Arabi, d'Ibn Rochd, d'Ibn Tofayl, de Djalaleddine Roumi, de Mansour Hallaj, de Omar Khayyam voir du Coran et de la tradition prophétique ou mystique sans risquer les foudres de nos compatriotes, épris de la culture universelle version occidentale ? Peut-on vraiment revendiquer une renaissance lorsque notre gigantesque héritage culturel, philosophique, moral, mystique et juridique nous est totalement dérobé ? Allons-nous débuter par le zéro présent et interrompre notre contact avec ce passé millénaire ou continuer le long chemin de la formation de la raison musulmane ou arabe, qui est certes en crise mais qui n'a jamais cessé d'habiter l'esprit de nos peuples ? « Aujourd'hui encore, les musulmans ne savent pas comment parler de cet âge d'or [l'âge classique de la pensée islamique du VIIe au XIIIe siècle] car il existe un retard considérable de la recherche historique islamique. Incapables de comprendre notre héritage, nous ne sommes pas d'avantage en mesure de dialoguer sur un pied d'égalité avec les Européens en vue de la fondation de nouvelles valeurs. L'Islam contemporain a aussi oublié les brides de la modernité que les intellectuels islamique, et plus particulièrement arabes, ont tenté d'integrer au cours de la période qui, au XIXe siècle, a été appelé « la Renaissance ». Cet oubli s'explique largement par le fait que la modernité a eu un impact négatif sur les colonies, puisqu'elle a associé à ses apports bénéfiques une domination et une dénégation des cultures. » avait noté l'éminent Mohammed Arkoun dans un intervention à l'Unesco, le 8 décembre 2001 à propos des Dialogues du XXIe siècle. [<a href='#nb5-14' class='spip_note' rel='footnote' title='Mohammed Arkoun, Islam et Europe : mortelle amnésie, le Monde du 14 décembre (...)' id='nh5-14'>14</a>] Sans un puissant retour réformateur aux sources, sans une lecture actualisée du passé ne risque-t-on pas de déposséder notre nation, encore fragile, des ressources de sa tradition dont elle a le plus grand besoin ?</p> <p>Nous priver de notre passé, comme le veulent certaines réformes louche de l'éducation - à l'instar de celle introduite par M. Charfi-, de cette culture qui nous est devenue à l'aune des jours étrangère, constitue le moyen le plus subtile de stériliser toute évolution de notre présent et reproduire inlassablement le même cycle de domination qui depuis des siècles nous aliène. Le système économique, politique et, surtout, culturel actuel conduit inéluctablement à la destruction de tout ce que nous possédions comme bien moraux et matériaux sur l'autel de l'hypercosummérisme occidental. La mondialisation de la misère et l'occidentalisation du confort, du progrès et de la liberté est la seule réalité vécue, le miroir du monde. Alors que les valeurs dites universelles ne sont que des cadavres inanimées, des momies d'un temps qui n'a jamais existé en dehors des murs de la citadelle Occident. « Aujourd'hui c'est le reste du monde, que l'on n'appelle même plus tiers-monde, qui est réduit à l'état de résidu. » Questionnons le mythe du libre-échange, est-ce que le protectionnisme américain ou la subvention de l'agriculture européenne sont compatibles avec les normes imposées par les institutions économiques dites « mondiales » aux pays du sud ? Questionnons le mythe du droit à la santé, est-ce que les multinationales pharmaceutiques respectent la déontologie du métier lorsque tout le continent africain est l'otage de sa situation de patient privé de médicaments ? Questionnant le mythe de la culture universelle, l'art et la culture, est-ce que la production cinématographique, littéraire et artistique du tiers-monde sont capable de concurrencer ceux du Nord et surtout ceux de l'épicentre américain ? Questionnons le mythe de la liberté, est-ce que les peuples du sud ont droit à la liberté de mouvement, de passages des frontières, de parole…etc. questionnons le mythe du droit international, est-ce que les relations internationales sont soumises aux mythes des valeurs universelles de démocratie, de liberté et des droits humains ou à la loi de la jungle. Le système mondial actuel dans lequel nous occupons en tant que populations arabo-musulmanes, à côtés d'autres peuples de la planète, la place de dominés n'est ni réformable, ni remédiable ; il est à détruire, à défaire et à refaire. Notre part de paresse intellectuelle, d'acculturation ou d'ânerie ( Istihmâr) selon le terme de l'intellectuel iranien Ali Chari'ati sont aussi à détruire. Et, c'est par la destruction de ces mythes ultramodernes qui sont parvenu à aveugler notre raison que commence le chemin de la libération de cet ordre de l'inhumain. Nous menons une guerre à double front, sur le premier nous affrontons les fiefs de l'ignorance, notre ignorance de nous-même, de la mainmise de cette interprétation périmée de la religion sur nos têtes, de la culture de la soumission « fataliste et fatalisante » aux diverses structures de domination ; sur l'autre front nous affrontons les mythes modernes qui veulent hypothéquer à l'infini notre avenir et notre esquisse de l'avenir.</p> <p>Les crispations identitaires, les retours aux sources et les souffles nationalistes ne sont que la traduction de la perte de prestige et le désenchantement à l'égard des valeurs occidentales de liberté, de droit de l'homme et de démocratie que l'occident ne les respecte pas lorsqu'il agit avec les autres nations et cultures. S'accrocher, comme nous sommes en train de faire, à la seule bouée de la culture dite universelle dont les chemin ne mènent qu'a Rome, c'est à dire à cette appétit de l'Empire qui obsède tant les architectes du McMonde ne peut pas être considéré comme attachement à la culture universelle mais une soumission fataliste à l'universalisation de la culture occidentale et à cette uniformisation des être humains qui tend à faire de nous les sujet d'une civilisation morte, d'une langue morte et d'une culture morte. « L'Amérique enjambe le monde comme un colosse (…). Depuis que Rome détruisit Carthage, aucune autre grande puissance n'a atteint les sommets où nous sommes parvenu. » [<a href='#nb5-15' class='spip_note' rel='footnote' title='Rêves d'empire, par Philip S. Golub, manière de voitr n؛60, p.14.' id='nh5-15'>15</a>] Même si on feint d'oublier qu'entre l'empire de Rome et celui rêvé par les américains un autre empire avait bel et bien existé, que la conscience occidentale veut toujours omettre, celui de l'Islam, nous en tant que fils de cet islam, même sans un présent considérable, nous résisterons pour que ce nouvel empire n'effacera pas notre projet de renaissance. Et même si Ronald Reagan, l'un des architectes, à côté de Thatcher, du néolibéralisme, ce puissant mythe qui, depuis les années quatre-vingt, nous promet confort et démocratie avait prétendu que « Nous [américains] voulions changer une nation et nous avons changé le monde » [<a href='#nb5-16' class='spip_note' rel='footnote' title='La défaite du Sud, par Serge Halimi, manière de voir n؛58, p. 83.' id='nh5-16'>16</a>], nous le disons à la manière d'un proverbe dont j'ignore l'origine : « Nous faisons ces choses[ la résistance culturelle et identitaire]non pour changer le monde mais pour empêcher qu'il ne nous change. »</p> <p>Cette apparente crispation identitaire et cette revendication du retour à nous-même nous ne prive pas pour autant de promouvoir notre culture musulmane, universelle et humaniste, ouverte à toutes les communautés vers la construction du rêve suprême islamique qu'est l'Homme Universel « al-insan al-kamel » qu'avait traité Al-Jilli dans son livre portant le même nom et reprise après lui par Ibn Arabi et le reste des mystiques et philosophes de la sagesse orientale ou la « théosophie ». C'est à l'intérieur de l'Homme Universel que tous les états possibles de l'être, ensommeillés dans la plupart des hommes, se réalisent. Il est l'archétype de la création qui avec son union avec l'Un atteint ce que Sohravardi, le grand mystique et poète iranien , maître de la philosophie illuminative (Falsafat al-ichrâq), appelle le non-lieu ( Na Kôja Abad ) qui en même temps contient tous les autres lieux imaginables et non imaginables, - conception de l'être qu'Henry Corbin a amener en Occident.</p> <p>Nous laissons à un autre article le traitement de cette aspect musulman de la culture universelle et son produit singulier qu'est l'Homme Universel ou le citoyen du monde version musulmane pour terminer par ce beau vers d'Ibn Arabi, l'un des représentants les plus magnifiques de l'Homme Universel - qui détint encore le record de la production intellectuelle jamais effectuée par un être humain : plus que huit cent cinquante ouvrages- :</p> <p>« Mon cœur est capable de toutes les formes. C'est une pâture pour les gazelles, un couvent pour les moines chrétiens, un temple pour les idoles, la Kaaba du pèlerin, les Tables de la Loi mosaïque et le livre du Coran. Je me lie par la religion de l'amour. Quelle que soit la route que prennent ses courtiers ! L'amour est ma religion, l'amour est ma foi. » [<a href='#nb5-17' class='spip_note' rel='footnote' title='Ibn Arabi, Tarjumân al-ashwâq (L'Interprète des désirs), Beyrouth, 1961, p. (...)' id='nh5-17'>17</a>]</p> <hr class="spip" /></div> <hr /> <div class='rss_notes'><p>[<a href='#nh5-1' id='nb5-1' class='spip_note' title='Notes 5-1' rev='footnote'>1</a>] Le terme est tiré d'un article de Benjamin Barber « Djihad vs. McWorld : mondialisation, tribalisme et démocratie. », Futuribles, n؛170 novembre 1992 : « Des forces économiques et écologiques qui exigent l'intégration et l'uniformité et qui hypnotisent le monde à coup de hard rock, d'ordinateurs surpuissants, de fast food, de MTV, Macintosh et MacDonald, en serrant les pays dans un réseau mondial commercialement [donc culturellement] homogène : un McMonde relié par la technologie, l'écologie, les communications et le commerce »</p> <p>[<a href='#nh5-2' id='nb5-2' class='spip_note' title='Notes 5-2' rev='footnote'>2</a>] propos du négociateur en chef de la Zone de libre-échange des Amériques à la veille du sommet de Québec (avril 2001).</p> <p>[<a href='#nh5-3' id='nb5-3' class='spip_note' title='Notes 5-3' rev='footnote'>3</a>] Art et argent, histoire d'une soumission, par Armand Mattelart, Le Monde diplomatique, septembre 2001.</p> <p>[<a href='#nh5-4' id='nb5-4' class='spip_note' title='Notes 5-4' rev='footnote'>4</a>] « Développement. Histoire d'une croyance occidentale de Gilbert Rist Press de Sciences-Po, Paris, 1977.</p> <p>[<a href='#nh5-5' id='nb5-5' class='spip_note' title='Notes 5-5' rev='footnote'>5</a>] manière de Voir n؛58 p.76.</p> <p>[<a href='#nh5-6' id='nb5-6' class='spip_note' title='Notes 5-6' rev='footnote'>6</a>] Contre la méthode, Paul Feyerabend, ةditions du Seuil, 1979, p. 46.</p> <p>[<a href='#nh5-7' id='nb5-7' class='spip_note' title='Notes 5-7' rev='footnote'>7</a>] Benjamin Barber, « Face à la retribalisation du monde », Esprit, juin 1995.</p> <p>[<a href='#nh5-8' id='nb5-8' class='spip_note' title='Notes 5-8' rev='footnote'>8</a>] Hegel, Philosophie der Geschichte, in Werk, Berlin, ةditions Edward Gans, 1837, vol. 9, p.9.</p> <p>[<a href='#nh5-9' id='nb5-9' class='spip_note' title='Notes 5-9' rev='footnote'>9</a>] Fractures en méditerranée, Alain de Libera, manière de voir n؛64, p.12.</p> <p>[<a href='#nh5-10' id='nb5-10' class='spip_note' title='Notes 5-10' rev='footnote'>10</a>] Aragon, Le fou d'Elsa, ةditions Gallimard, 1963, p. 276</p> <p>[<a href='#nh5-11' id='nb5-11' class='spip_note' title='Notes 5-11' rev='footnote'>11</a>] Fractures en méditerranée. Op.cit.</p> <p>[<a href='#nh5-12' id='nb5-12' class='spip_note' title='Notes 5-12' rev='footnote'>12</a>] La patrie littéraire du colonisé, par Albert Memmi, Le Monde diplomatique septembre 1996.</p> <p>[<a href='#nh5-13' id='nb5-13' class='spip_note' title='Notes 5-13' rev='footnote'>13</a>] Ibid.</p> <p>[<a href='#nh5-14' id='nb5-14' class='spip_note' title='Notes 5-14' rev='footnote'>14</a>] Mohammed Arkoun, Islam et Europe : mortelle amnésie, le Monde du 14 décembre 2001.</p> <p>[<a href='#nh5-15' id='nb5-15' class='spip_note' title='Notes 5-15' rev='footnote'>15</a>] Rêves d'empire, par Philip S. Golub, manière de voitr n؛60, p.14.</p> <p>[<a href='#nh5-16' id='nb5-16' class='spip_note' title='Notes 5-16' rev='footnote'>16</a>] La défaite du Sud, par Serge Halimi, manière de voir n؛58, p. 83.</p> <p>[<a href='#nh5-17' id='nb5-17' class='spip_note' title='Notes 5-17' rev='footnote'>17</a>] Ibn Arabi, Tarjumân al-ashwâq (L'Interprète des désirs), Beyrouth, 1961, p. 43.</p></div> Les petits Zaba de l'opposition. https://www.reveiltunisien.org/spip.php?article609 https://www.reveiltunisien.org/spip.php?article609 2003-05-21T18:39:47Z text/html fr Sami Ben Gharbia alias Chamseddine Le mécontentement est grandissant dans le milieu des jeunes intervenants sur les forums de discussions. D'un côté, ils observent avec amertume et impuissance la dérive de plus en plus autoritaire du régime, et de l'autre ils suivent les épisodes de la déroute de l'opposition tunisienne. Qu'il soit sur les pages du forum TUNeZINE ou celles de Tunisnews et de Tunisia2003, le désenchantement a laissé la place à l'exacerbation ; et l'indifférence à la colère. Avec l'information concernant la Rencontre (...) - <a href="https://www.reveiltunisien.org/spip.php?rubrique2" rel="directory">Agora</a> <div class='rss_texte'><p>Le mécontentement est grandissant dans le milieu des jeunes intervenants sur les forums de discussions. D'un côté, ils observent avec amertume et impuissance la dérive de plus en plus autoritaire du régime, et de l'autre ils suivent les épisodes de la déroute de l'opposition tunisienne. Qu'il soit sur les pages du forum TUNeZINE ou celles de Tunisnews et de Tunisia2003, le désenchantement a laissé la place à l'exacerbation ; et l'indifférence à la colère. Avec l'information concernant la Rencontre d'Aix-en-Provence, il est devenu de plus en plus pénible de dissimuler le désarroi, voire le découragement, chez tous ceux qui avaient espéré voir s'amorcer un front de salut national. Hâtée, mal informée, louche, mais porteuse d'un rêve, peut-être trompeur, qui nous a pourtant longtemps caressés, celui de rassembler les divers partis et organisations de la société civile, la Rencontre, prévue pour cette fin de semaine, avait trompé plus d'un, à commencé par l'auteur de ces lignes, au point que le fameux RCDiste, Dédé, l'ange gardien du régime, assidu sur le forum de TUNeZINE, avait secoué ce qu'il a appelé ma « naïveté politique », celle de voir se rencontrer les « acteurs » de la société civile.</p> <p>A-t-on vraiment tort d'espérer une telle conciliation nationale ? Bien sûr que non. L'optimisme, même dans les moments les plus sombre, est le moteur de la vie. Pourquoi donc nous - les jeunes indépendants- considérons ces coquilles vides que sont les partis comme des cas désespérés, incapables de faire avancer les choses ? Pourquoi n'a-t-on jamais entendu parler d'un quelconque changement à la tête des partis de l'opposition tunisienne se réclamant de la démocratie ? Y a-t-il une carence au niveau des ressources humaines ou bien au niveau de la culture démocratique ? Peut-on combattre la dictature avec ses moyens ?</p> <p>Favoritisme, soif du pouvoir, insensibilité, élitisme, arrogance et prétention ne sont-elles pas les maux que partage le régime avec ceux qui sont censés le combattre ? Pourquoi, les représentants de la société civile préfèrent-t-ils être des invités d'honneur des émissions télévisés, des conférences et des colloques que d'être à l'écoute de leurs concitoyens ? Combien de fois à-t-on invité les leaders de l'opposition de venir discuter sur le forum de Tunezine ? Hormis S. Karker, M. Yahyaoui, Mondher Sfar et quelques autres rares figures de la diaspora, pourquoi le reste de ces « personnalités publiques » déclinent-ils l'invitation et refusent-ils le débat ? Est-ce que l'opinion publique internationale, et en moindre mesure les chancelleries occidentales, aux quelles ils paraissent être dévoués corps et âmes, sont plus importantes que l'opinion de la jeunesse tunisienne ? Pourquoi réservent-ils du temps à une chaîne de télévision espagnole ou à un colloque italien alors qu'ils se fâchent lorsqu'un jeune tunisien (Tsar Boris) leur pose de la façon la plus directe une série de questions qui nous concernent tous ? L'audimat, cette nouvelle obsession de l'opposition tunisienne et des représentants de la société civile, est tout sauf tunisienne, pourquoi ?</p> <p>A lire les réponses retournées de la manière la plus déchaînée et la plus désagréable au questionnaire de Tsar Boris adressé aux petits dictateurs de l'opposition, ces pastiches de Zaba, on n'a plus aucun doute sur la nature de la culture qui prévaut au sein des cercles, ô combien restreints, de ces partis ou ces « sociétés privées » selon les termes de Abdo Maalaoui [<a href='#nb6-1' class='spip_note' rel='footnote' title='Chefs des Partis de l'Opposition : C'est assez !Abdo Maalaoui (Montréal, (...)' id='nh6-1'>1</a>]. Cette coquille vide, nommée opposition tunisienne, s'abreuve de la même source que la dictature : la culture de l'autoritarisme, le culte de la personne et le mépris du peuple. La transition vers la démocratie ne peut s'effectuer sans l'ancrage des valeurs démocratiques dans les têtes même des leaders des partis et des représentant de la société civile. Comme l'a bien rappelé Abdel Wahab Hani : « ce n'est certainement pas en adoptant la culture de la dictature qu'on va pouvoir la débobiner. » [<a href='#nb6-2' class='spip_note' rel='footnote' title='Un minimum de sérieux, de respect et de transparence ne fait pas de mal, par (...)' id='nh6-2'>2</a>]. On n'a jamais vu ces étoilés de la politique descendre de leur tour pour aborder les sujets avec les jeunes des forums.</p> <p>Ghannouchi, à la tête de son parti, depuis déjà un quart de siècle, malgré ses échecs consécutifs, nous raconte encore et encore le mythe de l'Etat islamique de la Médina ; Marzouki s'emporte du questionnaire de Tsar Boris comme si un intrus avait violer son harem politico-intellectuel ; Ben Sedrine est embauchée à plein temps dans les émission télévisées pour sensibiliser l'opinion publique internationale oubliant que l'enjeu essentiel réside dans l'opinion publique tunisienne ; Hammami était plus intéressant lorsqu'il était mystifié par sa cachette et l'épisode de sa cavale surréaliste ; Charfi, encore obnubilé par les honneurs du ministère, les salons des hôtels luxueux et les mensonges de sa « pensée réformiste » n'a pas encore réalisé la gravité de son parcours comme lieutenant idéologique de Zaba.</p> <p>Les partis de l'opposition et les défenseurs des droits de l'homme qui cherchent le soutien dans les capitales européennes n'ont pas encore compris que ce chemin ne mène nulle part. C'est le chemin vers le cœur et l'esprit de la jeunesse tunisienne qui nous garantira la réussite. Et le chemin vers notre jeunesse doit se faire par le biais d'un discours jeune, vierge, hardi, désintéressé, frais et rebelle. Il faut qu'il y ait toujours quelqu'un pour répondre aux gens, puis pour évaluer les idées discutées et pourquoi pas pour faire le suivi et mettre en œuvre les suggestions émises lors des débats. Nous sommes convaincus de la nécessité d'une politique de terrain. Et si le terrain intérieur nous est interdit par Zaba, le terrain extérieur dont le terrain virtuel qu'assure Internet, nous permet d'exercer le principal droit/devoir démocratique qu'est le débat. Il faut investir dans le débat. Il est inacceptable qu'on abandonne des groupes entiers de jeunes engagés dans l'action politique, épris de l'amour de leur patrie et concernés par le sort de leur pays.</p> <p>La démocratie participative suppose d'être toujours à l'écoute des gens. Le plus important c'est que les gens puissent parler - ce qui est entrain de se produire de plus en plus-, que ceux qui se sont hissés à la tête des formations de l'opposition les écoutent et discutent avec eux. Les chefs des partis de l'opposition, ces miniature de la dictature, sont les premiers responsables de leur propre débâcle. Faire porter la responsabilité au régime de Zaba n'est qu'une tromperie d'une opposition ghettoïsée par ses propres procédés élitistes.</p> <p>Travailler pour produire une culture de refus et de dialogue. Jeter les ponts entre la vieille et la nouvelle génération de militants avant qu'il ne soit trop tard. Lire les interventions des jeunes, apprendre à les lire humblement, écrire des réponses, intervenir sur les forums de discussion. Oser poser les questions qui font mal, celles qui éveilleront les âmes de nos cités somnolentes. Oser affronter le visage de notre quotidien : la vulgarité, l'insolence et l'irrespect qui caractérisent, malheureusement, notre social. Oser réinventer la littérature politique, la littérature qui dérange, celle qui fait peur aux gardiens de l'Ordre. Ce sont là les missions primordiales des partis de l'opposition tunisienne.</p> <p>Tout peuple qui n'a pas produit une classe de révolutionnaires illuminés et courageux est un peuple condamné à la servilité et à la misère. Une classe d'intellectuelle qui n'a pas produit une culture de refus et de contestation et des penseur qui osent critiquer et mettre tout sous la lumière de la question et du doute est une classe corrompue qui se recrute au milieu des arrivistes et des dictateurs-apprentis. Notre peuple non seulement est humilié par ses gouverneurs, mais aussi par les leaders de l'opposition et les soi-disant intellectuels, ces avants-gardes de la culture des salons qui n'ont pas encore appris à aimer le peuple, à s'adresser à ses forces étouffées et à leur faire confiance. Chaque Tunisien et chaque être humain a un penchant vers la liberté et la dignité. Il faut savoir l'éveiller, le remuer et le réactiver. Comment attitrer l'attention de notre peuple qui a pourtant l'air d'être nonchalant ? C'est une question qui doit circuler entre nos cœur et nos têtes, car nous avons besoins d'ajouter une graine de sentiment à notre raisonnement et une graine de raison à nos sentiments. Nous avons besoin d'apprendre l'amour de notre prochain.</p> <p>L'histoire de l'humanité nous l'a démontré : un peuple qui n'a pas produit une élite illuminée et autocritique n'est pas apte à se redresser ; une élite qui n'a pas produit un art, une culture et un discours qui associe le peuple et s'adresse avec amour à son âme n'est pas apte à représenter la volonté de renaissance et de changement.</p> <hr class="spip" /></div> <hr /> <div class='rss_notes'><p>[<a href='#nh6-1' id='nb6-1' class='spip_note' title='Notes 6-1' rev='footnote'>1</a>] Chefs des Partis de l'Opposition : C'est assez !Abdo Maalaoui (Montréal, Canada)TUNISNEWS N° 1094 du 18.05.2003.</p> <p>[<a href='#nh6-2' id='nb6-2' class='spip_note' title='Notes 6-2' rev='footnote'>2</a>] Un minimum de sérieux, de respect et de transparence ne fait pas de mal, par Abdel Wahab Hani, le soir du 19 mai 2003.</p></div> De la parole https://www.reveiltunisien.org/spip.php?article596 https://www.reveiltunisien.org/spip.php?article596 2003-05-14T19:40:18Z text/html fr Sami Ben Gharbia alias Chamseddine Quelqu'un rentra un jour dans une maison, la mine défaite et les yeux hagards, pour demander asile. Le maître de maison lui dit : « Que se passe-t-il ? Que cherches-tu à fuir ? Ton visage est blême et tu trembles de tout ton corps. » L'homme répondit : « Pour divertir le sultan, on capture tous les ânes qui errent dehors ! - Si ce sont les ânes que l'on capture, en quoi cela te concerne-t-il ? Tu n'es pas un âne que je sache ! Ils pratiquent cette chasse avec un tel zèle et un tel manque de (...) - <a href="https://www.reveiltunisien.org/spip.php?rubrique2" rel="directory">Agora</a> <div class='rss_texte'><p>Quelqu'un rentra un jour dans une maison, la mine défaite et les yeux hagards, pour demander asile. Le maître de maison lui dit : « Que se passe-t-il ? Que cherches-tu à fuir ? Ton visage est blême et tu trembles de tout ton corps. »<br> L'homme répondit :<br> « Pour divertir le sultan, on capture tous les ânes qui errent dehors !<br> - Si ce sont les ânes que l'on capture, en quoi cela te concerne-t-il ? Tu n'es pas un âne que je sache !<br> - Ils pratiquent cette chasse avec un tel zèle et un tel manque de discrimination que je ne serais pas étonné qu'ils me prennent pour un âne ! Leur ardeur est telle qu'ils ne feront pas la différence ! »<br> (…) Sois un homme afin de ne pas tomber sous les coups des chasseurs d'ânes ! Tu n'es pas un âne ! Ne crains rien. Tu es le Jésus de ce temps ! Le quatrième ciel est plein de ta lumière. Comment ton destin pourrait-il être d'échouer dans une écurie ?</p> <p> Le Mesnevi, Djalâl al-Dîn Rûmî.</p> <p>Nous n'étions pas encor nés lorsqu'en mai 1963, peut-être par souci de prévenir la répétition du scénario du « complot de décembre 1962 » qui a failli mettre fin à son règne, Bourguiba avait changé la devise de la république tunisienne, remplaçant "Liberté, Ordre, Justice" par "Ordre, Liberté, Justice". Aussi, nous n'étions pas encore venus dans ce monde quand ce même architecte de la « nation tunisienne » avait déclaré à la manière de Louis XIV : « Le système, c'est moi ! » Néanmoins, nous étions nés, puis grandis dans une société où l'ordre prévalait à la liberté et où la justice était la première victime du Moi-système. Les jours et les années ont passé, et, contrairement à nos parents, habitués par l'épisode de la lutte pour l'indépendance à la dualité Bourguiba-Parti, nous ne nous sommes pas bien accommodés avec la trinité Bourguiba-Etat-parti. Nous étions une nouvelle génération, assoiffée de liberté, travaillés par les humiliations de la nakba et de la naksa, frustrés par l'échec du nationalisme arabe, récupérés par l'islamisme et farcis de désenchantement et d'une éternité de rêves insaisissables.</p> <p>De tout cela nous avons retenu une chose : Nous n'avions presque jamais eu le droit d'exprimer nos idées, nos sensations, nos amours et nos aversions. Nous étions timides, embarrassés, confus ; tellement nous nous étions mal habitués à la parole, à l'écriture et à l'expression. Une maléfique alliance entre l'interdit politique, le haram religieux et l'illicite social avait assiégé notre quotidien, générant un infernal cycle de prohibition et alternant le rôle de l'autorité. Nous n'osions pas dire non lorsque nous n'étions pas d'accord ; nous avions honte de dire je t'aime à la personne que nous aimions ; à la vue d'une matraque ou lorsqu'un minable policier nous abordait, nous ressentions une peur aliénante ; sur les bancs des écoles, notre voix tremblait à chaque fois que nous étions sommés de répondre à une question que venait de poser un instituteur exhibant son bâton ; nous étions résignés d'avance à la décision des autorités lorsque, ayant réussis au baccalauréat, on nous oriente vers des études qui ne collaient pas avec nos ambitions ; nos sœurs étaient obligées d'accepter le premier prétendant pour sauver ou pour bâtir un honneur familial imaginaire ; parfois nous jouions nous-même le rôle de ce même prétendant, tellement abrutis par cet impeccable système social… etc. Bref, nous étions nés à la fois prisonniers et muets. Bourguiba, qui confondait la république avec l'Etat, L'Etat avec le parti unique et le parti unique avec sa propre personne, nous racontait chaque jour l'histoire inlassable de son combat. Les directives présidentielles rythmaient nos soirées au point qu'il nous était impossible d'imaginer une Tunisie sans Bourguiba. Il était la nation, l'Etat, le parti et la patrie. Nous, cette « poussière d'individus » putréfiés, nous étions devenus des oreilles.</p> <p> « Il faut dissoudre le peuple », ce souhait exprimé par Arturo Ui de Bertolt Brecht, a été exaucé par Bourguiba puis par son successeur Zaba. Ils ont réussi à nous dissoudre en faisant de nous de simples récipients de mots. Tout en nous privant de parole, le Moi-système avait en même tant inculqué à nos oreilles la soumission auditive. La Tunisie est « Un pays où Ben Ali a mutilé l'organe le plus précieux des Tunisiens : la langue. Il n'y a plus ni cris ni chuchotements, juste des grognements muets. » [<a href='#nb7-1' class='spip_note' rel='footnote' title='Taoufik Ben Brik, A propos du feraoun el assr, le 23 Mai 2002, (...)' id='nh7-1'>1</a>] Est-il étonnant alors que les seuls moments où les Tunisiens prennent le droit à la parole c'est sous la torture ? La peur de la parole qui paralyse notre peuple et révolte notre élite n'est-elle pas en fait une peur de la torture ? Puisque la parole en Tunisie en est le plus court chemin !</p> <p>Pourtant, l'une des premières phrases savantes que nous avions appris, puis récitée à satiété, se rapportait à la parole : « L'homme est un animal qui parle » (al-insâno hayawânon nâtiq). <br> C'était ainsi que présenta l'être humain une vielle formule arabe. Par parole, les philosophes et les penseurs désignaient la raison. Tant que nous vivons, cette parole est continuellement en nous. Nous la portons perpétuellement. « La parole est la mesure de l'homme » [<a href='#nb7-2' class='spip_note' rel='footnote' title='Le livre du dedans, (fîhî mâ fîhî), Djalâl al-Dîn Rûmî,ةditions Albin Michel, (...)' id='nh7-2'>2</a>] disait Djalâl al-Dîn Rûmî « La parole est la pensée, qu'elle soit cachée ou exprimée ; et le reste est animal. Il s'ensuit que l'homme est pensée, et que le reste n'est qu'amas d'os et de veines. » [<a href='#nb7-3' class='spip_note' rel='footnote' title='Ibid, p. 289.' id='nh7-3'>3</a>] disait-il encore. Dérober la parole à l'être humain équivaut à le priver de sa pensée, c'est à dire de sa quintessence. La censure et l'absence de liberté d'expression et de réflexion sont la forme la plus primitive qui soit dans l'échelle de l'abaissement de la nature humaine. Toute entrave à la liberté d'expression, quelle soit une entrave d'ordre politique, ou religieux ou sociale tend à transformer l'homme en animal ; à rabattre sa valeur. Avec la censure, la parole devient braillement, l'homme se transforme en âne et la société en écurie. Le régime de Zaba et dans une grande mesure ceux du reste du monde arabo-musulman, sont des régimes où règne l'inhumain puisque l'exercice de la parole dans cet espace a été sacrifié, surtout depuis la construction des Etat-nations.</p> <p>Or, le pouvoir politique, sur le dos duquel on met tous les malheurs de notre quotidien, n'est pourtant pas le seul obstacle à la liberté d'expression, et donc à l'humanisme. Le puissant contrôle social, l'héritage religieux et la culture de l'autoritarisme dans toutes les échelles de la société sont une caractéristique des sociétés arabo-musulmanes.</p> <p>L'autorité du père et du frère aîné ou des deux à la fois à la maison familiale, l'autorité du mari au foyer conjugal, l'autorité de l'homme sur la femme, du patron dans le lieu du travail, du professeur dans la classe, du surveillant dans la cour des établissements scolaires, du policier à la rue, de l'imam à la mosquée, du faqih dans la structure de la raison musulmane… etc., sont les noyaux autoritaires qui exercent, chacun à sa manière, une bonne proportion de domination. L'individu est ou bien un générateur d'autorité ou bien un récepteur. Souvent on trouve qu'il est générateur et récepteur au même moment. Le champ de son autorité varie selon la géographie de son action et de sa situation sociale. L'Etat, en tant que concentration de toutes les formes, héritées et modernes, des pouvoirs gère le plus vaste champ d'exercice de l'autorité. L'Etat chez nous ne devient pas autoritaire, il l'est par nature puisque la société sur laquelle il règne est structurée par l'adhésion, presque automatique, de ses membres à une multiplicité d'autorités. L'Etat ne fait que concentrer, que monopoliser, que globaliser, la multitude d'autorités que nous avons héritées de notre histoire lointaine et contemporaine. Il est le cumul de l'autorité familiale, morale, politique, économique, religieuse, idéologique, culturelle et patriarcale. N'appelle-t-on pas nos présidents parfois de « Père de la Nation » comme pour Ataturk, d'autre de « Gardien de la religion et de la patrie » comme en ce qui nous concerne en Tunisie pour Zaba, ou encore de « l'Instructeur » comme on appelait Nasser. « Nous sommes tous des Bassel » disait un slogan écrit sur tous les murs de la Syrie après la mort accidentelle du fils de Hafez, Bassel. Face au Moi-système, la nation est toujours puérile. Dans le monde arabo-musulman il existe une volonté double : celle du peuple à devenir le fils protégé de l'Etat et celle de l'Etat voulant occuper la place du père protecteur ou du fils aîné obéissant et gentil. Nos chefs d'Etat n'adorent pas t-il poser parfois avec des petits enfants d'autres entre des hommes et des femmes âgés ?</p> <p>C'est à cause de cette fusion des autorités avec l'Etat que l'appel de Nietzsche « Là où cesse l'Etat, c'est là que commence l'homme » [<a href='#nb7-4' class='spip_note' rel='footnote' title='F. Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra, Le Livre de Poche, (...)' id='nh7-4'>4</a>] prend dans le monde arabo-musulman une valeur nouvelle. Le but le plus humain n'est pas celui qui tend à contester la forme la plus avancée du pouvoir qu'est l'Etat, mais toutes formes de domination. Cependant, chez-nous, l'Etat, en tant que monopole de la domination, ne peut être combattu qu'avec une culture, un art, un cinéma, un théâtre et une littérature capables de rendre attrayante à nos compatriotes la cause de la liberté. Peut-il y avoir en Tunisie, comme dans le reste des pays de la région, une ouverture politique vers la démocratie et le respect de la dignité humaine sans précéder notre action politique par une « transmutation de toutes les valeurs. », c'est-à-dire par une profonde action culturelle et artistique oeuvrant à saper les fondements de la culture de l'autoritarisme ? On ne résoud le problème de la dictature que si on abat, auparavant, l'une après l'autre, la série d'autorités asphyxiant notre social et répandant la culture de la soumission à tout ce qui a une forme de domination. Sans l'affirmation de l'Homme il n'y aura jamais de contestation de cette tyrannie complexe qui est parvenue à nier l'humain en nous, en nous privant de parole. Ceci dit, il est impossible d'affirmer l'humain sans l'éclosion d'une culture capable de se frayer un chemin vers l'âme du peuple et surtout celle de la jeunesse tunisienne. Le chemin qui mène au cœur de la jeunesse ne peut être qu'un chemin esthétique, habile à manier le beau. Le jargon politique est un jargon qui manque de beauté ; il est par essence incapable d'accéder aux oreilles de la jeunesse. C'est par l'art que nous serons capables d'inviter les jeunes à aimer la cause de la justice et de la liberté. « Contre le silence qui gouverne, il nous faut des « as » qui savent déployer des mots flambant neufs et faire marcher comme des fantassins le conte, la poésie, l'imagerie et la musique. Pour séduire et résister. » [<a href='#nb7-5' class='spip_note' rel='footnote' title='Taoufik Ben Brik, Ibid.' id='nh7-5'>5</a>] disait pour sa part Ben Brik.</p> <p>Mais, comme on le sait et comme l'avait bien résumé l'historien et l'islamologue tunisien Hichem Jaït : « La Tunisie (…) c'est une société qui dans ses larges composants, accorde peu de place aux choses de l'esprit et aux intellectuels. » [<a href='#nb7-6' class='spip_note' rel='footnote' title='Propos de la responsabilité de l'intellectuel, Interview exclusive de Hichem (...)' id='nh7-6'>6</a>] Dans un pays comme le nôtre où l'avènement d'une production culturelle est sujette à une dictature ayant comme mission d'empêcher l'émergence d'une action intellectuelle critique et affranchie, la tâche politique devient par obligation une tâche intellectuelle. L'opposition politique tunisienne a un besoin vital d'un travail culturel critique et rénovant. Une opposition politique sans une culture, un art et une littérature est une opposition paralysée qui ne parviendra jamais à attirer l'attention du peuple sur son existence.</p> <p>Parce que notre essence est subtile, les regards ne nous atteignent pas ; mais quand on parle, les autres s'aperçoivent que nous existons. Dans son Dîwan, le poète arabe par excellence, al-Motanabbî n'avait-il pas dis : « La maigreur de mon corps suffit à attester que je suis un homme qui, s'il ne vous parlait pas, demeurerait invisible à vos yeux. » [<a href='#nb7-7' class='spip_note' rel='footnote' title='Al-Mutanabbî, Diwân, II, p. 434.' id='nh7-7'>7</a>]</p> <p>La parole intelligente, l'action critique et la production littéraire sont le seul moyen qui reste à l'opposition tunisienne pour affirmer son existence et prouver à la jeunesse tunisienne que l'action politique est une contribution à la construction d'un être tunisien. « Jésus avait les ailes de l'intelligence et il s'envola au ciel ; si son âne avait eu une moitié d'aile, il ne serait pas resté âne. » [<a href='#nb7-8' class='spip_note' rel='footnote' title='Citation de Sanâ'î, Diwân, p. 497.' id='nh7-8'>8</a>]</p> <hr class="spip" /></div> <hr /> <div class='rss_notes'><p>[<a href='#nh7-1' id='nb7-1' class='spip_note' title='Notes 7-1' rev='footnote'>1</a>] Taoufik Ben Brik, A propos du feraoun el assr, le 23 Mai 2002, TUNeZINE.</p> <p>[<a href='#nh7-2' id='nb7-2' class='spip_note' title='Notes 7-2' rev='footnote'>2</a>] Le livre du dedans, (fîhî mâ fîhî), Djalâl al-Dîn Rûmî,ةditions Albin Michel, Paris 1997, p.168.</p> <p>[<a href='#nh7-3' id='nb7-3' class='spip_note' title='Notes 7-3' rev='footnote'>3</a>] Ibid, p. 289.</p> <p>[<a href='#nh7-4' id='nb7-4' class='spip_note' title='Notes 7-4' rev='footnote'>4</a>] F. Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra, Le Livre de Poche, p.66.</p> <p>[<a href='#nh7-5' id='nb7-5' class='spip_note' title='Notes 7-5' rev='footnote'>5</a>] Taoufik Ben Brik, Ibid.</p> <p>[<a href='#nh7-6' id='nb7-6' class='spip_note' title='Notes 7-6' rev='footnote'>6</a>] Propos de la responsabilité de l'intellectuel, Interview exclusive de Hichem Jaït, Alternatives citoyennes, n؛1, du 28 avril 2001.</p> <p>[<a href='#nh7-7' id='nb7-7' class='spip_note' title='Notes 7-7' rev='footnote'>7</a>] Al-Mutanabbî, Diwân, II, p. 434.</p> <p>[<a href='#nh7-8' id='nb7-8' class='spip_note' title='Notes 7-8' rev='footnote'>8</a>] Citation de Sanâ'î, Diwân, p. 497.</p></div> Balade dans les coins obscurs de « la raison des Lumières ». https://www.reveiltunisien.org/spip.php?article585 https://www.reveiltunisien.org/spip.php?article585 2003-05-07T16:01:25Z text/html fr Sami Ben Gharbia alias Chamseddine Une armée à la pointe des dernières innovations, qui maîtrise chaque millimètre du ciel et de la terre est-elle incapable de protéger le musée de Bagdad, d'empêcher le pillage des administrations et des établissements étatiques, d'épargner les centrales électriques, l'eau et les populations civiles ? Une armée aussi sophistiquée que celle des Etats-Unis, aux ordres d'une « administration impériale » est-elle incapable de faire respecter la loi ? Pourquoi donc a-t-elle laissé faire saccager et piller ? Pourquoi (...) - <a href="https://www.reveiltunisien.org/spip.php?rubrique2" rel="directory">Agora</a> <div class='rss_texte'><p>Une armée à la pointe des dernières innovations, qui maîtrise chaque millimètre du ciel et de la terre est-elle incapable de protéger le musée de Bagdad, d'empêcher le pillage des administrations et des établissements étatiques, d'épargner les centrales électriques, l'eau et les populations civiles ? Une armée aussi sophistiquée que celle des Etats-Unis, aux ordres d'une « administration impériale » est-elle incapable de faire respecter la loi ? Pourquoi donc a-t-elle laissé faire saccager et piller ? Pourquoi avait-on eu l'impression qu'elle profitait des scènes de destruction, d'anarchie et de pillage passées en boucle, de Bagdad, par les chaînes de télévision du monde entier ?</p> <p>Le but de la guerre, celui affiché par les « alliés », d'amener une démocratie est-il réalisable dans ce pays lorsque ses trésors culturels, millénaires, lui sont dérobés, ses puits de pétroles razziés et sa population affamée et assoiffée ?</p> <p>Pour trouver des éléments de réponses à de telles questions difficiles, il est désormais impératif de creuser la raison du conquérant à la recherche de cette invariable logique qui caractérise son comportement à l'égard des peuples colonisés, non-occidentaux. La raison occidentale, tout au long de sa tumultueuse formation, avait construit une image de l'Autre et ce afin de valider moralement et idéologiquement les éventuelles barbaries et cruautés que perpétra ses conquérants, ses mercantiles et ses missionnaires dans les quatre coins du monde non-européen.</p> <p>Les plus brillants esprits occidentaux, même parmi ceux qui ont forgé « l'esprit des lumières » et ceux qui se disaient combattre pour la liberté, la justice et le droit, ont tous ou presque développé une vision égocentrique basée sur le principe de la supériorité de la race blanche. Nietzsche, Marx, Engels, Tocqueville, Pascal, Camus… etc. ont tous cru à une certaine mission civilisatrice, donc coloniale de l'homme blanc. Certains d'entre eux avaient soutenu les conquêtes coloniales, d'autres avaient déshumanisé les non-européens et d'autres encore avaient même appelé à ravager tout ce que « les indigènes » possédaient comme bien moraux et matériaux.</p> <p>Une simple balade à travers ce que plusieurs penseurs, politiciens et historiens avaient laissé permet de se faire une image sur les raisons de ce que Edward Said appelle : « l'incapacité de la conscience occidentale à remettre en cause le principe de la domination coloniale »(1) L'humanisme occidental, du moins dans son côté officiel, n'est selon Sartre qu'une« idéologie menteuse, l'exquise justification du pillage ; ses tendresses et sa préciosité cautionnaient nos agressions. »(2) Toujours selon les termes de Sartre, cet humanisme n'est en fait qu'un « spectacle (…) le strip-tease de notre humanisme. »</p> <p>Déjà, le concepteur de la politique de domination, Machiavel, que le poète pakistanais, Mohammed Iqbal, qualifia de « messager de Satan »(3) avait théorisé qu' « Un prince doit comprendre, s'il veut garder son pouvoir, qu'il lui faut souvent agir contre la foi, contre la charité, contre l'humanité et contre la religion »(4)</p> <p>Alexis de Tocqueville, l'auteur de La démocratie en Amérique, l'un des grands esprits de la démocratie-coloniale et vieux fan du model américain, avait déclaré, lors de sa visite de l'Algérie en 1841 : « Je crois que le droit de la guerre nous autorise à ravager le pays et que nous devons le faire soit en détruisant les moissons à l'époque de la récolte, soit en dans tous les temps en faisant de ces incursions rapides qu'on nomme razzias et qui ont pour objectifs de s'emparer des hommes ou des troupeaux. »(5) Tocqueville va plus loin dans son esprit « démocratique » lorsqu'il dit : « J'ai souvent entendu en France des hommes que je respecte mais que je n'approuve pas trouver mauvais qu'on brûlât les moissons, qu'on vidât les silos et enfin qu'on s'emparât des hommes sans armes, des femmes et des enfants. Ce sont là, suivant moi, des nécessités fâcheuses, mais auxquelles tout peuple qui se voudra faire la guerre aux Arabes sera obligé de se soumettre. »(6) Malheureusement, le colon ne s'était pas limité seulement aux Arabes, tout non-Européen qui se dresse sur le chemin de la résistance au plan de l'hégémonie occidentale a été saccagé, toujours au nom d'une mission historique, et souvent divine de civilisation. Le besoin au recours à la barbarie a été toujours l'arme de l'Occident pour maintenir l'autre dans sa position de soumis. Et Nietzsche de dire : « On arrivera encore à découvrir quantité de ces succédanés de la guerre, mais peut-être, grâce à eux, se rendra-t-on de mieux en mieux compte qu'une humanité aussi supérieurement civilisée, et par suite aussi fatalement exténuée que celle des Européens d'aujourd'hui, a besoin non seulement de guerres, mais des plus grandes et des plus terribles qui soient (a besoin, donc, de rechutes momentanées dans la barbarie) pour éviter de se voir frustrée par les moyens de la civilisation de sa civilisation et de son existence même. » (7)</p> <p>Jules Ferry, l'un des concepteurs de la politique coloniale française et ardent défenseur de la colonisation de la Tunisie - la localité de Menzel Bourguiba, dans les environs de Bizerte, avait pris son nom, et devenu durant toute la durée du « protectorat » : Ferry-ville - avait déclaré, le 29 juillet 1885, dans son célèbre discours devant la chambre des députés : « Je répète qu'il y a pour les races supérieures un droit parce qu'il y a un devoir pour elles. Elles ont le droit de civiliser les races inférieures. » (8) Lorsque les races supérieures réclament ce droit, celle jugées inférieures n'ont même pas le droit à l'existence. Dans son livre La pensée allemande dans le monde, Paul Rohrbach, responsable de l'immigration allemande en Afrique du Sud-Ouest écrivit en 1912 : « Qu'il s'agisse de peuples ou d'individus, des êtres qui ne produisent rien de valeur ne peuvent émettre aucune revendication au droit à l'existence. » (9) Les dommages collatéraux, dans des guerres, même actuelles, qui opposent l'Occident aux autres, découlent de cette même vision des choses. « Le droit à l'existence » des êtres non-européens est soustrait lorsqu'il contraste avec « Le droit de la guerre » de l'homme occidental.</p> <p>« Le droit international ne devient que des phrases si l'on veut également appliquer ses principes aux peuples barbares. Pour punir une tribu nègre, il faut brûler ses villages, on n'accomplira rien sans faire d'exemple de la sorte » (10) affirma de sa part à la fin du 19e siècle, Heinrich von Treischke, expert en politique internationale. On a vu l'étendu de ce principe actuellement avec la crise de l'Irak. Le droit international n'a aucune valeur lorsqu'il s'agit des peuples « barbares ». Le centre de détention de Guantanamo n'est-il pas l'expression emblématique de cette disparité dans le traitement des prisonniers de guerre ! cette idée de deux poids deux mesures n'est-elle pas si ancrée dans la structure mentale des élites occidentales ! Tocqueville n'avait-il pas franchement déclaré qu « Il doit donc y avoir deux législations très distinctes en Afrique parce qu'il s'y trouve deux sociétés très séparées. Rien n'empêche absolument, quand il s'agit des Européens, de les traiter comme s'ils étaient seuls, les règles qu'on fait pour eux ne devant jamais s'appliquer qu'à eux. » (11)</p> <p>Aujourd'hui encore, en Irak de l'après Saddam, cette mission sacrée de l'occident, sous sa version américaine et britanique, est toujours de mise. « En voyant débarquer à Bagdad ce général Garner et son équipe de 450 administrateurs, on ne pouvait s'empêcher de penser que les Etats-Unis, en cette phase néo-impériale, reprenaient à leur charge ce que Rudyard Kipling a appelé « le fardeau de l'homme blanc ». Ou ce que les grandes puissances, dès 1918, qualifiaient de « mission sacrée de civilisation » en direction des peuples incapables(...) » (12)</p> <p>Cette mission sacrée occidentale, celle qu'on nomme parfois de mission civilisatrice, d'autre de maintien de la paix, d'autre de démocratisation n'est elle pas une de ces éternelles fourberies destinées à entretenir le mythe de la supériorité des valeurs et du model occidentale ! la supériorité n'est-elle pas dans le domaine de l'armement et de la violence ? Même le théoricien du Choc des civilisations, Huntington l'admet : « L'occident a vaincu le monde non parce que ses idées, ses valeurs, sa religion étaient supérieures (rares ont été les membres d'autres civilisations à se convertir) mais plutôt par sa supériorité à utiliser la violence organisée. Les Occidentaux l'oublient souvent, mais les non-Occidentaux jamais. »(13) Pourquoi alors cette nouvelle chanson sur la démocratisation du monde arabe ? Ecoutons notre cher Mohammed Talbi : « Monsieur Hubert Védrine, ministre français des Affaires étrangères, me dit avec la superbe des convictions solidement établies que « la démocratie n'est pas du café instantané ». Je n'ai qu'à attendre ! Les Arabo-musulmans ne sont pas idiots au point de ne pas comprendre combien les gouvernants d'occident les méprisent. » (14)</p> <p>Oui, ce que les gouvernants de l'Occident veulent réaliser ce n'est pas la démocratisation du monde arabe. C'est sa destruction. Ecoutons cette fois un des fameux de l'Irangate, Michael Ledeen lorsqu'il dit « La recherche de stabilité est indigne de l'Amérique. Notre pays est celui de la destruction créatrice. Nous ne voulons pas de stabilité en Iran, en Irak, en Syrie, au Liban, ni même en Arabie saoudite…La question est de savoir comment déstabiliser ces pays. Nous devons les détruire pour accomplir notre mission historique. » (15) Lorsque ce monsieur avait lancé cette phrase, il était difficile de savoir ce qu'il voulait dire par « pays ». S'agit-il du régime gouvernant le pays, le système politique, la population, la culture, la religion ou tout cela à la fois. Mais, quand le musée de Bagdad avait été pillé, quand les bombes n'épargnaient pas les civiles, quand on bombardait les centrales électriques et on privait d'eau les populations locales, sa phrase prenait son vrai sens.</p> <p>« La violence coloniale ne se donne pas seulement le but de tenir en respect ces hommes asservis, elle cherche à les déshumaniser. Rien ne sera ménagé pour liquider leurs traditions, pour substituer nos langues aux leurs, pour détruire leur culture sans leur donner la nôtre ; on les abrutira de fatigue »(16) disait Sartre dans sa préface aux Damnés de la terre de Fanon. C'est l'humanité de l'autre qui est toujours niée lorsqu'il s'agit de conserver les intérêts économiques et politiques de « l'homme blanc ». La représentation dégradante de l'Autre a permis à l'Occident de jouer bien son rôle dans le spectacle de son « strip-tease humaniste ». Sinon qu'est ce qui a rendu possible de tels crimes contre l'humanité ? Cette constante contradiction de l'Occident officiel, celui des Etats, entre ses principes universels de libertés, de justice et de respects de la dignité humaine et son intolérable et infâme soutien aux dictateurs du monde arabe n'est elle pas le fruit de cette vision du monde, ancrée dans l'inconscient « blanc », celle qu'on appelle actuellement avec un raccourci aussi faussaire qu'insultant : « Deux poids, deux mesures » ?</p> <p>Sihem Ben Serine avait-elle raison de dire : « Notre tentative de construire la démocratie doit s'appuyer sur votre [celui des occidentaux] modèle en vous considérant comme des exemples à suivre. »(17) Est-il sage d'être ce perpétuel bon élève de l'Occident en matière de projet politique ? Surtout lorsqu'on sait comment ont été fabriqués ces élèves. Rappelons-le pour ceux qui ont oublié l'historique de nos élites : « L'élite européenne entreprit de fabriquer un indigénat d'élite ; on sélectionnait des adolescents, on leur marquait sur le front, au fer rouge, les principes de la culture occidentale, on leur fourrait dans la bouche des bâillons sonores, grands mots pâteux qui collaient aux dents ; après un bref séjour en métropole, on les renvoyait chez eux, truqués. Ces mensonges vivants n'avaient plus rien à dire à leurs frères ; ils résonnaient ; de Paris, de Londres, d'Amsterdam nous lancions des mots « Parthénon ! Fraternité ! » et, quelque part en Afrique, en Asie, des lèvres s'ouvraient : « …thénon ! …nité ! » C'était l'âge d'or. » (18) L'objectif de cette élite, comme celle qui nous gouverne en Tunisie et ailleurs, mais aussi comme certaine voix de l'opposition, n'est pas la démocratisation du monde arabo-musulman, mais la continuation du pillage par d'autres moyens. « Le meilleur et le plus intelligent moyen d'ouvrir les marchés consistait à créer sur place une élite occidentalisée, assujettie au progrès économique et indifférente à ses conséquences sure la vie de ses compatriotes(…) Ces élites doivent, bien entendu, être armées, de façon à pouvoir imposer un type de développement qui, par nécessité, entraîne l'expropriation ou l'appauvrissement de la plupart des citoyens. Cela est resté l'un des buts principaux des programmes actuels d'aide : les deux tiers de l'aide que les Etats-Unis octroient aux pays du sud concernent l'assistance en matière de sécurité, et comprennent notamment un entraînement militaire et des transferts d'armes. » (19)</p> <p>Une politique occidentale se basant sur une imagination militaire et un projet policier n'est pas digne d'être prise comme exemple à suivre. Quand-est ce que notre élite va comprendre qu'il vaut mieux s'adresser à la jeunesse tunisienne avec des mots simple non pompeux que de passer le reste de sa vie en invité des émissions télévisé pour traiter, entre deux séances publicitaires, de ce show inlassable qu'on nomme démocratie ou le « strip-tease humaniste ».</p> <hr class="spip" /> <p> (1) Voir, Edward Said, l'Orientalisme, Editions du Seuil, Paris 1980.</p> <p> (2) Jean-Paul Sartre, Préface aux Damnés de la terre, de Frantz Fanon, Paris, ةditions Maspero, 1961.</p> <p> (3) « Alors arriva le messager de Satan / Le Florentin qui chérissait l'erreur / Et dont le collyre détruisit la vision des hommes. / Il écrivit un Traité pour les princes / Et ainsi sema dans notre argile la graine des conflits ; / Sa nature sombra dans les ténèbres, / Et sa plume, telle un glaive, coupa en morceaux la vérité. » Mohammed Iqbal, Les Mystères du Non-Moi ( Rumuz-e-Bikhudi), traduction du persan Djamchid Mortazavi et Eva de Vitray-Meyerovitch, Albin Michel, Paris,1989, p. 122.</p> <p> (4) Machiavel, Le Prince, Le livre de poche, Paris, 1980, p.93.</p> <p> (5) Alexis de Tocqueville, Travail sur l'Algérie. in Oeuvres complètes, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1991, p 752 cité in « Quand Tocqueville légitimait les boucheries », Par Olivier Le Cour Grandmaison, Le Monde diplomatique, juin 2001.</p> <p> (6) Ibid.</p> <p> (7) Humain. Trop humain, F. Nietzsche, Editions Gallimard, 1987, p.341.</p> <p> (8) Inventer une mémoire commune, Alain Gresh, Manière de voir n؛58.</p> <p> (9) Ibid.</p> <p> (10) Ibid.</p> <p> (11) Alexis de Tocqueville, Ibid.</p> <p> (12) Néo-impérialisme, Ignacio Ramonet, Le Monde diplomatique, mai 2003.</p> <p> (13) Samuel P. Huntington, Le Choc des civilisations, ةditions Odile Jacob, 1997 p.50.</p> <p> (14) « Ben Laden : par lui-même, il n'est rien ! », Mohamed Talbi, Jeune Afrique l'Intelligent, numéro 2136, du 18 décembre 2001.</p> <p> (15) « L'ordre américain coûte que coûte », par Ibrahim Warde, Le Monde diplomatique, avril 2003.</p> <p> (16) Jean-Paul Sartre, Ibid.</p> <p> (17) Démocraties à temps partiel, La restriction des droits en Occident joue en faveurs des dictateurs, par Francesco piccionni, Il Manifesto, 22 novembre 2001, traduit par Omar Khayyâm, « Tunisie, réveille-toi » 30 avril 2003.</p> <p> (18) Jean-Paul Sartre, Ibid.</p> <p> (19) Edward Goldsmith, « Seconde jeunesse pour les comptoirs coloniaux », Manière de Voir n.58.</p></div>