Mon amie ne sait pas rediger un com sur un article. Du coup il voulais souligner par ce commentaire qu’il est ravi du contenu de ce blog internet.
je vous remercie
bourguiba abderrazak
I like to party, not look articles up online. You made it hpaepn.
On est mardi 1er novembre 2011, déjà neuf mois que ben ali s’est enfui et il est caché, comme un rat, en Arabie Saudite. Son collègue Gaddafi a été tué.
Après la lecture de cette lettre, tout cela parait être comme un cauchemar pour celles et ceux qui ne l’ont pas vécu personnellement. Cependant, le mal a sévi longtemps, beaucoup trop longtemps en Tunisie. Il est temps que ça change.
Tout un système policier qui s’effondre, la justice vient de renaître, certes encore fragile mais sera équitable insh’Allah.
Oui il a un fils qui est mon meilleur ami et croyez moi, même si son père et loin de lui sa ne fait pas de lui un mauvais père il s’occupe très bien de lui et Selim va le voir de temps en temps. Je suis au cœur de cette affaire et je peux donc savoir les ressentis de chacun...
ةcoutez quand on ne connait pas la personne on ne juge pas ! Je connais personnellement Monsieur Tebourski et je sais que c’est un homme bon, et je pense que si il a demander a rester en France c’est surtout pour son Fils !
Ne le jugez pas car vous ne le connaissez pas comme je le connais ! Je suis la meilleure amie de son fils Selim. Je sais qu’Adel est un homme bon alors arrêtez tous vos blabla et essayer donc de comprendre le fond de la chose. Merci et bonne soirée
the death of an African giant
Par : Y. Mérabet
En outre, contrairement à ce que pensent aujourd’hui de nombreux libyens, la chute de Kadhafi profite à tout le monde sauf à eux. Car, dans une Afrique où les pays de la zone subsaharienne riche en ressources minérales tournaient complètement le dos à la France pour aller vers la Chine, il fallait bien que monsieur Sarkozy trouve un autre terrain fertile pour son pays. La France n’arrive plus à vendre ses produits manufacturés ou de décrocher un marché en Afrique, elle risque de devenir un PSD C’est pour cela que l’on a vu une France prête à tout pour renverser ou assassiner Kadhafi ; surtout quand l’on sait que la Libye est l’une des premières réserves en Hydrocarbures d’Afrique et de Sebha est la capitale mondiale du trafic Franco-libyen de concentré d’uranium Nigérien. Egalement, l’on sait que jusqu’ici, les populations libyennes n’avaient rien à envier aux Français, ils vivaient richement mieux sans se suer. Puisque Kadhafi faisait tout son possible pour les mettre à l’abri du besoin. Il est donc temps pour les libyens de choisir pleinement futur partenaire occidental. Car si en cinquante ans de coopération la France n’a pu rien apporter à l’Afrique subsaharienne. Vat-elle apporter maintenant aux libyens un bonheur supérieur à celui que leur donnait leur Guide. Rien à offrir à ces ignorants de libyens, sauf des repas communs dans les poubelles de la ville Paris, en France c’est déjà la famine ? Lui, qui durant plusieurs décennies était l’un des faiseurs d’hommes les plus efficaces sur le continent Africain. De son existence, Kadhafi était le leader le plus généreux d’Afrique. Pas un seul pays africain ne peut nier aujourd’hui n’avoir jamais gouté un seul pétro –Dinar du guide Libyen. Aveuglement, et motivé par son projet des Etats-Unis d’Afrique, Kadhafi de son existence a partagé l’argent du pétrole libyen avec de nombreux pays africains, qu’ils soient Francophones, Anglophones ou Lusophones. Au sein même de l’union Africaine, le roi des rois d’Afrique s’était presque érigé en un bailleur de fond très généreux. Jusqu’à l’heure actuelle, il existe sur le continent de nombreux présidents qui ont été portés au pouvoir par Kadhafi. Mais, curieusement, même pas un seul de ces élèves de Kadhafi n’a jusqu’ici eu le courage de lui rendre le moindre hommage.Au lendemain du vote de la résolution 1973 du conseil de sécurité de l’ONU, certains pays membres de l’union africaine sous l’impulsion de Jacob Zuma ont tenté d’apporter un léger soutien au guide libyen. Un soutien qui finalement s’est éteint totalement sans que l’on ne sache pourquoi. Même l’union africaine qui au départ conditionnait avec amertume la prise du pouvoir libyen par un groupe de terroristes et la reconnaissance du CNT libyen constitués de traitres, s’est finalement rétracté de façon inexplicable. Et curieusement, jusqu’aujourd’hui, aucun gouvernement consensuel n’a été formé en Libye. Depuis l’annonce de l’assassinat de Mouammar Kadhafi, cette union africaine dont Mouammar Kadhafi était pourtant l’un des principaux défenseurs et ayant assuré le dernier mandat, n’a encore délivré aucun message officiel de condoléance à ses proches ou de regret. Egalement, même ceux qui hier tentaient de le soutenir n’ont pas eu le moindre courage de lever leur petit doigt pour rendre hommage à leur mentor. Jusqu’à l’heure actuel, seul l’ancien archevêque sud-africain et prix Nobel de paix Desmond TUTU a regretté cet acte ignoble. Même le président Abdoulaye Wade que l’on sait pourtant proche des révoltés libyens n’a pas encore salué la mort de l’homme qu’il souhaitait tant. Le lendemain de sa mort, un vendredi pas un musulman n’a prié pour lui ?.. A ce jour, sur le continent Africain, seul l’homme de la rue et les medias ont le courage de parler de cette assassina crapuleux du guide libyen. Mais, cette attitude des dirigeants africains ne surprend personne, dans la mesure où l’on sait que chaque président a peur de se faire remarquer par un Nicolas Sarkozy qui est capable de tout si la tête d’un président africain ou d’un arabe l’énerve.
Conclusion La Libye et l’Afrique toute entière viennent de tourner une page d’or avec la perte de Mouammar .
Traitre et maudit que je sois, si j’étais un libyen ?
Journaliste indépendant (Algérian Society for International Relations)
119, Rue Didouche Mourad
Alger centre
J’ai écrit un livre qui mérite d’être lu :
TOUT EST POSSIBLE - L’AVENIR DE LA TUNISIE
Vous pouvez télécharger le livre sur mon site Internet :
http://www.go4tunisia.de
Dr. Jamel Tazarki
Allemagne
Ma mére Térésa oui notre mére je suis abderrazak bourguiba le frére de mon meilleur ami Farouk .
vous peut etre me connait mais je pense pas que nous avont eu l’occasion de vous voir .
je suis désolé pour ce qui a passé pour mon frére Farouk .
Omar etait un homme exeptionnel un vrai homme j’ai passé avec lui 6 mois dans le prison nous étions plus que deux fréres.
soyez fiére de Farouk
et que la paradi soit pour lui
La Monarchie Constitutionnelle est l’avenir est la garantie des droits et libertés pour la Tunisie, la Libye et toute l’Afrique du Nord. Le Roi est l’âme du peuple, Il est porteur du sentiment d’unité nationale et du patrimoine historique du peuple. LA MONARCHIE CONSTITUTIONNELLE EST LE PLUS SUR MOYEN POUR EVITER QU’UN PRESIDENT FINISSE UN JOUR EN DICTATEUR (voyez le cas du roi d’Espagne, sauveur des libertés après le Franquisme).
Bonjour Mesdames, Messieurs,
Je souhaite attirer votre attention sur le faite que ce Barbouze comme vous le dites, a retourné sa veste à l’instant où il s’est assuré du départ définitif du ZABA plus exactement le 18 Janvier 2011.
Mais encore ce dernier qui détient pas un seul titre comme auprès du RCD mais aussi faison parti de plusieurs association et surout la chambre Franco-Tunisienne de marseille ou il a volé récemment le portfolio pour se faire une nouvelle peau et une nouvelle virginité auprès de la Tunisie, avec un pseudo symposium tenue au pôle technologique sis à la Gazelle (Ariana).
Rappel du passé : Khaled Néji représentant de l’office de l’huile près du consulat générale de Tunisie à Marseille a été victime de sa (Stoufida).
Monsieur Kahled Néji a été limogé de son poste, radié de ses fonctions, décédés suite à une attaque cardiaque après avoir visité les prisons Tunisiennes
Je souhaite que cette personne n’intervienne plus sur le sol Tunisien afin de crée des réseaux encore pire qu’avant et revenir au pouvoir par la fenêtre.
Aidez moi à dire la vérité sur ce malheureux de la Sbikha (kairouan) qui fout la honte à son peuple.
Ce Virus, qui trompe sa femme sans scrupule ni honte. A trahit ce que nos ancêtres ont essayé de bâtir, bravour, fraternité dévouement, sincérité.
Il est et il sera toujours à l’antipode des Tunisiens , lèches botes et au plurielles
Vive la Tunisie sans hypocrites
bonjour je suis tres heureuse que mr tlili soit libere mais je n arrive pas avoir de nouvelles precises je tiens a dire que c est un MONSIEUR exceptionnel et qu il ne merite vraiment pas ce qu il a endure j aimerai pouvoir lui exprimer tte ma sympathie
Voilà quatre ans se sont écoulés et votre combat a porté ses fruits. J’aurais pas osé signer ces quelques mots par mon nom réel si vous n’avez pas milité pour ’ma’ liberté. Reconnaissante et le mot ne peut résumer ce que je ressens et tout le respect que je vous porte.
Merci...
Lilia Weslaty
Les petits cons s’amusent à faire leurs graffitis imbéciles même sur les statues couvertes de prestige et d’histoire de Carthage ; on en a maintenant fini avec Ben Ali, avec la censure et l’étouffement des idées et de coeur opéré par son régime. Mais on en finira jamais avec l’idiotie des fondamentalistes islamiques qui promenent leurs femmes en burka, parce que c’est la seule façon par laquelle savent voir une femme : comme une bête dangeureuse. On en finira pas facilement, terrible dictature, avec ceux qui demandent maintenant de couper les mains, les jambes et les bras, suivant l’obsolète loi coranique, sans se faire aucun souci de l’Homme. Jésus, le Christ en est le plus grand champion, le Rédempteur de l’humanité, Lui qui a porté la Croix pour nous TOUS ; quant à la mafia et à al-Capone, nous les plaçerons comme un héritage historique de cet islam que tant s’acharnent à défendre par l’ignorance (mafia vient de l’arabe dialectal anciene "mafiah", c’est-à-dire "protection", la mafia est nait et c’est culturellement radiquée dans une ancienne terre d’islam, la Sicile)
j’ai aimé ce que vous pensé . suis de ton coté. tu me trouvera a l’appui
Rapport publié par la Fédération Internationale des Ligues des Droits de l’Homme (FIDH), le Comité pour le Respect des Libertés et des Droits de l’Homme en Tunisie (CRLDHT), et le Réseau euro-méditerranéen des droits de l’Homme (REMDH).
Résumé :
Condamné en septembre 1997 à une peine de trois ans de prison ferme du seul fait d’avoir diffusé un communiqué annonçant l’amorce, dans les locaux de la Ligue Tunisienne des Droits de l’Homme (LTDH), d’une grève de la faim de protestation pour dénoncer le harcèlement et les mesures d’intimidation auxquels lui-même et sa famille étaient confrontés depuis 1995, ainsi que la grave dégradation des libertés dans le pays, Khemais Ksila, Vice-président de la LTDH, n’a été élargi, dans le cadre d’une libération conditionnelle, qu’au terme de deux années de détention.
Une campagne internationale de solidarité aboutisse à la libération de Khemais Ksila, qui aura ainsi connu les rigueurs des prisons tunisiennes en 1985, 1996, et de 1997 à 1999.
Khémais Ksila a décidé de publier un témoignage sur le calvaire des prisonniers politiques (aujourd’hui au nombre d’un millier) dans les prisons tunisiennes et sur les conditions carcérales épouvantables de la majorité des détenus tunisiens connus et anonymes, qui se trouvent " abaissés à un état infra-animal par la promiscuité, la délation, les châtiments corporels et les sévices ".
Ce témoignage accablant d’un homme, qui estime qu’en tant que " témoin oculaire, il n’a pas le droit de se taire ", a été diffusé en arabe au cours de la troisième semaine de novembre 1999 et nous avons estimé que malgré les événements des six mois écoulés qui ont été ponctués d’initiatives, de luttes et de combats importants, le cri de Khemais Ksila gardait toute son actualité.
Condamné en septembre 1997 à une peine de trois ans de prison ferme du seul fait d’avoir diffusé un communiqué annonçant l’amorce, dans les locaux de la Ligue Tunisienne des Droits de l’Homme (LTDH), d’une grève de la faim de protestation pour dénoncer le harcèlement et les mesures d’intimidation auxquels lui-même et sa famille étaient confrontés depuis 1995, ainsi que la grave dégradation des libertés dans le pays, Khemais Ksila, Vice-président de la LTDH, n’a été élargi, dans le cadre d’une libération conditionnelle, qu’au terme de deux années de détention.
Durant toute cette période, Fatma son épouse (membre du Conseil National pour les Libertés en Tunisie) et ses enfants ont été soumis à des tracasseries et à un harcèlement systématiques constamment dénoncés par les ONG internationales de défense des droits humains. La Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH), le Réseau euro-méditerranéen des droits de l’Homme (REMDH), l’Observatoire international pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme et le Comité pour le respect des libertés et des droits de l’Homme en Tunisie (CRLDHT) ont en effet multiplié les initiatives, en concertation avec Amnesty International, Human Rights Watch, l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT), France-libertés, la FIACAT etc..., pour que la campagne internationale de solidarité aboutisse à la libération de Khemais Ksila, qui aura ainsi connu les rigueurs des prisons tunisiennes en 1985, 1996, et de 1997 à 1999.
Aussi n’avons-nous pas été surpris que, quelques semaines après sa libération, Khemais Ksila, au chômage, privé de passeport, et en butte à un contrôle policier de tous les instants, décide de publier un témoignage sur le calvaire des prisonniers politiques (aujourd’hui au nombre d’un millier) dans les prisons tunisiennes et sur les conditions carcérales épouvantables de la majorité des détenus tunisiens connus et anonymes, qui se trouvent " abaissés à un état infra-animal par la promiscuité, la délation, les châtiments corporels et les sévices ".
Ce témoignage accablant d’un homme, qui estime qu’en tant que " témoin oculaire, il n’a pas le droit de se taire ", a été diffusé en arabe au cours de la troisième semaine de novembre 1999 et nous avons estimé que malgré les événements des six mois écoulés qui ont été ponctués d’initiatives, de luttes et de combats importants, le cri de Khemais Ksila gardait toute son actualité.
Alors que le régime tunisien s’efforce d’améliorer son image de marque, mise à mal par les premiers craquements sérieux du système d’oppression de l’Etat-RCD (le parti gouvernemental), la motion de désaveu que le Parlement européen vient d’adopter à l’unanimité sur la situation des droits de l’Homme en Tunisie illustre bien les limites des quelques gestes d’ouverture, positifs mais ponctuels, de ces dernières semaines : restitution de passeports, libération de Abdelmoumen Belânès et Fahem Boukadous, sortie de Tunisie du Dr Moncef Marzouki, porte-parole du Conseil national pour les libertés en Tunisie (CNLT), de Khemais Ksila et d’ Ahlam Belhaj, libération provisoire des dirigeants de l’association RAID (section tunisienne d’ATTAC) toujours non reconnue tout comme le CNLT,etc...
D’autant que ces mesures d’apaisement ont alterné avec des gestes et des initiatives de fermeture illustrés notamment par les élections municipales à sens unique du 28 mai et l’attentat révoltant perpétré contre Riadh Ben Fadhel le 23 mai dernier. C’est dans ces conditions que la FIDH, le REMDH et le CRLDHT ont décidé de publier ce témoignage de Khemais Ksila sur les prisons et sur le sort de milliers de détenus confrontés à une situation d’abandon sanitaire, d’isolement, d’éloignement de leurs familles, de mauvais traitements et de sévices tels que ceux vécus par exemple par Imène Derwiche, confirmant ainsi que les conditions d’incarcération, loin de s’améliorer, se sont plutôt dégradées.
Avec des mots simples, à peine marqués par la révolte, Khemais Ksila témoigne de la condition de ces " sous hommes " qu’il a " côtoyés dans ce musée de l’horreur " et à qui il a " promis de briser l’omerta " (la loi du silence) et " de parler de leur mort lente ". Ce rapport confirme qu’en Tunisie aussi la détention n’est pas seulement une sanction fondée sur la privation de liberté mais qu’elle constitue, bel et bien, un moyen d’humilier, d’avilir et de " casser et d’ôter toute dignité " à ceux et à celles qui en font l’objet.
A "" la prison du 9 avril ", au centre de Tunis, le quotidien décrit par Khemais Ksila, mais aussi par le rapport du CNLT, est désolant. Prévue pour 1600 personnes cette prison construite il y a plus de 60 ans abrite 4500 à 5000 prisonniers, soit probablement le cinquième de la population carcérale tunisienne.
Les bâtiments sont humides, mal aérés et il faut lire le témoignage de Khemais Ksila sur le pavillon d’" El Karaka " où il a séjourné deux ans, pour réaliser l’énorme décalage qui existe, là aussi, entre une réalité sordide, inhumaine et angoissante (avec une détresse qui se conjugue avec la hantise du SIDA, de la toxicomanie, des cachots disciplinaires et du suicide) et les professions de foi des autorités tunisiennes mettant en avant des textes d’apparat sur " les droits et les devoirs des détenus " et réaffirmant leur adhésion aux " principes fondamentaux des Nations unies relatifs au traitement des détenus "(14/10/1990).
Source de suicides en accroissement constant et d’automutilations de toutes sortes, la prison que Khemais Ksila décrit sous ses multiples aspects est conçue, selon le témoignage d’un détenu politique Mohamed Hedi Sassi, dont le combat contre les mauvaises conditions carcérales a marqué les dix dernières années, comme un moyen " pour détruire l’homme qui est en toi, pour te lobotomiser, te transformer en chiffe molle, en légume ! ".
Célèbres ou anonymes, prisonniers de droit commun ou politiques, comme les centaines d’islamistes tels Ali Laaridh et Hamadi Jebali détenus depuis plus de dix ans, les pensionnaires du " 9 avril " et de la trentaine de centres de détention en Tunisie ont trouvé en Khemais Ksila un témoin attentif à leur calvaire et à l’enfer d’un système pénitentiaire que la propagande n’hésite pourtant pas à présenter comme une " référence " pour le monde arabe et le continent africain !
Avec un taux d’occupation de 250 à 300% les prisons tunisiennes, que le CICR se doit de visiter, constituent, selon la formule de Khemais Ksila, " une machine à produire la détresse humaine ". Hamma Hammami, porte-parole du PCOT, contraint à la clandestinité avec trois de ses compagnons et séparé de son épouse, notre amie Radhia Nasraoui, et de ses trois filles, nous confiait à Paris lors de la brève trêve de l’été 1997 : " j’ai trop souffert de ce système conçu pour t’anéantir. Je suis prêt à prendre tous les risques pour ne pas me laisser à nouveau enfermer ".
A Hamma Hammami, dont nous réclamons le retour à sa famille, et aux milliers de détenus pour qui Khemais Ksila a écrit ce courageux témoignage sur un système inhumain, où même les médecins se comportent cyniquement comme des auxiliaires de l’administration, nous disons que la FIDH veut et doit contribuer à élargir sans cesse les brèches dans le mur du silence autour des prisons tunisiennes.
Merci à Khemais Ksila, notre camarade et notre ami, dont nous admirons le combat, de nous avoir permis d’apporter une modeste contribution à ce devoir de solidarité et d’humanité.
Pourquoi ce rapport ? Le présent rapport n’a pas la prétention d’être exhaustif. Il s’agit plutôt d’un témoignage conçu et réalisé dans les circonstances générales et personnelles contingentes auxquelles j’ai été confronté, mais dont la publication, en l’état, s’est avérée nécessaire et urgente, afin de contribuer à briser le mur du silence imposé par les pouvoirs publics sur la réalité dramatique et révoltante vécue par les détenus en Tunisie. ! Décidé à en finir avec l’opacité qui a prévalu jusqu’ici autour de cette question, je me suis, toutefois, attaché dans cette modeste contribution, à m’en tenir aux faits avec objectivité et esprit de responsabilité. Bien qu’ayant été marqué, à l’occasion de trois détentions subies au cours des quinze dernières années, par les conditions terribles du système carcéral, j’ai eu à cœur d’éviter toute exagération dans l’évocation de l’amère réalité des conditions pénitentiaires en Tunisie et du vécu qui y est imposé. Mon souci a été de témoigner sérieusement et sans ressentiment, car il y va de ma propre crédibilité et de celle du mouvement démocratique tunisien dont je me réclame. ! Dire haut et fort la vérité sur les conditions carcérales procède de l’urgence car il est impératif en premier lieu d’informer l’opinion publique démocratique et humanitaire, tant nationale qu’internationale de la réalité 8véritable des prisons en Tunisie. Mais au-delà de l’information par le témoignage, pour que cette question ne continue pas à être occultée, il y a aussi la nécessité de faire du débat public sur ce dossier une priorité afin d’exercer une pression effective sur les autorités concernées pour qu’elles se décident à procéder à l’impérative réforme des conditions carcérales conformément aux critères et aux principes de l’Etat de droit. La violation, par le gouvernement tunisien des libertés et des droits humains sur ce plan comme en bien d’autres domaines, met en cause sa légitimité propre et le prive de toute prétention à exercer de façon absolue sa souveraineté sur l’ةtat et le pays. Un pouvoir qui porte atteinte aux engagements et aux accords auxquels il a souscrit en matière de droit international, des droits de l’homme ne peut, en effet, se prévaloir de l’alibi de la souveraineté pour tenter d’occulter les violations qu’il commet en foulant aux pieds les règles minimales et les dispositions des pactes et traités relatifs au respect des principes cardinaux ayant trait à l’humanité même de l’être humain tels les droits à la vie, à la dignité humaine et à l’intégrité physique. Dans de telles conditions, le droit d’intervention humanitaire constitue un devoir pour la communauté internationale et pour les partisans de la liberté qui doivent en faire une obligation éthique prioritaire par rapport à toute considération d’ordre économique ou géopolitique. L’incarcération est un châtiment pénible en lui-même ; que dire lorsque le détenu, fut-il un dangereux criminel, est victime, lors de sa garde-à-vue, de sévices inhumains, d’atteinte à sa dignité et à son intégrité physique, sinon que c’est la liberté constitutive de notre humanité qui est touchée. Dans les Etats démocratiques, l’enfermement vise à combattre la délinquance, mais aussi à la réinsertion sociale du délinquant. On sait depuis Tocqueville que les démocraties se jugent à l’état de leurs prisons. Il sera fait référence dans ce rapport aux textes juridiques nationaux et internationaux suivants : ! La loi tunisienne relative aux prisons du 4 novembre 1988. ! Les règles minimales du traitement des prisonniers (Genève 1955), confirmées par le Conseil Economique et Social de l’ONU du 13 mai 1977. ! La Déclaration Universelle des Droits de l’Homme du 10/12/1948, et en particulier les articles 3, 5, 6, 7, 8 et 10. ! Le Traité international relatif aux droits politiques et civiques du 16/12/1966, en particulier les articles 6, 7, 8 et 10. ! La convention internationale contre la torture du 10/12/1948, en particulier l’article 2. ! La Charte Africaine des Droits de l’Homme et des peuples (juin 1981) signée par le gouvernement tunisien, en particulier les articles 4 et 5. Les questions relatives à la situation des prisonniers en Tunisie, abordées dans ce rapport seront plus ou moins détaillées, en fonction de ce qui m’a semblé prioritaire. Mon souci est de décrire cette "société" carcérales et les exactions multiformes qui sont le lot quotidien du peuple des prisons, et qui sont autant de violations des lois du pays et des normes et conventions internationales ratifiées par le gouvernement tunisien.
La réalité carcérale et la vie quotidienne des prisons Nous ne disposons, certes, pas de données exhaustives sur le dossier, la vie des prisons faisant partie des secrets d’Etat les mieux gardés. J’essaierai de forcer ce black-out par les témoignages concrets de dizaines de prisonniers qui ont connu la plupart des prisons tunisiennes au cours des dix dernières années. Ce rapport est également le fruit d’un séjour personnel à l’intérieur des prisons tunisiennes, dont la relation servira de fil conducteur. Les témoignages seront étayés par les informations précieuses que j’ai puisées auprès de : ! La Ligue Tunisienne des Droits de l’Homme (LTDH), qui a recueilli à longueur d’années les doléances des victimes et de leurs proches, ! La Fédération Internationale des Droits de l’Homme, Amnesty International, l’Observatoire des Prisons, dont les rapports et les documents fourmillent d’informations qui recoupent les nôtres. ! La situation des prisonniers condamnés à la peine de mort La peine capitale est toujours en vigueur en Tunisie. Et la liste est longue des crimes passibles de la peine de mort. Malgré l’engagement du Président de la République, dès son accès au pouvoir, de ne pas autoriser l’application des peines prononcées, trois condamnés au moins ont été exécutés au cours des dernières années. J’ai, par ailleurs, pris connaissance de l’existence de plus d’une trentaine de prisonniers condamnés à la peine capitale et maintenus dans l’isolement absolu dans la prison civile de Tunis. Cette catégorie de prisonniers vit pendant de longues années, dans une insupportable expectative, accrochés à l’espoir de voir leur peine commuée en perpétuité. Leur isolement quasi total des autres prisonniers est doublé d’une coupure totale du monde extérieur. Ils passent leurs derniers jours dans des cellules exiguës, humides et insalubres. La misère du milieu carcéral que les condamnés à mort partagent avec les autres est aggravée par la privation du droit de visite, du couffin et de la correspondance. Ils n’ont accès ni à la presse, ni à la télévision. Le seul moyen pour leurs proches d’avoir de leurs nouvelles est le fameux mandat. Ils savent que le prisonnier est encore dans le monde des vivants tant que le mandat ne leur ait pas retourné jusqu’au jour où... Mais l’aspect le plus barbare de la situation dans laquelle vivent ces prisonniers est l’attente ; ce terrible compte à rebours qui peut durer dix ans, avec l’incertitude de rester vivant le lendemain. Le fait qu’ils encourent la peine capitale, n’épargne pas à ces prisonniers les mêmes mesures disciplinaires de la part des gardiens, c’est-à-dire les humiliations et les sévices. J’ai pu recueillir, à ce propos, le témoignage d’un ancien condamné à mort qui a bénéficié de la perpétuité avec trois autres condamnés en 1998, après sept ans d’isolement, d’attente et de privation. J’ai pu constater de visu l’état physique, psychologique et nerveux dans lequel est réduit ce prisonnier, sans aucun suivi médical.
! Des morts suspectes Signalons, en tout premier lieu, l’importance capitale des informations sur les décès dans les prisons tunisiennes que contient le rapport de la FIDH, réalisé en collaboration avec la LTDH et le Comité pour le Respect des Libertés et des Droits de l’Homme en Tunisie (CRLDHT). Ce rapport n 267, a été rendu public à l’occasion de la 21e session du Comité de l’ONU contre la torture tenue du 9 au 20 novembre 1998. Nous avons pu enquêter sur neuf cas de décès de prisonniers, consécutifs à des sévices et à l’absence de soins. D’autres cas restent, certes, méconnus faute d’enquêtes indépendantes, les seules crédibles. Les prisons tunisiennes bruissent d’informations sur les circonstances de la mort de certains prisonniers, mais nous ne sommes pas toujours en mesure de distinguer les morts naturelles des morts suspectes. L’omerta officielle qui entoure cette question n’est pas pour nous faciliter la tâche. Les prisonniers de droit commun sont les plus touchés par ce silence parce qu’ils nous sont peu connus, éloignés qu’ils sont des médias. Mon séjour en prison m’a permis de côtoyer certains d’entre eux et d’entendre des histoires terrifiantes sur ce phénomène. En règle générale, l’absence des soins est la cause principale des décès. J’ai pu réunir des données irréfutables sur trois cas de mort suspecte consécutive à des actes de torture. ! Tahar Jelassi : décédé le 24 juillet 1999, âgé de trente-deux ans, originaire de la ville de Soliman, gouvernorat de Nabeul. Sa mort est survenue suite à des violences qui lui ont été infligées à la prison de Grombalia (gouvernorat de Nabeul), par un groupe de gardiens en la présence du capitaine Belhassen Kilani, directeur de ladite prison. ہ l’origine, un incident anodin : la victime condamnée à quinze jours de prison pour " ivresse publique et tapage ", avait refusé de se soumettre à des fouilles humiliantes et d’obtempérer à l’ordre de se mettre complètement nu. Mis un moment de côté par les gardiens, le temps de finir les fouilles sur d’autres prisonniers, Jellassi fut ensuite emmené au pavillon cellulaire, enchaîné et soumis à un tabassage systématique par quatre gardiens. Il fut roué de coups de bâtons, de coups de poing, de coups de pieds (les gardiens chaussant des bottes militaires), jusqu’à ce que mort s’ensuive. Le directeur de la prison susmentionné a assisté à toute la scène. Quelques heures après, Jellassi fut transporté à l’hôpital où l’on déclara qu’il est mort à la suite d’une chute dans un escalier de la prison. Selon les informations que j’ai pu recueillir, la victime fut maintenue à la morgue dix jours, sur ordre du procureur de la République afin de procéder à l’autopsie, après quoi, elle fut enterrée "sous bonne garde". La famille fut " informée " de cette mort "naturelle" et le père intimé de ne pas dire autre chose. ! Mehrez Ben Sassi Bessakta (dit Oueld Zanaoui), originaire du quartier Bousselsela, résidant 3 Ouadi Tassa Sidi Abdelaziz ’al-Marsa. ! Mohamed Ben Sassi Bessakta (frère de Mehrez dit également Oueld Zanaoui), résidant à la même adresse. Détenus à la prison civile de Tunis, les deux frères y purgeaient des peines de longue durée. Morts tous les deux le 9 décembre 1997, des suites de brûlures profondes dues à "un incendie qu’ils ont eux-mêmes provoqué dans la cellule où ils séjournaient ". ہ l’origine du drame, une simple altercation avec un prisonnier au sujet d’une affaire de pilules que les deux frères avaient l’habitude de consommer comme drogue de substitution. Les autres prisonniers se sont alors interposés. Un détenu islamiste respecté pour son âge et sa piété a pu calmer les esprits. Sur ces entrefaites, de nombreux gardiens firent irruption munis de matraques, dirigés par le capitaine Ali Jemni et le lieutenant Imed Dridi. Les Zanaoui se réfugièrent alors dans la cellule et y mirent le feu après s’être barricadés à l’aide des lits. Pris de panique au vu de l’incendie, ils levèrent leur barricade de fortune et ouvrirent la porte. Les gardiens jetèrent alors des bombes à gaz à l’intérieur de la cellule, et une partie d’entre eux parvint à y pénétrer. Sous prétexte de maîtriser les " forcenés ", ils les rouèrent de coups. Empêchés de sortir, les deux frères succombèrent à leurs brûlures.
La responsabilité des gardiens et de la direction de la prison est patente dans cette double mort. Pourquoi avoir mis les deux frères ensemble dans la même cellule ? Pourquoi les avoir logés dans le pavillon " Infirmerie " de la prison alors qu’ils étaient réputés violents et dangereux ? Pourquoi cette gestion catastrophique d’un incident, somme toute, ordinaire ? Autant de questions qui accablent la direction de la prison, les deux officiers et les gardiens matraqueurs.
! La torture et les autres pratiques inhumaines, humiliantes et dégradantes La plupart des prisonniers se plaignent constamment des sévices divers qu’ils subissent. La prison de Houareb, près de Kairouan, celle de Borj er-Roumi, près de Bizerte et celle de Grombalia se sont particulièrement illustrées ces derniers temps, au palmarès de la torture des " locataires ". Mais la pratique est devenue courante dans tout le réseau pénitentiaire qui compte une trentaine de prisons. Il est à noter, également, les différentes formes d’humiliation et de violences se pratiquent en "amont", dans les centres de détentions que sont les postes de police. La plupart des suspects en état d’arrestation sont soumis à des tortures systématiques, destinées à leurs arracher des aveux. Très peu de détenus y échappent. Il ne s’agit donc pas de cas isolés, ni de bavures commises par des agents trop zélés. Ce n’est pas non plus un phénomène récent ; il s’agit d’une vieille habitude, enracinée dans la mentalité des " forces de l’ordre ", jusque devenir une composante de la " culture " de la police tunisienne. Le premier responsable est l’Etat qui refuse de procéder à des enquêtes sérieuses et indépendantes sur le crime de la torture, et de pénaliser ses auteurs. Sans doute, la responsabilité des médecins et surtout celle des juges est-elle également en cause. Le mutisme qui entoure ce crime gravissime réduit nos magistrats à un corps dépendant et quasiment inerte surtout quand il s’agit du traitement de dossiers " délicats " et des affaires d’opinion. Premièrement : la police tunisienne, avec ses différentes brigades, est impliquée dans le crime de la torture. Les brigades les plus citées par les prisonniers sont celles des " enquêtes et investigations " et en particulier la brigade " n° 17 " de la banlieue tunisoise Zahrouni, tristement célèbre pour les "performances" de ses agents qui ne s’embarrassent guère de laisser les traces de leur " interrogatoire " sur le corps du suspect ou du prévenu qui tombe entre leurs griffes. De semblables traces, j’ai pu en voir sur les corps de centaines de prisonniers que j’ai côtoyés, deux ans durant, dans le pavillon de la prison civile de Tunis, dit " Karraka ". Les pratiques les plus usitées que m’ont relatées des dizaines de prisonniers sont les coups de poings et les piétinements pratiqués en même temps par de nombreux agents ; les coups de bâton ou de tuyaux renforcés, répétés sur les jambes et le dos ; la suspension par les pieds des détenus complètement dénudés ; les brûlures de cigarettes sur les parties sensibles du corps... J’ai partagé le quotidien et écouté de nombreux prisonniers qui souffrent des séquelles de la torture : infirmité permanente à la suite des fractures, voire impuissance sexuelle... Les sévices sont commis lors de la garde-à-vue, dont la durée dépasse souvent le délai légal prévu par le code pénal tunisien. Répétons-le, il ne s’agit aucunement de bavures individuelles ; la violence, la torture et l’humiliation sont des actions répétitives et généralisées lors de la garde-à-vue, pour ainsi dire "institutionnalisées". Deuxièmement : une fois en prison, les détenus qui croient avoir franchi l’étape de la torture quasiment synonyme de la garde-à-vue, et se résignent avec un certain soulagement à affronter les souffrances ordinaires de la prison, déchantent très vite. La torture est " reconduite ", certes à un rythme moins soutenu, de manière moins systématique et avec des moyens autres. Borj er-Roumi, à cet égard, a décroché la palme. Les agents qui sévissent, sous les ordres du capitaine Imed Ajmi, l’actuel directeur, sont réputés pour la facilité avec laquelle ils recourent aux violences, à la torture, à la sanction par l’isolement des mois durant. Dans cette prison, on ne recule pas devant l’usage de la " falka " (un ustensile moyenâgeux, composé d’une corde dont les deux bout sont accrochés à un bâton et qui sert à ligoter et à serrer en étau les jambes de la proie). C’est ce qu’a subi un prisonnier qui a osé revendiquer un lit individuel, après de longs mois passés à dormir par terre dans le passage exigu (le kods : le tas) entre les deux rangées de lits doubles. Au sujet de la prison de Houareb et de Grombalia, tous les prisonniers qui y ont effectué un séjour racontent avoir subi les mêmes humiliations et les mêmes violences. Tabassages, tortures et isolement sont monnaie courante pour sanctionner les contrevenants aux règles draconiennes des deux prisons. J’ai vu la terreur dans les yeux de certains prisonniers menacés d’être transférés dans l’une ou l’autre de ces deux prisons par mesure disciplinaire. S’agissant de la prison civile de Tunis, il faut noter le recul des pratiques inhumaines en comparaison avec la période 1991/1996, ces sombres années au cours desquelles la machine de la torture a tourné à pleine régime, en particulier à l’encontre des islamistes. Nombre de prisonniers sont morts à la suite de sévices barbares et/ou faute de soins. Le rapport de la LTDH, d’Amnesty International et surtout celui de la FIDH publié en novembre 1998, ci-dessus cité, soumis par ailleurs au Comité de l’ONU contre la torture, sont à cet égard, assez complets et précis. Je me contenterai, pour ma part, de témoigner de ce que j’ai vécu au cours des deux dernières années. Il faut savoir, d’abord, que la prison tunisoise "loge" entre 4 et 6 mille prisonniers, selon les périodes, alors que sa capacité d’accueil n’excède pas les deux mille. Je reviendrai plus loin sur l’intolérable promiscuité dans la prison civile de Tunis, il n’est, toutefois, pas utile de l’évoquer dès à présent ; la première forme d’humiliation la plus basse est l’entassement, la " sous-humanité " prisonnière dans des locaux d’une rare insalubrité. La prison civile de Tunis est devenue un grand camp de concentration, dans lequel le " simple séjour " d’un prévenu ou d’un détenu est, en lui-même, une humiliation sans nom. Un des motifs des mauvais traitements les plus fréquents est la grève de la faim. J’ai vu de mes propres yeux les séquelles sur les corps et entendu des témoignages insoutenables à ce propos. Ce ne sont pas les raisons qui manquent pour pousser les prisonniers à protester par le jeûne. ہ chaque grève, l’administration commence par feindre l’indifférence ; puis procède à l’isolement des grévistes avant de leurs infliger des séances de tabassage, de les enchaîner durant plusieurs jours jusqu’à ce qu’ils interrompent le jeûne. Certains grévistes sortent de leur grève avec des fractures à plusieurs endroits de leurs corps ; d’autres sont édentés à la suite des coups reçus pour les forcer à boire du lait, d’autres encore ont des lésions anales provoquées par l’alimentation forcée (le fameux procédé de la poire). Les séances de tabassage de prisonniers enchaînés se passent généralement dans le pavillon cellulaire. Les "opérations" les plus atroces se déroulent dans les cellules 7 et 8 appelées par les prisonniers les "cellules du directeur". La simple évocation de ces deux numéro sème la panique chez les plus endurcis. L’appellation est une allusion au fait que c’est le colonel Sadok ’Atig qui est le seul habilité à donner l’ordre d’utiliser ces cellules pour infliger les sanctions suprêmes. On y procède à l’isolement du prisonnier dans l’une desdites cellules, pendant une dizaine de jours - parfois plus - durant lesquels, il est plaqué sur un lit de fer sans matelas, pieds et poings enchaînés aux quatre angles du lit. Privé de manger et de boire, il n’est même pas déchaîné pour faire ses besoins. Ceux qui sont soumis à cette punition ne sortent jamais indemnes : outre les graves lésions, ils souffrent souvent de troubles psychologiques chroniques. Troisièmement : mon souci, à travers ce rapport, est de rendre compte du vécu insupportable de tous les prisonniers. J’ai tenu à mettre l’accent sur la situation des " droit commun " dont le sort ne suscite guère l’émotion des observateurs, mais ce témoignage concerne tous les prisonniers ; je me dois donc de signaler aussi les exactions commises à l’encontre des " politiques ", les islamistes en l’occurrence, ceux que j’ai côtoyés et ceux sur qui j’ai pu recueillir des témoignages. Il n’y a, sans doute, pas un seul islamiste qui n’ait été soumis à des actes de torture, à des traitements inhumains et humiliants, dans les postes de police, lors de la garde-à-vue dans les locaux de la " Dakhiliya " (le ministèredel’Intérieur)ou,àdes degrés moindres, dans les différentes prisons du territoire. Les traitements infligés aux islamistes ont atteint des sommets de sauvagerie entre 1990 et 1996. Plus d’un millier de détenus islamistes croupissent aujourd’hui encore dans les prisons tunisiennes. Ils font l’objet d’un " soin " particulier de la part de l’administration pénitentiaire. Il s’agit de les " casser ". Alors que les " droit commun " purgent généralement leur peine dans les prisons relativement proches du lieu de résidence de leurs proches, alors que les prisonniers islamistes sont, eux, systématiquement placés dans des prisons éloignées. Pire, ils sont périodiquement transférés d’une prison à une autre, toujours plus loin, de sorte qu’aucun d’entre eux ne peut s’"établir" dans une prison. Beaucoup d’entre eux ont connu plus d’une quinzaine de prisons disséminées à travers le pays. L’objectif de l’administration étant, de toute évidence, de couper tous liens entre les islamistes et leurs familles, autre forme de torture que subissent, de surcroît, ces derniers. L’administration pénitentiaire procède également à la limitation du droit d’achat à la cantine pour cette catégorie de prisonniers. Les dépenses qui leur sont autorisées plafonnent à 25 dinars (120 francs environ) par mois. Cette mesure, encore en vigueur aujourd’hui, vise à doubler la privation de liberté d’une privation matérielle.
Outre les tracasseries " ordinaires " de la part des gardiens, les islamistes sont également en butte aux provocations des mouchards. Recrutés par l’administration parmi les criminels récidivistes et réputés dangereux, ces derniers sont chargés par l’administration, moyennant de chiches avantages, de faire la vie dure aux islamistes par les moyens les plus bas. Ces prisonniers subissent autant, sinon plus que les autres, les menaces et les mesures d’isolement dans les conditions que l’on sait, parfois pour de longues années. Ces mesures touchent principalement les leaders et les personnages emblématiques du mouvement islamiste.
! Le phénomène de l’automutilation Une des conséquences des mauvais traitements au cours de ce voyage au bout de la douleur, est l’accroissement exceptionnel du recours à l’automutilation. L’automutilation est une manière de "suicide partiel" due au désespoir absolu dans lequel se retrouvent les suspects confrontés à l’acharnement des "enquêteurs " dans les locaux de la police, puis au zèle vengeur des gardiens de prison. Le pavillon G où j’ai séjourné pendant deux ans héberge environ 500 prisonniers en permanence, souvent des récidivistes, non mineurs, ce qui lui a valu l’appellation de Karraka. J’ai recueilli dans ce pavillon des dizaines de témoignages sur le phénomène de l’automutilation et ses motivations explicites ou muettes. J’ai assisté personnellement à des actes d’automutilation ; cela fait partie du quotidien dans le pavillon G, véritable bouillon de culture de tous les désespoirs. Mais le phénomène n’épargne pas les neuf autres pavillons de la prison civile de Tunis, ni les autres prisons du pays où les cas se multiplient à un rythme soutenu, mais qui ne semble guère inquiéter outre mesure les appareils policiers et pénitentiaires. Pourquoi le recours à l’automutilation ? Avant d’essayer de répondre à cette question, il faut insister sur le fait qu’il ne s’agit pas de quelques cas de désespoir, ni d’une habitude contractée par les seuls récidivistes ou les grands criminels, mais bien d’un " comportement " général.
Entre 60 et 70 % des prisonniers de Tunis portent dans leur chair des traces d’automutilation, soit des milliers de personnes, sans compter la récidive de plus en plus fréquente. Deuxième constat : la plupart des actes d’automutilation se déroulent dans les locaux de la police lors de la garde-à-vue. Soumis à un interrogatoire " musclé " (c’est un euphémisme) pour lui extorquer des aveux, le prévenu se taillade les veines dans l’espoir d’avoir un répit, de gagner du temps, d’obliger ses bourreaux à l’emmener à l’hôpital. Beaucoup de cas visent à échapper aux affaires que certains enquêteurs essayent de faire endosser au suspect qu’ils ont entre les mains, histoire de liquider le stock d’affaires contre X. Les cas d’automutilation qui surviennent après le transfert en prison atteignent les 30 %, c’est le taux le plus proche de la réalité selon ce qu’il m’a été donné de voir. Nombre de ceux que j’ai côtoyés portent des marques sur la poitrine, sur les bras, sur le ventre, sur le cou, sur les jambes et parfois même sur les organes génitaux. Les prisonniers se tailladent, se déchirent, pour reprendre le terme consacré en prison, en signe de protestation contre les brimades de toutes sortes lors du séjour en prison : le recours systématique aux mauvais traitements, le dépassement du délai légal de détention préventive. Il arrive que l’automutilation soit également un cri d’innocence. L’outil le plus souvent utilisé pour s’automutiler est la lame de rasoir. Souvent la moitié d’une lame suffit. Les prisonniers rivalisent d’imagination pour déjouer la surveillance des gardiens chargés des fouilles et faire entrer cet outil si précieux, souvent caché dans la nourriture, pour ceux qui ont le privilège de recevoir le " couffin " de la famille. Parfois des gardiens sont soudoyés et rendent service moyennant une récompense de la famille. Ceux parmi les prisonniers qui ne sont pas en possession d’une lame troquent dix paquets de cigarettes contre une demi-lame. C’est la monnaie-étalon en prison qui équivaut à dix dinars (environ 50 francs). Afin d’échapper à la délation et aux fouilles périodiques des chambres et des corps, beaucoup de prisonniers avalent leur portion de lame après l’avoir soigneusement emballée. Le scandale permanent de l’automutilation est la preuve irréfutable du cauchemar au quotidien que constitue l’emprisonnement : aux yeux des prisonniers c’est la forme ultime de résistance contre les mauvais traitements et les conditions insupportables du séjour, la seule échappatoire dans un lieu où sont réunies toutes les conditions du désespoir. ! L’infrastructure pénitentiaire et les conditions du séjour Les bâtiments destinés à l’enfermement dans la plupart des régions sont vétustes et en situation de délabrement. Au demeurant, une grande partie des bâtiments n’était pas, à l’origine, destinée à devenir des prisons, ni conçue pour héberger des personnes condamnées à de lourdes peines. J’ai eu l’occasion, pour ma part, de connaître trois centres ; la prison civile de Tunis, Borj er-Roumi et Nadhour. J’ai en outre recueilli des dizaines de témoignages sur les autres centres et suis en mesure d’affirmer que les autorités tunisiennes sont loin de fournir l’effort requis pour la mise en place d’une infrastructure pénitentiaire un tant soit peu décente et respectueuse des normes internationales. Outre les fissures béantes des plafonds et des chambres de la prison civile de Tunis, tout comme celles de Borj er-Roumi, Nadhour, Houareb, les réseaux d’évacuation, d’alimentation en eau et en électricité sont défectueux. Les chambres dans chacune de ces prisons s’apparentent plutôt à des écuries, hébergeant jusqu’à 250 prisonniers. Dans d’autres, plus exiguës, on entasse plus d’une cinquantaine de prisonniers. Le pavillon G, la karraka, est à cet égard, " exemplaire ". L’état de surpopulation des prisons tunisiennes est littéralement catastrophique. La capacité d’accueil de la prison civile de Tunis, comme je l’ai évoqué plus haut, ne dépasse pas les deux mille personnes, alors qu’elle en a hébergé jusqu’à six mille au début des années 1990, années du " boom islamiste ". Suivit une légère décrûe qui a stabilisé la population prisonnière autour de quatre mille cinq cents aujourd’hui. La prison de Borj er-Roumi, près de Bizerte, a, au départ, une capacité d’accueil de trois cents personnes, elle en compte aujourd’hui mille deux cents. Dans la même banlieue se dresse la prison de Nadhour où s’entassent deux mille prisonniers pour une capacité d’accueil de six cents personnes purgeant des peines de plus de dix ans et dont une grande partie est condamnée à perpétuité. On retrouve la même situation à Houareb, à Nadhour, à Grombalia, à Messaïdine, près de Monastir ou à Bulla Regia dans le gouvernorat de Jendouba. Pour avoir une vision concrète de l’état de promiscuité, je citerai deux exemples : La chambre 1 de la célèbre Karraka se présente comme une écurie de 30 m de longueur pour 7 m de largeur. On y trouve 48 lits doubles, soit 98 places individuelles. On y héberge portant quelques 250 personnes. Elles y passent le jour et la nuit, pendant des mois et parfois de longues années (les lits sont rapprochés pour que les prisonniers puissent dormir à trois dans des positions perpendiculaires au sens des matelas). D’autres occupent le passage qui sépare les deux rangées, le fameux kods. D’autres encore se glissent sous les lits, position dite du camion. Seul le chef de la chambre, le Kabran et quelques fortes têtes redoutées par l’administration ont le privilège de dormir dans des lits individuels. La même situation prévaut dans les geôles n° 1 des pavillons A, B, C et H qui accueillent chacune cent cinquante prisonniers. L’article 10 de la loi tunisienne relative à l’organisation des prisons, qui stipule que tout prisonnier a le droit à un lit individuel, est une chimère. En réalité dormir normalement est un luxe que seuls les mouchards et les Kabrans peuvent atteindre. Il arrive même que ces derniers cèdent leurs droits (à un lit individuel) contre des sommes énormes (100 dinars, soit 500 francs) aux prisonniers qui en ont les moyens. C’est même une pratique courante dans la prison civile de Tunis notamment dans le pavillon C, réservé aux personnes âgées non-récidivistes, et le pavillon DA, théoriquement réservé aux prisonniers condamnés dans des affaires de drogue.
Le deuxième exemple concerne les prisons de Nadhour, de Borj er-Roumi, de Houareb et de Mahdia qui accueillent les condamnés aux peines de longue durée (de cinq ans à la perpétuité). Les geôles dans ces centres sont presque aussi surpeuplées ; plus du double de leur capacité d’accueil, de sorte que des prisonniers condamnés à perpétuité dorment par terre sur des couvertures de fortune et font la " queue " pendant des mois, voire plus d’une année, avant de bénéficier d’un lit individuel. Ces deux exemples en disent long sur la perception des prisonniers par l’administration pénitentiaire et sur le mépris de la législation nationale. Traités comme du bétail, les prisonniers vivent dans une promiscuité insupportable, qui explique les tensions permanentes et la violence sourde qui caractérisent les rapports interindividuels dans ces microsociétés, sans parler des vols, des sodomisations, etc. Autre détail, l’équipement sanitaire. Les w. c, sans "lunettes", sans portes donnent sur l’espace dévolu à la nourriture et au repos. Le sous-équipement sanitaire est patent : la chambre 1 du pavillon comporte seulement deux w. c pour deux cent cinquante prisonniers. L’aération des chambres est également défectueuse ; la chaleur torride de l’été alterne avec l’humidité en hiver. Pour compléter le décor, la lumière électrique maintenue de jour comme de nuit provoque des troubles de la vue et ne peut qu’aggraver la pression nerveuse et psychologique. Un dernier mot sur l’organisation de la détention par catégorie de prisonniers. C’est une fiction grotesque. La répartition des pavillons n’obéit à aucun critère rationnel : les prévenus sont parqués dans les mêmes chambres que les condamnés, les mineurs avec les majeurs, les délinquants débutants avec les récidivistes ; le violeur avec le prisonnier politique, islamiste ou de gauche, les grands criminels avec les prisonniers d’opinion.
! Les soins, l’alimentation et l’hygiène Les soins A priori les prisons tunisiennes disposent de structures de contrôle médical des prisonniers. Le personnel médical est inégalement réparti entre les différentes prisons ou centres de détention. La disponibilité des médecins, généralistes ou spécialistes, est, elle aussi, inégalement répartie. De même pour le personnel paramédical, les équipements et les médicaments. Toutes les prisons souffrent d’un déficit de personnels, d’équipement et de produits pharmaceutique. Les locaux dévolus aux soins sont ou délabrés ou inexistants. Mais au-delà de la misère de l’infrastructure médicale, quelques questions retiennent l’attention. Comment ce service public médical est perçu par les prisonniers ? Comment le personnel médical conçoit-il son intervention en milieu médical ? Quelle est la politique de la
santé de l’administration pénitentiaire, eu égard à la demande en soins, de plus en plus croissante, dans les vastes camps de concentration que sont les prisons tunisiennes ? Mon témoignage se limitera à la prison civile de Tunis qui est par ailleurs la plus dotée en matériel et en moyens humains. Prison de la capitale, elle bénéficie de la proximité du réseau hospitalier et d’efforts prioritaires de l’administration pénitentiaire. D’autre part, la demande de soins est particulièrement importante à Tunis. Les maladies nerveuses, les troubles psychologiques et la fragilité physique sont le corollaire des conditions de vie que j’ai décrites plus haut. Sans compter les maladies spécifiques des prisonniers : le mal de dos, les problèmes dentaires, les troubles de la vue, les maladies contagieuses de la peau, les affections des systèmes respiratoires et digestifs... Malgré des moyens plus importants qu’ailleurs, ce qui frappe en premier lieu c’est la désinvolture avec laquelle sont effectuées les prestations de soins. Aux yeux de la direction et de ses agents, quel que soit leur grade, le prisonnier malade est hypocondriaque ou simulateur. Le pire c’est que les médecins semblent partager cette vision qui se débarrassent de leur tâche comme d’une routine. Il arrive souvent que des prisonniers soient sanctionnés et transférés dans le pavillon cellulaire pour avoir " trop insisté " pour être soignés. En fait, le service médical est parasité par l’impératif sécuritaire. La santé des prisonniers relève de la direction avant tout. Les médecins, à commencer par le chef de la clinique, le Dr Foued Abdallah, sont soumis au pouvoir du directeur de la prison et suivent ses directives à la lettre. Cette situation devient plus flagrante lorsque l’état de santé d’un prisonnier politique nécessite son transfert à l’hôpital, surtout s’il doit y suivre des soins prolongés. Les médecins n’interviennent guère en amont des soins. Ils sont muets sur l’insalubrité des locaux, sur les conditions dévastatrices d’hygiène, sur l’alimentation et en général sur les conditions d’existence inhumaine. Toute approche préventive est impossible en prison ; tout se passe comme si le personnel médical avait oublié le serment d’Hippocrate et ne semble se soucier que des avantages de son contrat avec l’administration. Bref, les médecins se font les complices de l’administration dans la dégradation de la santé des prisonniers. Ces derniers n’ont pas de dossiers médicaux dignes de ce nom : alors qu’une déontologie élémentaire prévoit la tenue d’un fichier conforme aux normes techniques et scientifiques, dans la prison civile de Tunis comme dans les autres centres, on ne trouve que des papiers épars, à la portée du premier venu. Ces " dossiers " sont tenus à jour manuellement par des agents non compétents qui vaquent le reste du temps à d’autres occupations comme l’ouverture et la fermeture des portes des chambres ou les mauvais traitements. La direction de la prison peut à tout moment changer les dates, falsifier les dossiers. En un mot, ces dossiers n’ont aucune fiabilité. Il ne s’agit nullement d’un problème de documentation, c’est le suivi de la santé des malades qui est en cause. On s’en aperçoit lors de l’aggravation subite de certaines maladies et surtout lors des morts suspectes. Les proches des prisonniers morts à cause de la négligence coupable du personnel médical, de la direction ou par défaut de soins ne disposent d’aucune documentation leurs permettant le moindre recours. La direction de la prison peut ainsi continuer à sévir, à couvrir les négligences, les bavures et les exactions en toute impunité. Le cas du psychiatre M. Machat est assez instructif. En contrat avec la prison civile de Tunis, il tient une consultation hebdomadaire consacrée, en principe, aux maladies nerveuses et psychologiques. En fait, il se contente de distribuer les comprimés "Artan". La séance du Dr. Machat est un événement dans la prison. Deux jours avant la visite, les prisonniers commencent à se bousculer par centaines pour s’inscrire sur la liste des malades. Certains n’hésitent pas à faire la grève de la faim ou à se taillader les veines pour obliger la direction à les faire soigner chez le Diafoirus de la prison civile. Le jour de la visite, tous les pavillons sont saisis par une agitation soudaine. Une seule explication : l’Artan 15. Cette drogue de substitution est distribuée à tour de bras. La direction et le médecin semblent en parfait accord sur cette " politique de l’Artan ". Comme souvent en prison, un commerce très lucratif s’est organisé et le prix d’un seul comprimé a vite atteint 20 dinars (100 francs). Ceux parmi les prisonniers en manque qui n’ont pas la chance de consulter le Dr. Machat n’ont plus qu’à corrompre quelques agents qui se font fort de les fournir, à des prix faramineux, en Artan, en shit ou en autre chose. On ne peut pas dire que la prison civile de Tunis prenne vraiment "soin" de ses locataires. Pire que le laxisme des médecins, l’organisation des soins : le médecin se fait assister par des agents dont aucun n’a une qualification. Il s’agit de simples gardiens affublés de bouses blanches. Ce sont ces gardiens qui tiennent la permanence en dehors des heures de visites hebdomadaires, qui distribuent les médicaments et, pire que tout, qui dressent la liste des malades avant la consultation. Ce sont eux qui présélectionnent les " candidats " à la visite en fonction de critères qui n’ont rien de professionnel et parfois au gré de leur humeur. Ces aides-soignants improvisés interviennent avant et plus que le médecin.... Les détails qui précèdent ne rendent que partiellement compte d’un tableau plus sombre encore. Signalons simplement la rareté des médicaments et l’usage des médicaments passe-partout comme l’aspirine, la pénicilline, l’aspégic... Le traitement, exclusivement symptomatique et l’abus de calmants ; ou encore le maintien en prison de malades mentaux, de sidéens parvenus à un stade avancé de leur maladie ou de ceux qui souffrent d’insuffisance rénale grave. L’alimentation Aussi bien la qualité des repas que leur quantité, au regard du nombre des prisonniers, sont déplorables. Chaque prisonnier a droit à un pain de 350 g par jour. Deux " repas " sont servis l’un à midi, l’autre en fin d’après-midi, et pas de petit-déjeuner. Les "menus" sont essentiellement composés de sucres lents (pâtes, couscous, riz), de légumes et de lentilles. Les viandes, œufs et poissons sont servis une fois par semaine, parfois tous les mois. La qualité de la viande est telle qu’elle sert souvent de nourriture aux chats. Les prisonniers n’ont pas droit aux fruits. Le nombre des prisonniers étant ce qu’il est, l’administration n’arrive à "satisfaire" tout le monde qu’en surajoutant de l’eau dans la nourriture. La conservation des stocks alimentaires n’obéit à aucune norme d’hygiène, ni de santé. Selon certains prisonniers qui ont eu à travailler dans les cuisines ou à la boulangerie de la prison, les aliments sont entassés dans l’humidité, infestés d’insectes, de rats et de chats. Les cuisiniers sont choisis parmi les prisonniers selon des critères arbitraires excluant tout souci de propreté. Quant à l’équipement des cuisines, il date de Mathusalem. On a compris le peu de cas que l’administration fait de la santé et de la nourriture de ses " administrés ", mais la responsabilité morale et pénale des médecins est également en cause. Leur manquement au devoir de contrôle des conditions d’hygiène et de santé qui entourent la nourriture est évident. Seuls les prisonniers relativement aisés pouvant se procurer assez d’argent de leurs familles, arrivent à se nourrir décemment. Ils peuvent acheter du lait, du café, du yaourt, du fromage, du pain, des boissons gazeuses à la cafétéria de la prison. Ils peuvent également s’approvisionner tous les mois à la cantine (huile, confiture, harissa, sucre, céréales...), histoire de compenser les menus infects de la prison et de se préparer des petits-déjeuners. Il y a par ailleurs le système du " couffin ". Tout prisonnier a le droit de se faire amener de la nourriture trois fois par semaine. Mais il y a des prisonniers plus égaux que d’autres. Beaucoup, originaires de milieux pauvres ou en rupture avec leurs familles, ne reçoivent pas de " couffin ". Transférés dans les prisons éloignées des familles, les prisonniers n’espèrent plus recevoir ni visite, ni nourriture. En réalité, le " couffin " est souvent une très lourde charge pour la plupart des familles, notamment celles dont le parent prisonnier est condamné à une lourde peine. Souvent, elles s’en acquittent lors de la période de détention préventive uniquement. Quant à ceux dont les familles ont les moyens de leurs faire parvenir de la nourriture, l’administration se charge de limiter leur droit au couffin par une série de restrictions : sont exclus les tartes en tout genre, le poivron farci, le brik (sauf pendant le Ramadan), l’âssida (une sorte de polenta à base de farine), l’harissa, la mloukhia (une sauce noire à base de corète), les pizzas, les sucreries, le osban (tripes farcies), l’huile et le citron. Les légumes cuits sont acceptés mais " examinés " avant de parvenir à leurs destinataires. Les fruits sont acceptés en petites quantités et pas du tout les raisins et les figues. La liste des interdictions est plus ou moins longue d’une prison à l’autre. L’administration pénitentiaire les justifient par le fait que certains plats sont utilisés pour cacher subrepticement drogues et lames de rasoir. Les " couffins " sont minutieusement fouillés par les gardiens assistés de quelques prisonniers. Leur contenance est transvasée dans un récipient unique après avoir été triturée, de sorte que les diverses nourritures préparées avec le soin qu’on imagine par des familles éplorées, parviennent à destination dans l’état d’un mélange bizarre et souvent indigeste. Les prisonniers concernés étant absents de la fouille, il n’est pas rare que certains articles (les plus légers et les plus convoités) soient subtilisés. Enfin, le si mal nommé " couffin " arrive dans des récipients en plastique qui ne favorisent guère une alimentation saine. L’hygiène collective et individuelle Surpeuplement, délabrement des bâtiments, circuits d’épuration défectueux... Toutes les conditions sont réunies pou rendre impossible tout comportement hygiénique en prison. Les espaces où évoluent et dorment les prisonniers sont insalubres. Les w. c ouverts et crasseux sont infectés de rats, les circuits d’évacuation des eaux usagées et des excréments sont régulièrement en panne et réparés à coups d’expédients. Les fuites d’eaux malodorantes sont quasi permanentes dans de nombreuses chambres de la prison civile de Tunis. Les circuits d’eaux usagées dans l’"area" réservée à la promenade sont découverts. Les couvertures sont passées d’un prisonnier à l’autre sans être lavées ni désinfectées, d’où la prolifération des poux, punaises, puces et autres cafards dans les couvertures, les matelas et les vêtements de la plupart des prisonniers. La direction de la prison fournit chichement les prisonniers en détergents et désinfectants de la pire qualité, confiés aux chefs de chambre tous les quinze jours, parfois tous les mois. L’efficacité de ces produits est d’autant plus limitée qu’ils sont dilués dans de grandes quantités d’eau afin de suffire à tous les pavillons. S’agissant de l’hygiène individuelle, les prisonniers ont droit à des douches d’eau chaude une fois par semaine (quand ce n’est pas tous les dix jours). La douche dure à peine dix minutes. Dans certains centres comme ceux de Borj er-Roumi et Houareb, la pénurie d’eau courante est telle que chaque prisonnier doit se contenter de cinq litres d’eau pour la journée. La séance de " rasage de barbe " est un autre rendez-vous avec le dégoût et la douleur. Se raser la barbe en prison est un acte collectif et non individuel. Souvent sous haute surveillance, les prisonniers sont obligés d’utiliser une seule lame à plusieurs (jusqu’à cinq personnes). Souvent rouillé, l’outil est un vecteur de virus comme le VIH et d’autres maladies contagieuses dont on connaît le développement en milieu carcéral. La négligence totale des conditions d’hygiène dans les prisons de ce pays, l’observateur le plus étourdi s’en rendrait compte rien qu’à voir la multiplication des maladies de peau comme la gale, les conjonctivites et les allergies. Quid du droit de promenade ? Les prisons tunisiennes sont des lieux d’enfermement au sens strict. Les prisonniers n’ont pas le droit de s’adonner à des activités manuelles, ils n’ont pas d’accès à des bibliothèques ou à des espaces verts. L’horizon du prisonnier tunisien est le mur de sa prison, ou plutôt le(s) mur(s) puisqu’il est séparé du monde extérieur par huit espaces entourés de murs, de grilles, de murailles... La métaphore du camp de concentration que j’ai utilisée n’est pas un vain mot. Le spectacle de ces corps souvent faméliques et apathiques qui s’entassent dans les chambres, suffit pour s’en convaincre. Certes, il existe des ateliers d’apprentissage ouverts aux prisonniers, ainsi que quelques domaines agricoles accueillant des condamnés. Certes des prisonniers sont employés à des tâches d’entretien et de propreté... ces activités qui permettent de " bouger " ne concernent que 2000 à 3000 prisonniers sur les quelque 15 000 que comptent les prisons tunisiennes. Les prisonniers employés ne perçoivent aucune contrepartie, ces travaux ne sont en réalité que des corvées. L’écrasante majorité des prisonniers doit se contenter de la double promenade quotidienne : 20 minutes la matinée et 15 minutes l’après-midi. Les groupes de prisonniers se succèdent dans les espaces de promenade exigus : parfois des espaces de cinquante m2 pour des groupes de cent prisonniers.
! Les liens avec la famille et le monde extérieur Cette question est d’une grande importance. Elle a trait au devenir social et psychique du prisonnier et de ses chances de réinsertion à la sortie de prison. C’est du moins ainsi qu’elle est perçue dans les pays démocratiques, qui respectent les droits de la personne humaine et appliquent les normes internationales en matière d’emprisonnement. Qu’en est-il en Tunisie ? Le droit de visite est soumis à des restrictions arbitraires. Limitée dans le temps (dix à quinze minutes par semaine), la visite se déroule dans un local où le prisonnier est séparé de ses visiteurs par deux grilles. Les séances sont collectives : jusqu’à trente prisonniers à la fois qui se retrouvent face à des familles plus nombreuses. Les espaces réservés à la rencontre des parents, seul lien avec le monde des vivants, sont inappropriés : outre l’exiguïté des lieux, ils ne comportent pas de sièges pour les personnes âgées, les parents handicapés ou malades. De plus, l’éclairage et l’aération y sont défectueux. Pour ce qui est du droit de visite lui-même, il se limite aux deux parents, au conjoint, aux enfants et aux beaux-parents. Les autres collatéraux et parents par alliance sont en général exclus, ce qui réduit largement la liste. Quant aux amis, c’est une "catégorie" littéralement impensable. Les prisonniers envisagent la visite hebdomadaire comme un moment de décompression où l’on renoue avec la famille, où l’on prend des nouvelles du quartier, de la ville, de la vie hors les murs. Mais les conditions du déroulement de la visite sont telles que la frustration est chaque fois plus grande : le règlement des prisons empêche le prisonnier d’embrasser ses enfants, même les nourrissons ; la visite est brutalement interrompue avant même qu’on ait le temps de dire un mot aux parents accompagnateurs ; le brouhaha est tel qu’on arriveàpeine à entendreetàse faire entendre des visiteurs. En outre, le prisonnier est systématiquement fouillé, mis à nu et humilié avant et après chaque visite. Ajoutons que ce droit même rabaissé reste inaccessible pour les prisonniers détenus loin des lieux de résidence de leurs familles. C’est le cas de milliers de prisonniers notamment ceux purgeant de lourdes peines. Ceux-là vivent leur condition de condamnés oubliés de Dieu et des hommes. Autre lien avec le monde des hommes, la correspondance est théoriquement un droit reconnu et incontestable. Encore un droit vidé quasiment de son sens. Non seulement les correspondances sont ouvertes à la réception, elles peuvent être confisquées toutes les fois que la direction juge son contenu non conforme aux règlements de la prison, sans même que les concernés en soient informés. Enfin, le droit d’envoi est limité à une seule lettre par quinzaine. La censure du courrier reçu est telle que les photos des proches sont interdites, exceptées celles des enfants en bas âge. Les " pertes " des lettres sont fréquentes et les retards d’acheminement du courrier sont ahurissants : de longs mois peuvent séparer la date du tampon de la poste de la date de réception de la lettre par la famille. La lecture des livres et des périodiques est une fenêtre imaginaire sur le monde extérieur. Là encore, l’administration pénitentiaire introduit des restrictions absurdes. D’abord, le droit à la lecture est tout simplement interdit dans certains centres. Dans la prison civile de Tunis, en revanche, il existe certes une bibliothèque, mais le fonds qu’elle contient est sélectionné en fonction de critères politique et sécuritaire. En plus de la pauvreté, de la vétusté et surtout de l’indigence intellectuelle du fonds, un grand nombre de titres scientifiques ou littéraires sont bannis parce que leurs auteurs, tunisiens ou étrangers, n’ont pas l’heur de plaire au pouvoir. Un sort particulier est réservé aux ouvrages à caractère religieux, y compris les ouvrages de pure réflexion. Il n’est pas jusqu’au Coran et ses différentes exégèses qui ne soient interdits dans toutes les prisons munies de bibliothèques. Quant aux revues et magazines, ils ne franchissent jamais les murs de la prison, y compris les publications officielles. S’agissant des quotidiens, les prisonniers peuvent lire les journaux du gouvernement et ceux du parti au pouvoir, à condition qu’ils ne contiennent rien évoquant la réalité algérienne ou soudanaise, les propos les plus anodins de tel ou de tel homme politique en visite en Tunisie. C’est dire que même ces journaux sont censurés trois fois par semaine au moins. Situation à la fois absurde et révoltante. Reste la télé. Toutes les chambres dans toutes les prisons en sont équipées. La direction dispose, cependant, d’un système de censure maison qui lui permet de brouiller ou de couper toute émission (série, film, infos...) qui ne lui semble pas " politiquement correcte ". Et elle ne se prive pas d’exercer cette censure interne qui vient aggraver la censure officielle. ہ chaque fois c’est un motif supplémentaire de tension et de révolte parmi les prisonniers.
Malgré tout la télévision reste une formidable échappatoire pour tous ces téléspectateurs chevronnés que sont les prisonniers. Ils ont même l’habitude de dire que l’étrange lucarne permet d’atténuer 50% de la misère de l’enfermement. Il faut signaler ici le cas particulier des prisonniers politiques et principalement les islamistes qui demeurent la cible privilégiée des autorités pénitentiaires et qui ont expérimenté toute la palette de la souffrance en prison. Rappelons d’abord qu’il n’y a pas de séparation entre prisonniers politiques et prisonniers de droit commun. La direction redouble, cependant de zèle dans la maltraitance des politiques et notamment des islamistes. Ainsi, la visite des parents de prisonniers politiques se déroule dans une pièce réservée et par petits groupes pour mieux les mettre sur l’écoute. Cette pratique, les politiques la subissent avant comme après la condamnation. ہ titre préventif, la direction place des gardiens entre le prisonnier et ses visiteurs tout au long de l’entretien. Autre discrimination assez ubuesque que subissent exclusivement les islamistes : ils n’ont pas le droit de recevoir, de leurs familles, les vêtements qu’ils désirent porter. En effet, la direction de la prison a décrété que le burnous (en hiver) et la Djellaba (en été) et même le Saroual sont des uniformes politico-religieux, alors qu’il s’agit des habits traditionnels de la Tunisie profonde. Evidemment, la visite est interrompue dès que le prisonnier islamiste aborde les conditions de détention ou s’enquiert de l’actualité politique. Les islamistes subissent plus que les autres l’insulte de la censure. Ils n’ont pas le droit de recevoir des livres de l’extérieur. Par ailleurs, si les autres détenus ont pu arracher – après beaucoup de luttes et de souffrance, il est vrai – le droit de continuer leurs études et de participer aux examens de fin d’année, les islamistes demeurent privés de ce droit. Concernant la correspondance, celle des islamistes est la plus sérieusement censurée, ralentie et souvent confisquée.
! La situation des fonctionnaires et agents des prisons Le premier constat est le rajeunissement du personnel, lié en particulier à la création d’une école de formation des cadres des prisons. Les diplômés de cette école ont un niveau d’instruction nettement plus élevé que celui de la génération précédente, dont la proportion se réduit à vue d’œil dans les effectifs de l’administration pénitentiaire. En revanche, ce rajeunissement ne se répercute pas au niveau des postes-clefs de direction, même si la fonction de directeur général, ou de directeur de prison changent régulièrement de titulaires depuis une vingtaine d’années. Loin d’être les premiers responsables de la politique carcérale en Tunisie, c’est cette génération inamovible qui symbolise l’immobilisme dans la conception et la gestion de l’institution pénitentiaire. Le colonel Ali Ben Issa est, à mes yeux comme à ceux de tous les prisonniers, l’emblème incontestable de la culture répressive qui imprègne toute l’administration
des prisons, culture qui empêche l’émergence d’une conception civilisée, tout simplement humaine de la politique des prisons en Tunisie. Le rajeunissement des cadres est donc une réalité, mais on n’en voit pas les conséquences dans le quotidien des prisons. J’ai pu observer le comportement des cadres et des agents faisant partie des nouvelles recrues ; j’ai même recueilli des confidences sur le malaise et les dilemmes qu’ils vivent. La majorité d’entre eux s’acquittent de leur obligation sans conviction et n’éprouvent aucune fierté à appartenir à ce corps. Ils sont conscients de la contradiction entre ce qu’ils ont appris dans leur cursus et la réalité d’un métier où ils sont tenus de pratiquer la violence, la délation et les faux témoignages. Quand on sait que les effectifs des agents en question est loin de suffire, que leur rémunération reste modeste et que leur encadrement ne brille pas par sa compétence, on peut s’expliquer le fléau de la corruption qui sévit dans leurs rangs. C’est parmi ces mêmes agents que s’aggrave le commerce des différentes drogues servies aux prisonniers. Ce sont eux qui, en contrepartie de quelques sommes fournies par les parents, permettent à certains prisonniers un supplément de promenade à l’air pur. Ce sont eux qui obtiennent, avec la complicité des "durs", le privilège d’un lit individuel ou du transfert à un autre pavillon, pour les prisonniers disposant de moyens. Toutes ces pratiques ne sont pas un secret pour quiconque a séjourné dans l’une ou l’autre des prisons tunisiennes. La prison se transforme, du coup, en lieu de reproduction de la délinquance et s’écarte de la mission de réinsertion qui est la sienne. ! Le réseau des "kabrans" Ce réseauest un véritable " corps de métier " dont le rôle est un complément nécessaire au rôle des gardiens. Il s’agit d’une pièce maîtresse d’un système qui s’est installé depuis des décennies. En effet, les Kabrans fournissent une grande partie du personnel chargé de la sécurité interne et du fonctionnement de la machine pénitentiaire. Chaque chambre compte ainsi deux Kabrans : le chef de chambre et le caporal de corvée. Par ailleurs, chaque gardien-chef de pavillon est flanqué d’un supplétif parmi les prisonniers : le caporal de pavillon (Kabran Skifa) qui tient à jour les dossiers des détenus dans les différentes chambres et cellules du pavillon (les mouvements de transfert d’une chambre à l’autre ou d’un pavillon à un autre). Il est également chargé du suivi des relations entre les prisonniers et les différents services de la prison (la clinique, l’assistant social, les services centraux, le tribunal...). Les caporaux servent également de supplétifs dans d’autres secteurs de la vie carcérale : la douche, la boulangerie, la cuisine, la clinique, le pavillon cellulaire, la "propreté" des pavillons, la promenade, la coiffure... Ils sont eux-mêmes secondés par des sous-caporaux chargés des tâches ingrates comme la sécurité. Ce système des caporaux est nécessaire à l’équilibre du régime des prisons, il n’en est ni un effet pervers ni une déformation. Ce sont, en réalité, ces "agents" qui assurent le fonctionnement de la plupart des services. Ce sont eux les garants de l’application des règles de discipline et de sécurité : à temps partiel le jour et à temps complet la nuit. Véritable bras séculier de l’administration, le corps des caporaux reçoit des récompenses en retour : un pain supplémentaire, le droit à la promenade toute la journée. Ils bénéficient en plus de l’irremplaçable " considération " des gardiens et des menus avantages que procure la fonction auprès du commun des prisonniers (cigarettes, nourritures, habits...), qui les leurs concèdent pour acheter leur silence ou leurs petits services. Le profil du caporal est facile à dresser : il s’agit en général d’un criminel endurci, récidiviste et peu scrupuleux qui se met à la disposition de la direction pour les basses œuvres, principalement la délation. L’avantage essentiel que procure ce système est la perpétuation de la peur chez les prisonniers jusque chez les plus aguerris et les mieux portants. L’administration parvient, grâce à ce système, à désamorcer toute solidarité et à prévenir toute conscience et toute initiative collectives chez les prisonniers. L’usage fait de ce corps de supplétifs est l’indicateur le plus criant d’un système criminogène dont la réforme est aussi urgente que difficile.
Pour ne pas conclure Par ce premier témoignage, j’ai voulu avant tout m’acquitter de mon devoir de militant pour les libertés. Tous les aspects de la vie carcérale que j’ai évoqués appellent des précisions et des détails que les limites de mon expérience propre et l’urgence de parler m’ont empêché d’aborder. Il me reste à souhaiter que tous ceux qui auront connaissance de ce rapport, associatifs, experts ou journalistes œuvrent de leur côté pour faire pression sur les autorités tunisiennes, afin que le dossier explosif des prisons soit ouvert. Ainsi seulement la réforme d’un système dégradant qui est en train de broyer des milliers d’êtres humains sera possible. Par ce premier témoignage, j’ai voulu rendre service à mon pays. Puisse notre Tunisie devenir un jour une terre de liberté, de tolérance et de respect de la loi.