C'était le 5 juin 2002 à 3 h du matin

Samira Yahyaoui — 2003-07-02T14:14:06Z

C'était le 5 juin 2002 à 3 h du matin, alors que je ne savais pas que Zouhair était kidnappé, j'ai rêvé que mon frére est venu se refugier dans mes bras pour à la fois m'appeler au secours et me remercier (je ne sais toujours pas de quoi). Tout de suite après ce rêve je me suis réveillée toute en sueur souffrant de courbatures et d'un mal affreux à la gorge. Cet évènement s'est déroulé au même moment où on torturait Zouhair.

Le jour même vers 19 h du soir ma soeur m'a appelé pour m'annoncer l'arrestation d'Ettounsi, alors que depuis la création du site c'est-à-dire neuf mois durant j'espérais qu'il ne serait jamais découvert. C'etait le moment le plus horrible de ma vie où je ne pouvais même pas hurler ni pleurer, rien ne sortait, les images de toutes les méthodes de torture que j'ai lu dans des livres et qu'on pouvait donc lui faire subir me hantaient.

Après un mois de peurs, de pleurs et de larmes incessants, j'etais complétement asséchée, je ne pouvais même pas avoir le soulagement d'évacuer ma douleur en pensant à celle de ma mère de mes fréres et soeurs.

Et comme à chaque fois que j'ai eu affaire à un malheur je me suis refugiée dans la gaité, l'humour, la musique, le rire, l'amitié, la prière et dans tout ce qui est magnifique et je réservais ma colére à tous ceux qui me faisaient penser aux tortionnaires de mon frére. C'est peut être enfantin, mais pour moi c'était une question de survie pour ne pas sombrer.

Maltraîter de la sorte un jeune homme pour son humour, je ne pouvais pas le comprendre, surtout que les Tunisiens sont connus pour leur sarcasme, insultes à tout va et blagues parfois mal plaçées. Si on se doutait une seconde que ça pouvait mener en prison on aurait eu une vie de chiites iraniens en deuil permanent.

Mais la troisième gréve de la faim prolongée a bien dû m'obliger à ne plus espérer et à accepter de penser au risque de perdre mon frère dans des souffrances horribles, elle m'a replongée dans mes cauchemards, mes insomnies, les images interminables de prisonniers torturés, affamés et hurlant de douleur.

Voyant avec amertume et étonnement que toutes les actions menées n'aboutissaient pas et que mon frére est entrain de mourir j'ai décidé de me tourner vers le Président Ben Ali pour solliciter son pardon et la libération de Zouhair même s'il fallait fermer le forum, d'autant plus que je considére qu'on doit toujours s'excuser auprés des personnes qu'on a insulté ou à qui on a manqué de respect.

Tunisie Réveille Toi !

C'était le 5 juin 2002 à 3 h du matin